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Le défi RH des banques cubaines

Entreprise & Carrières | Fonction RH | publié le : 12.05.2015 | Hector Lemieux, à La Havane

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L'arrivée d'acteurs comme MasterCard et American Express à La Havane accélère la professionnalisation du secteur bancaire.

Crédit photo dinhhang

La normalisation des relations entre Cuba et les Etats-Unis va entraîner des évolutions rapides pour faire face à l'ouverture de l'île, notamment dans le secteur des banques. Les formations s'y multiplient, mais une GRH est à construire.

Le guajiro (paysan) aux bottes en caoutchouc jaune tranche avec la clientèle de la vaste succursale de la Banco Metropolitano, de la banlieue est de La Havane. Venu solliciter un prêt, il écoute patiemment une conseillère financière expliquer les conditions à remplir pour obtenir un crédit de 1 000 pesos cubanos (40 euros).

Une situation impensable il y a encore quatre ans. Si les Cubains, notamment les entrepreneurs indépendants, se plaignent des difficultés à obtenir un crédit, les banques cubaines ont, à tout le moins, créé des postes de conseillers financiers depuis « l’actualisation du modèle économique » – c’est l’expression voulue par le président Raul Castro en 2010. Les banques reviennent de loin. Avant 2011, il n’existait pas de prêt bancaire pour les entrepreneurs indépendants. Les choses ont démarré lentement, et il faut donc toujours former les ressources humaines à des concepts bancaires inconnus des salariés eux-mêmes. Si le rapprochement diplomatique avec les États-Unis et la venue de grands acteurs financiers américains – MasterCard depuis le 1er mars et American Express prochainement – ont accéléré les besoins en formation, la réalité est sévère. Les distributeurs automatiques sont souvent vides car les personnels bancaires ont oublié de les remplir. Lorsqu’ils ne sont pas victimes d’une panne de courant.

Un effort de formation « Nous sommes conscients que nous devons acculturer notre force de travail à un sentiment d’appartenance à l’entreprise ainsi qu’au respect du client », déclarait récemment le président de Banco Metropolitano, Orlando D. Lopez Garces, dans La Granma, l’organe officiel du PC cubain. L’entreprise compte 4 400 employés, dont 3 500 femmes. Il a donc fallu expliquer aux salariés ce qu’était un prêt et ses conditions d’attribution. Ils ont été formés par un département de la Banque centrale de Cuba (BCC), le centre national de formation bancaire, d’où sortent 2 000 à 3 000 diplômés par an en comptabilité, mathématiques ou analyse financière. L’université de La Havane et le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) participent au dispositif. L’église catholique cubaine a lancé, fin 2013, des cursus de formation en finance, mais les banques, qui sont toutes publiques, n’y font pas encore appel.

Au quotidien, les services de ressources humaines des banques tentent de motiver les personnels, avec la mise en place de bonus, bien minces, qui produisent des résultats variables. Les conditions de travail évoluent cependant. « Nous avons étendu les heures de service à la clientèle là où il y a une demande majeure du public, et créé des bureaux spécialisés pour solliciter des prêts », a indiqué récemment le vice-président de la BCC, Francisco Mayobre Lence.

Yaimara, qui vit dans le quartier havanais du Cotorro et est salariée dans une banque du centre-ville de La Havane, à deux heures de bus, confie : « Je travaille jusqu’à 19 heures au lieu de 17 heures autrefois, pour le même salaire, et en plus cela pose un problème avec la garderie de mon fils. »

Des salaires très bas De fait, les salaires moyens sont très bas (de l’ordre de 15 euros mensuels), même si les travailleurs vivent aussi de l’économie parallèle. Les conditions de travail ressemblent à celles pratiquées en France – les salariés sont payés tous les mois, ils ont droit à cinq semaines de congés payés, à des congés de maladie et de maternité – mais la GRH y est bien différente. Tout fonctionne dans le cadre très strict d’une économie d’État, dans laquelle la notion de performance n’a pas grand sens. Si certains secteurs comme le tourisme sont dynamiques parce qu’ils rapportent de l’argent à l’État, les autres fonctionnent au ralenti. Faute de motivation salariale, la culture d’entreprise ne prend guère. Les banques devront se donner le temps de se réinventer.


Auteur

  • Hector Lemieux, à La Havane