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Les chantiers RH de l'année

Entreprise & Carrières | Fonction RH | publié le : 06.01.2015 | Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Virginie Leblanc, Elodie Sarfati, Hélène Truffaut

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Les grands chantiers sociaux vont se succéder en 2015 pour les DRH

Crédit photo a_korn

Des sujets de taille vont mobiliser les services RH cette année : mise en œuvre de la complémentaire santé, du compte pénibilité et de la réforme de la formation professionnelle. Mais 2015 est aussi l’année de la simplification administrative qui, à terme, pourrait soulager les DRH.

Complémentaires santé
Dernière ligne droite

À compter du 1er janvier 2016, toutes les entreprises devront offrir à leurs salariés une couverture santé obligatoire. À défaut d’accord de branche, l’entreprise devra mettre en place une couverture santé incluant un minimum de garanties, cofinancée à parts égales par les salariés et l’employeur. L’année 2015 est décisive pour celles qui n’ont encore rien mis en place.

Par ailleurs, au 1er avril, les nouveaux contours du contrat responsable entrent en vigueur. Pour être responsables, les contrats frais de santé souscrits ou renouvelés à partir de cette date devront contenir des planchers et plafonds de prise en charge sur certains postes de soins. Les entreprises bénéficiant d’un accord antérieur au 8 août 2014, et non modifié, continueront à bénéficier des dispositions antérieures jusqu’au 31 décembre 2017.

Enfin, le 1er juin 2015, la nouvelle législation sur la portabilité des droits durant un an après la rupture du contrat de travail s’étend aux garanties prévoyance.

Dialogue social
La FFB tient les clés de la négociation

La négociation interprofessionnelle sur la modernisation du dialogue social doit reprendre les 15 et 16 janvier. Le patronat souhaite fusionner les IRP dans une instance unique baptisée conseil d’entreprise. La CFDT, la CFTC et la CFE-CGC (FO sous certaines conditions) ne seraient pas opposées à négocier sur ce point, mais veulent parler de la représentation des salariés dans les entreprises qui en sont dépourvues, principalement les TPE.

La question divise le patronat : l’UPA serait prête à créer une représentation extérieure aux petites entreprises, dans des commissions paritaires, mais la CGPME refuse. Le problème vient du secteur du bâtiment : la FFB, membre de la CGPME, craint d’être distancée dans ces commissions par la Capeb, membre de l’UPA.


Épargne salariale
Le cas des plus petites entreprises

Promise dès fin 2012 par François Hollande, et officiellement engagée lors de la dernière conférence sociale, la réforme de l’épargne salariale va enfin se concrétiser dans le projet de loi Macron pour la croissance et l’activité, qui sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 26 janvier prochain. Objectifs affichés : favoriser son développement dans les TPE et PME en améliorant la lisibilité des dispositifs ; orienter davantage les quelque 100 milliards d’euros d’encours de cette épargne vers le financement de l’économie réelle.

Présenté en conseil des ministres le 10 décembre, le projet de loi intègre un premier volet de « mesures de clarification et d’harmonisation de nature technique et consensuelle » : date limite unique de versement des primes d’intéressement et de participation, alignement du calcul des intérêts de retard en cas de dépassement de cette date, etc.

Par ailleurs, un Perco pourra être mis en place par ratification des deux tiers des salariés en l’absence de délégué syndical ou de CE (comme pour les PEE). Et les salariés ne disposant pas de compte épargne-temps (CET) seront autorisés à verser l’équivalent de dix jours de congés non pris dans un Perco – au lieu de cinq actuellement –, cette possibilité étant déjà offerte aux titulaires d’un CET.

Le texte prévoit en outre de rénover deux dispositifs d’actionnariat salarié, avec un assouplissement du régime des bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE) et un allégement du régime fiscal et social des attributions gratuites d’actions (AGA), afin d’« inciter les entreprises à associer plus largement les salariés à leur capital ».

Cette première mouture doit s’enrichir, au cours des débats parlementaires, d’« éléments plus substantiels de réforme » s’appuyant sur le rapport du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié (Copiésas), remis au gouvernement le 26 novembre dernier (lire Entreprise & Carrières n° 1216). Elle sera également alimentée par les propositions des partenaires sociaux qui ont œuvré, de leur côté, à un projet de « position commune sur l’association des salariés à la performance et à la création de valeur au sein de l’entreprise ».
Enfin, rappelle le gouvernement, une modulation à la baisse du forfait social est à l’étude « pour encourager le développement de l’épargne salariale dans les TPE-PME et l’investissement dans des supports d’épargne contribuant au financement de l’économie ».



Formation professionnelle
Le taureau par les cornes

« La réforme 2014 de la formation : mieux vaut l’investir que l’ignorer », affirmait Philippe Joffre, dirigeant du cabinet Paradoxe, spécialisé en optimisation des politiques et budgets formation, le 11 décembre dernier, devant le club social de l’Ordre supérieur des experts comptables. « Autant les entreprises pouvaient feindre d’ignorer la réforme créant le DIF en répondant toujours non. Autant, aujourd’hui, ignorer la fin du 0,9 % plan de formation, le CPF et l’entretien professionnel risque d’être dangereux », concluait-il. Afin de ne pas prendre de risques, il faut passer par cinq incontournables durant l’année 2015. Dans l’ordre :

1. Bien connaître la réforme. Selon le baromètre emploi-formation réalisé par Opcalia et rendu public le 16 décembre, seules 18 % des entreprises déclarent connaître le contenu de la réforme, 22 % l’existence de l’entretien annuel tous les deux ans et 33 % le CPF.

2. Avant le 31 janvier 2015, informer les salariés sur le CPF. Les entreprises doivent informer leurs salariés sur leur reliquat d’heures de DIF, car ceux-ci peuvent depuis le 1er janvier aller sur le site de la Caisse des dépôts gérant les compteurs CPF pour y inscrire leur nombre d’heures de DIF et créer leur mot de passe secret de compte. Une bonne information aux IRP également permettra un dialogue plus technique et moins intuitif.

3. Discuter avec le DG et le DAF du financement des plans 2015 et 2016. L’obligation fiscale légale de financer à hauteur de 0,9 % de la masse salariale le plan de formation disparaît. Les entreprises financeront désormais seules leur plan. La mutualisation intraclasse (c’est-à-dire entre entreprises de taille à peu près équivalente) sur le plan via les Opca portait sur 15 % des fonds : 30 % des entreprises consommaient plus que leur 0,9 % versé à leur Opca via cette mutualisation, 30 % uniquement leur 0,9 % et 30 % moins : c’est fini. La majorité des budgets semblent stables pour 2015, mais ceux de 2016 seront l’objet d’âpres discussions entre RF et DG-DAF. Faire preuve de l’utilité de la dépense va devenir primordial.

4
. Choisir une option de gestion pour le 0,2 % compte personnel de formation : en interne ou via l’Opca ? La grande majorité des entreprises semblent aujourd’hui opter pour une gestion via l’Opta, du moins en 2016, pour voir comment cela se passe. Rappelons que les salariés peuvent demander un CPF à leur Opca depuis le 1er janvier 2015, mais que les financements ad hoc n’arriveront qu’en fin février 2016. D’ici là, les Opca vont financer (un peu) sur la professionnalisation, et tenter d’y voir aussi clair que possible sur les futurs engagements de versements des entreprises adhérentes. Faire rapidement le choix de gestion et en informer l’Opca permettra de clarifier la situation.

5
. Prendre contact avec son syndicat professionnel, sa branche et son Opca pour faire un état des lieux des options de financement : la branche compte-t-elle créer un versement conventionnel sur le plan ? De quoi est composée la liste de certifications de branche éligibles au CPF et possiblement “internalisable” dans le plan ? Hors versement conventionnel, quels seront les services offerts par l’Opta à chaque entreprise contre versements libres, et avec quel taux de frais de gestion ?


Licenciement collectif
Obligations légales modifiées

Le projet de loi Macron prévoit de modifier un certain nombre d’obligations légales relatives aux PSE (lire Entreprise & Carrières du 23 décembre 2014). En particulier, le périmètre d’application des critères d’ordre pourrait être réduit par décision unilatérale de l’employeur (dans le plan homologué par la Direccte), et l’obligation de reclassement interne serait limitée aux postes situés en France.


Lutte contre les discriminations
Un groupe au travail

Le groupe de travail sur la « lutte contre les discriminations dans l’accès à l’emploi et au travail », installé par le ministre du Travail, François Rebsamen, et présidé par Jean-Christophe Sciberras, directeur des relations sociales groupe de Solvay, doit rendre ses conclusions début mars. Il devra notamment se prononcer sur la généralisation – peu probable – du CV anonyme et sur la création d’une action collective en matière de discrimination.


Pénibilité

Le début du décompte des points

Dès le 1er janvier, les salariés exposés à un ou plusieurs des quatre facteurs de pénibilité définis par la loi – travail de nuit, travail répétitif, en horaires alternants ou en milieu hyperbare – peuvent acquérir des points pour alimenter leur compte personnel de prévention de la pénibilité. L’employeur doit à la fois identifier ces salariés exposés au-delà des seuils prévus par décret, et établir des fiches de prévention des expositions à leur remettre au plus tard le 31 janvier 2016.

La cotisation des employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité au-delà des seuils d’exposition est fixée pour les années 2015 et 2016 à 0,1 % des rémunérations perçues par leurs salariés exposés au cours de chaque période, avec un doublement du taux lorsque les salariés sont exposés à plusieurs facteurs de pénibilité. La cotisation de base due par tous les employeurs, fixée à 0,01 % de la masse salariale, sera nulle pour les années 2015 et 2016.

D’ici au 30 juin 2015, le gouvernement doit remettre au Parlement un rapport sur la mise en œuvre du compte. Il s’agit notamment de proposer des pistes d’amélioration et de simplification du dispositif (lire l’interview ci-contre), tant du point de vue des entreprises dans leurs obligations de recensement et de déclaration que du point de vue des salariés pour la mobilisation de leurs droits. Marisol Touraine et François Rebsamen avaient confié en octobre 2014 à Michel de Virville, conseiller-maître à la Cour des comptes et ex-DRH de Renault, une mission pour « accompagner la mise en œuvre des quatre premiers facteurs et préparer celle des six autres facteurs, en relation étroite avec les branches professionnelles ». Par ailleurs, une mission réunissant un député et un chef dentreprise a également été annoncée par François Hollande en novembre.


Prud’hommes

Une réforme pour accélérer les procédures

Le projet de loi “Macron” sur la croissance et l’activité, dont l’examen à l’Assemblée nationale démarre le 26 janvier, porte notamment la réforme des prud’hommes, dont l’objectif est d’accélérer les procédures. Celle-ci élargit à tous les conflits le recours à la médiation conventionnelle. Elle crée un bureau de jugement restreint. Une procédure plus rapide de recours au départage est instituée. En cas d’interruption durable de l’activité d’un conseil, l’agenda de ce dernier peut être remanié par un juge de la cour d’appel.

Par ailleurs, les conseillers prud’homaux sont davantage intégrés dans l’ordre judiciaire (formation initiale, règles déontologiques, procédures disciplinaires). Enfin, un véritable statut du défenseur syndical est créé.


Simplification
Un déploiement par étapes

- Bulletin de paie : mesure emblématique du choc de simplification, celle de la fiche de paie est en marche (lire Entreprise & Carrières n° 1213). Lors du conseil des ministres du 3 décembre 2014, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, et le ministre du Travail, François Rebsamen, en ont précisé le calendrier. L’allégement de la fiche de paie fera l’objet de travaux réunissant partenaires sociaux, principales fédérations professionnelles, experts comptables, utilisateurs des bulletins de paie et comité de normalisation des données sociales.

Il s’effectuera par étapes, un modèle simplifié – avec un allégement des mentions associées aux prélèvements des employeurs – devant être testé par des entreprises volontaires dès le 1er janvier 2015. Au cours de l’année, un second train de simplification devrait viser les autres parties du bulletin de paie : mentions relatives aux prélèvements salariaux, aux organismes collecteurs, au décompte des congés et au droit à la formation, dans l’optique d’une généralisation dès le 1er janvier 2016. Une réforme volontiers qualifiée de « cosmétique » par les professionnels de la paie.

Notion de jour : rien n’est encore arrêté. Mais l’harmonisation de la notion de jour (ouvré, ouvrable, franc ou calendaire), à l’étude depuis plusieurs mois, fait l’objet de l’article 2 de la loi relative à la simplification de la vie des entreprises, définitivement adoptée par le Parlement le 18 décembre. L’article stipule que le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure législative « afin d’harmoniser la définition et l’utilisation des notions de jour et, en tant que de besoin, d’adapter la quotité des jours dans la législation du travail et de la sécurité sociale ».


Temps partiel
Projet d’ordonnance

Pas de big bang au 1er janvier 2016. Un projet d’ordonnance devrait lever l’obligation, pour les employeurs, de modifier les contrats de leurs salariés à temps partiel embauchés avant le 1er juillet dernier, et qui demandent à bénéficier des 24 heures hebdomadaires (ou, le cas échéant, de la durée minimale instaurée par accord de branche). La loi de sécurisation de l’emploi leur avait simplement donné un délai jusqu’au 1er janvier prochain, avant de relever la base horaire des contrats. Selon le projet d’ordonnance, les salariés concernés ne pourront plus bénéficier que d’une priorité sur un poste dont la durée du travail correspond au moins au minimum légal ou conventionnel.


Travail dominical, horaires atypiques
Changement de règles

Examiné par le Parlement à partir du 26 janvier, le projet de loi Macron devrait modifier les règles concernant le travail dominical et en soirée. En l’état, le texte prévoit la possibilité, pour les commerces non alimentaires, d’ouvrir 12 dimanches par an, dont 5 « de droit ». La dérogation au repos dominical serait en outre permanente dans trois types de zones géographiques : les zones commerciales (actuels Puce), les zones touristiques et, création de la loi, les zones touristiques internationales. Un arrêté ministériel pourrait aussi autoriser l’ouverture des magasins le dimanche dans certaines grandes gares.

La loi unifie les garanties qui devront être apportées aux salariés, puisque, pour pouvoir ouvrir le dimanche, le volontariat sera requis et les établissements devront être couverts par un accord d’entreprise, de branche ou territorial. Lequel fixera les contreparties, notamment salariales, des engagements en termes d’emploi en faveur de personnes handicapées ou en difficulté, les conditions dans lesquelles l’employeur prend en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés travaillant le dimanche.

Enfin, dans les zones touristiques internationales, les magasins pourraient faire travailler leurs salariés jusqu’à minuit, sans autorisation spécifique. Là encore, un accord collectif devra garantir le volontariat, la mise à disposition de moyens de transports et prévoir des compensations (rémunération au moins doublée pour les heures effectuées entre 21 heures et minuit, repos compensateur).

Auteur

  • Emmanuel Franck, Laurent Gérard, Virginie Leblanc, Elodie Sarfati, Hélène Truffaut