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Jean Pralong : "Il faut traiter la mobilité en mode push"

Digitale | publié le : 06.03.2022 | Gilmar Sequeira Martins

Jean Pralong, professeur de gestion des ressources humaines à l’EM Normandie, nous livre son analyse des possibilités aujourd’hui offertes aux DRH pour s’équiper d’outils capables de gérer la data.

 

Quelle est la situation des DRH face aux outils data du marché ?

Jean Pralong : Aujourd'hui, le problème a deux dimensions : il y a d'un côté les marques puissantes, de l'autre les jeunes entreprises qui ne sont pas connues. Cela joue sur le processus d'achat de ce type d'outils, car les DRH ne connaissent que les marques les plus puissantes. Par ailleurs, un DRH doit justifier son investissement auprès d'un supérieur. Or ce sont des outils complexes. Il est très difficile d'expliquer à un DG les différences entre le test de personnalité de tel éditeur, celui sur les soft skills d'un autre ou encore le test cognitif de tel autre, d'où la focalisation sur le prix et la puissance de la marque. Le raisonnement pur qui voudrait que le DRH achète l'outil le plus adapté à ses besoins se brise sur la focalisation des échanges sur le prix, mais aussi l'opinion supposée que les candidats se feront du produit. Les entreprises veulent réduire le risque de décourager les candidats d'où la recherche d'interfaces de qualité ou le souci de formuler les résultats "avec bienveillance". Ces éléments, qui ont pour objectif l'amélioration de la marque employeur, ne sont pas forcément au service de la qualité de recrutement. Un DRH se trouve un peu dans la même situation qu'une personne qui va acheter une voiture. Il n'est pas ingénieur et part du principe que des gens qualifiés se sont assurés de la qualité du moteur, de la sécurité, etc. Il va donc se concentrer sur d'autres aspects et sur le prix. Il faut aussi garder à l'esprit qu'un DRH a mille combats à mener, certains vitaux, d'autres périphériques, et qu'il ne peut pas tous les mener. Aujourd'hui, la data est encore perçue comme périphérique.

Quels sont les sujets RH pour la data ?

J. P. : Le vrai sujet en lien avec la data est la mobilité interne, car de nouveaux métiers apparaissent, en lien avec le digital et ses usages. Jusqu'à récemment, les parcours étaient verticaux et balisés mais le digital a créé de véritables "champignonnières" de postes compliqués à pourvoir car les collaborateurs ne les connaissent pas. Ils ont fait naître une nouvelle filière d'expertise à côté ou en remplacement de la ligne managériale classique. Jusqu'à récemment, on laissait les collaborateurs choisir les postes qu'ils connaissaient déjà. Maintenant, il faut traiter la mobilité en mode push. La data va permettre de faire connaître ces nouveaux métiers, mais aussi de repérer les compétences et les gens qui peuvent les occuper sans y avoir jamais pensé auparavant. La mobilité interne est le nouveau champ d'action de la data.

Les outils sont-ils déjà disponibles ?

J. P. : De nouveaux outils apparaissent, mais ils sont encore en rodage. L'enjeu à venir est de savoir ce qui sera du ressort de la machine et de l'humain. Les gens ne sont pas prêts à accepter une proposition de nouveau poste comme une suggestion de film à aller voir. Il faudra des humains pour expliquer à M. Durand qu'il est la bonne personne pour le poste qui lui est proposé et l'amener à signer le contrat. Cette interaction humaine, qui explique la décision de la machine et s'engage à rendre des comptes est un premier niveau. Le second passera par un nouveau lien entre les marques qui proposent les solutions RH et les collaborateurs eux-mêmes. Aujourd'hui, leurs clients sont les RH, ce sont donc des marques B2B. Demain, pour rassurer les collaborateurs, peut-être devront-elles devenir des marques B2C, ce qui aurait aussi un autre avantage : elles pourraient faire valoir aux DRH que les futurs candidats les connaissent et apprécient leurs produits. Ce mouvement n'a pas encore commencé.

 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins