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Réformes : le ministère du Travail dévoile sa feuille de route

Marché de l'emploi | publié le : 12.09.2022 | Benjamin d'Alguerre

Fronton du Ministère du Travail français, Hôtel du Châtelet,

Réforme de l'assurance-chômage et des retraites, rapprochement entre formation et enseignement professionnel, création de France Travail... les ministres Olivier Dussopt (Travail, Plein-Emploi et Insertion) et Carole Grandjean (Enseignement et Formation professionnels) ont dévoilé le 12 septembre leur calendrier et leurs objectifs.

Le ministère du Travail vient d’entrer dans le dur. Le 12 septembre au matin, les deux locataires de l’Hôtel du Châtelet, Olivier Dussopt et Carole Grandjean, ont reçu conjointement les organisations syndicales et patronales pour leur présenter la feuille de route des futures réformes du travail et de la formation professionnelle afin d’atteindre l’objectif du plein emploi en fin de quinquennat que le gouvernement s’est fixé. « On veut le plein emploi, mais aussi le bon emploi », précise-t-on dans l’entourage de la ministre déléguée à l’Enseignement et à la Formation professionnels. En parallèle des huit grands chantiers que le ministère entend lancer, pour les premiers d’entre eux, dès la semaine prochaine en concertation avec les partenaires sociaux, d’autres concertations relatives à ces freins à l’emploi que sont les problèmes de mobilité, de logement et de la garde d’enfants seront organisées par les ministères compétents. Mais surtout, Olivier Dussopt a prévu de mettre en place, en parallèle, des « Assises du Travail », une grande réflexion nationale sur le sens du travail heurté par deux années de pandémie de Covid-19. Peu d’informations à ce stade, si ce n’est que le ministre du Travail, du Plein Emploi et de l’Insertion souhaite en faire un évènement « très décentralisé » et que plusieurs mesures en faveur du « mieux vivre au travail » sont d’ores et déjà à l’agenda comme l’universalisation du compte-épargne temps des entreprises pour en faire bénéficier l’ensemble des salariés (dans le cadre de discussions qui débuteront dès la fin de l’année), la mise en place de mesures de partage de la valeur qui commenceront à être étudiées à l’automne 2022 et une revalorisation générale des salaires et de l’attractivité des métiers à laquelle le précédent gouvernement avait déjà invité les branches professionnelles.

Mais la mère de tous les chantiers, c’est la création de France Travail, la future agence qui devrait regrouper sous un même toit Pôle Emploi, les missions locales et les divers services d’accompagnement des demandeurs d’emploi mis en place par les collectivités territoriales. Avec un objectif : mieux accompagner les demandeurs d'emploi dans leur parcours d'insertion et répondre aux besoins de recrutement des entreprises. La mission de préfiguration de ce futur établissement, dont l’annonce durant la campagne présidentielle avait déjà suscité des inquiétudes au sein des syndicats de Pôle Emploi et des missions locales, vient d’être confiée à Thibaut Guilluy, actuel Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, déjà en charge du lancement des contrats d’engagement jeunes (CEJ) lors du précédent quinquennat. Le début du déploiement du chantier est prévu début 2023. Quant à la méthode retenue, elle se veut empirique. Pas question de partir du statut des institutions ou de leurs prérogatives, mais de leur efficacité dans le traitement du parcours des chômeurs. « La clé d’entrée, ce ne sera pas le transfert de compétences, mais ce qui marche en matière d’accompagnement », prévient le ministère du Travail.

Accompagnement renforcé aussi pour les allocataires du RSA. Là encore promesse du candidat Macron pendant les présidentielles, l’annonce de la mesure avait suscité une levée de boucliers du côté des syndicats, des acteurs de l’insertion et des partis de gauche qui y voyaient les prémices d’une remise au travail des bénéficiaires du revenu de solidarité active en échange de travaux d’intérêt généraux. Si le projet du gouvernement ne va pas jusque-là, il n’en prévoit pas moins de resserrer la vis aux allocataires qui devront s’engager dans « un projet professionnel hebdomadaire, personnalisé et intensif » pour continuer d’en bénéficier. Sur le modèle du CEJ qui soufflera sa première bougie en mars 2023 et dont le gouvernement entend corréler le bénéfice à quinze heures hebdomadaires d’engagement dans un parcours d’insertion renforcée, mais aussi associer davantage aux structures d’insertion dans l’activité économique (SIAE). La mission préfiguratrice de France Travail doit d’ailleurs étudier les scénarios pour en développer le réseau. Le lancement du chantier est programmé pour l’automne 2022 et devrait débuter par une première expérimentation de douze mois, réalisée dans dix bassins d’emploi.

Déjà bien avancé, le chantier de la réforme de l’assurance-chômage devrait débuter par la sortie de deux décrets. Le premier pérennisant l’actuelle convention d’assurance-chômage jusqu’au 31 décembre 2023, le second mettant en place le début des concertations avec les partenaires sociaux – qui ont pour la plupart refusé l’idée d’une négociation interprofessionnelle - pour imaginer une nouvelle contracyclicité de la période d’indemnisation des demandeurs d’emploi en fonction de la conjoncture économique afin d’inciter les chômeurs à reprendre plus vite un job en situation de pénurie de main d’œuvre. « Il n’est pas acceptable que 30% des entreprises industrielles soient contraintes de réduire leur production parce qu’elles ne disposent pas du personnel nécessaire », résume-t-on dans l’entourage d’Olivier Dussopt. Mais pas touche pour l’instant au montant de l’indemnisation en dépit des déclarations chez nos confrères du JDD du député Renaissance Marc Ferracci, probable futur rapporteur du projet de loi à l’Assemblée Nationale qui n’écartait, pour sa part, pas cette hypothèse.

Complémentaire de celle de l’emploi, une nouvelle réforme de la formation professionnelle devrait offrir aux entreprises les compétences dont elles ont besoin. Si certaines propositions sont déjà dans les tuyaux – à l’image de l’ouverture de la VAE aux aidants familiaux pour leur permettre des reconversions dans les métiers du « care » qui figure déjà dans le projet de loi sur la contracyclicité de l’assurance-chômage – d’autres sont ouverts à concertation à l’image de la concrétisation des éléments figurant dans l’Accord-cadre autonome sur la formation professionnelle d’octobre 2021 négocié et signé par les partenaires sociaux (moins la CGT) dans le cadre de leur agenda social autonome, mais aussi le repositionnement des dispositifs de transition professionnelle pour les rendre plus efficients (à ce jour, seuls 300 salariés se sont intégrés dans une démarche « TransCo ») et la réorientation du CPF vers les besoins de l’économie. Des propositions qui devraient s’accompagner d’une redynamisation de l’apprentissage qui, à ce stade, paraît mal engagée au vu du sort incertain des aides de 5000 et 8000 euros pour le recrutement d’un apprenti qui doivent s’achever au 31 décembre 2022 et sur lesquelles le gouvernement entamera une réflexion d’ici la fin de l’année, et le rabotage des niveaux de prise en charge financier des contrats d’apprentissage. Si les acteurs de l’alternance ont évité le pire en ce mois de septembre, le ministère confirme sa volonté d’un nouvel « ajustement » en avril prochain. S’ajoute le gros morceau des réformes à venir : celui de la transformation de l’appareil de formation initiale et de l’enseignement professionnel. Ce dernier prévoit une rémunération des stagiaires des lycées pro qui, selon l’entourage de Carole Grandjean, « prendra la forme d’une gratification financière pendant les périodes de stage ». Mais avec quels financements ? La question reste ouverte.

Reste le dossier brûlant. Celui de la réforme des retraites. Olivier Dussopt doit réunir le 19 septembre prochain les partenaires sociaux afin de discuter des prévisions du conseil d’orientation des retraites (COR) qui, selon l’AFP, note un excédent de 900 millions pour le régime des retraites en 2021 mais ne perçoit pas de retour à l’équilibre avant 2030. Olivier Dussopt ne s’est pas à ce stade avancé sur l’introduction d'une mesure sur les retraites dans l’examen du PLFSS, les syndicats ont prévenu que toute tentative de le faire entraînerait leur mobilisation et leur départ de toutes les concertations prévues à l’agenda. Et les quelques mesures en faveur de l’emploi des seniors et de reconnaissance de la pénibilité mises sur la table par le gouvernement n'a que peu de chances de les faire changer d’avis. 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre