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Le PIC peine à atteindre les publics éloignés de l’emploi

Marché de l'emploi | publié le : 20.12.2023 | Gilmar Sequeira Martins

Le PIC peine à atteindre les publics éloignés de l’emploi

Le PIC peine à atteindre les publics éloignés de l’emploi.

Crédit photo goodluz/Adobe stock

Ayant mobilisé 15 milliards d’euros sur la période 2018-2022, le plan d’investissement dans les compétences a permis d’augmenter significativement le nombre d’entrées en formation des demandeurs d’emploi, mais son impact sur les secteurs connaissant des tensions sur le recrutement reste limité.

Le plan d’investissement dans les compétences (PIC) lancé en 2018 avec un budget de 15 milliards a-t-il atteint ses objectifs ? Le quatrième rapport du comité scientifique chargé de son évaluation apporte des éléments de réponse. Ses auteurs rappellent d’emblée la complexité du dispositif et le changement qu’il a induit. La formation relevant de la compétence des Régions, l’intervention de l’État a fait naître une « ingénierie complexe » à travers des « pactes » que les conseils régionaux d’Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur ont refusé de signer.

Le rapport précise d’emblée que le budget initial n’a pas été totalement consommé puisque seulement 72 % des crédits prévus par l’État ont été engagés (79 % sur le volet national et 66 % sur le volet régional), ajoutant qu’il s’agit là d’une « estimation basse » qui ne tient pas compte des dépenses prévues entre 2022 et 2026. En prenant en considération « des dépenses complémentaires prévues conventionnellement », le taux d’engagement des dépenses de l’État monte à 87 %.

Malgré tout, le PIC a eu un impact significatif du côté des entrées en formation à destination des personnes en recherche d’emploi : leur nombre a atteint 1,6 million, soit près du double du niveau de 2017. Le rapport note toutefois qu’il reste inférieur à celui de 2021. Comment expliquer cette évolution ? Les auteurs précisent qu’en 2022, les demandeurs d’emploi mobilisaient moins leur CPF autonome, ce qui serait dû à un « resserrement de l’offre éligible ».

Le rapport relève également un recul du nombre de stagiaires de la formation professionnelle et met en avant « un contexte conjoncturel plus favorable à la reprise d’emploi qu’à l’entrée en formation ». Le PIC aura cependant permis d’augmenter les chances individuelles d’accéder à la formation sur la période considérée : 10,3 % des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi au premier trimestre 2021 ont accédé à un stage de la formation professionnelle dans l’année suivant leur inscription contre 8,5 % pour ceux inscrits au premier trimestre 2017.

50 % des entrées en formation vers les secteurs prioritaires

Les personnes peu diplômées et les décrocheurs auront été de grands bénéficiaires du programme. Durant les cinq ans du PIC, plus d’1,5 million de personnes ayant un niveau de diplôme inférieur au baccalauréat, dont 450 000 jeunes peu diplômés, ont pu accéder à une formation. Le rapport note la progression notable des taux d’accès des demandeurs d’emploi peu diplômés. Alors qu’en 2017, 8,9 % des inscrits à Pôle emploi (11,3 % parmi les jeunes peu diplômés) accédaient à une formation, ce taux monte à 10,7 % (14 % parmi les jeunes peu diplômés).

Les auteurs du rapport déplorent cependant la forte concurrence entre les dispositifs s’adressant à un même public, en particulier les jeunes, et l’absence « d’actions particulières » pour aller à la rencontre d’un « public parfois non connu des services institutionnels », aussi appelés les « invisibles », hormis l’appel à projet national qui a enregistré plus de 100 000 bénéficiaires sur la période. Le rapport note que cette démarche a eu « peu de retombées sur les orientations vers les actions de formation », au demeurant sans « caractère prioritaire dans ce type de projets ».

Les efforts consentis avec le PIC ont permis d’orienter près d’une entrée en formation sur quatre vers les métiers des secteurs prioritaires (métiers du numérique, de la transition écologique, du sanitaire et social et de l’industrie), dont la liste recoupe en partie celle des métiers en tension. Depuis 2019, près d’une entrée en formation sur deux est fléchée vers des métiers qui connaissent des difficultés de recrutement. Paradoxalement, la part des formations menant à ce type d’activité diminue, passant de 48 % en 2019 à 45 % en 2022. Comment l’expliquer ? Les auteurs du rapport soulignent que cette évolution touche principalement les formations orientées vers des métiers qui présentent des difficultés de recrutement causées par d’autres motifs que le manque de compétences, en l’occurrence un déficit d’attractivité par exemple.

Enfin, le rapport regrette que les formations ciblant les métiers qui souffrent d’un manque de compétences sans problème d’attractivité restent minoritaires. Elles représentent en effet moins de 20 % du total. Par ailleurs, les peu diplômés sont sous-représentés parmi ces formations puisqu’ils représentent moins de 40 % des entrées en 2019 et cette proportion diminue sur les trois années suivantes. Les auteurs du rapport constatent qu’il reste difficile d’orienter les « publics fragiles » vers des formations sélectives, du fait des pratiques de recrutement des entreprises, mais aussi parce que ces métiers où le manque de compétences est le principal obstacle au recrutement sont « souvent » des métiers relativement qualifiés.

 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins