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Métiers en tension : le CAE recommande de former moins et d'accompagner mieux

Marché de l'emploi | publié le : 14.03.2022 | Benjamin d'Alguerre

Recrutement

Selon la dernière note du Conseil d’analyse économique consacrée au marché du travail post-Covid, la persistance de l'existence de métiers en tension serait moins la conséquence d’un manque de formation des demandeurs d’emploi que d’information des entreprises en matière de recrutement. Recommandation avancée : réduire la volumétrie de formation des chômeurs  pour préférer un recours renforcé aux opérateurs privés de placement.

C’est un nouveau coup dur pour le mythe des emplois non pourvus. Dans la dernière note du Conseil d’analyse économique (CAE), les économistes Roland Rathelot (Crest-ENAE) et François Fontaine (École d’économie de Paris) démontrent que les tensions structurelles sur le marché de l’emploi ne sauraient être expliquées par l’inadéquation entre l’offre et la demande en matière de métiers ou de localisation. Preuve en est qu’après deux années de crise pandémique et ses conséquences économiques, le retour à la normale est acté. "Dès la fin 2021, le taux d’emploi était de 67,5 % soit un peu au-dessus du niveau de début 2018 où il s’établissait à 66 %", observe Roland Rathelot. En clair : le marché du travail s’est remis du choc violent provoqué par la Covid-19 sans d’ailleurs que la hausse des salaires attendue ne soit au rendez-vous pour attirer des candidats devenus soudainement plus exigeants. "Au contraire, on constate même une légère diminution des rémunérations, compensée par l’augmentation du salaire minimum fin 2021", détaille François Fontaine.

Le retour à la situation d’avant-crise n’est cependant pas hétérogène. Les secteurs qui peinaient à recruter le demeurent. C’est le cas de l’hôtellerie-restauration qui a connu une réduction de sa masse salariale de 48 % au cœur de la pandémie. Sauf qu’à y regarder de près, la part des CDI dans la branche est quasiment revenue au niveau de 2019. Les postes qui peinent à trouver preneurs sont justement ceux en contrats de très courte durée qui connaissaient déjà des tensions importantes avant la Covid.

Un constat qui amène les deux chercheurs à réinterroger les politiques publiques de l’emploi, notamment celle qui consiste à flécher massivement les demandeurs d’emploi vers des formations leur permettant d’occuper ces emplois pénuriques alors que "la crise n’a pas fortement accru les problèmes d’adéquation entre offre et demande de travail sur le marché du travail français. Ceux-ci sont stables depuis dix ans", jugent les deux économistes. Conclusion : "Pour augmenter l’impact sur l’emploi, il vaudrait mieux concentrer la formation professionnelle sur les publics les moins qualifiés et les plus éloignés de l’emploi pour en accroître le volume."

Bref, plutôt que d’ouvrir les vannes pour former des demandeurs d’emploi qui ne se positionneront pas sur les emplois pénuriques, les auteurs de note suggèrent plutôt d’aider les TPE et PME dans leurs efforts de recrutement. "Le service public de l’emploi pourrait organiser un marché de l’accompagnement des entreprises mettant en concurrence plusieurs opérateurs privés de placement (OPP) et où les entreprises choisiraient sur la base de critères rendus publics. Le service public de l’emploi pourrait également systématiser des tests certifiés et normalisés permettant aux entreprises de mieux évaluer les capacités des candidats", recommandent-ils. Pourtant, le recours aux OPP lors de la précédente crise de 2008 avait connu des résultats mitigés comme l’avait souligné la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale en 2014, ce qu’avait ensuite confirmé un rapport de la Cour des comptes. "À l’époque, l’initiative était un peu expérimentale et il y avait très peu d’acteurs sur ce marché. Souvent issus du secteur associatif ou des filiales d’OPP étrangers", rétorque Roland Rathelot. "Ce qui a été jugé comme un échec, c’est le rapport coût/bénéfice des prestations d’accompagnement renforcé réalisées par ces prestataires. Il s’est avéré que Pôle emploi pouvait réaliser des prestations semblables pour des coûts plus faibles ." Dans cette nouvelle version, cependant, il s’agirait moins de sous-traitance entre Pôle emploi et des cabinets privés que de soulager le service public de l’emploi de certaines catégories de demandeurs d’emploi. "Il existe des solutions équilibrées à trouver. Pôle emploi a réalisé beaucoup d’efforts en matière d’accompagnement ces dernières années. Dans certains cas, il pourrait garder la main sur la démarche, dans d’autres, externaliser la prestation au secteur privé." Autre raison de cette stratégie expliquée par François Fontaine : "Les OPP sont beaucoup plus expérimentés aujourd’hui."

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre