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« Le droit manque de précision sur la vaccination recommandée en entreprise » (Simmons & Simmons)

Santé au travail | publié le : 11.03.2021 | Lys Zohin

Julia Gori, avocate en droit social chez Simmons & Simmons, détaille les responsabilités de l'employeur en matière de vaccination.

Le vaccin contre la Covid-19 pourrait-il être rendu obligatoire par l'employeur ?

Julia Gori : Non, pas à ce jour. Le caractère obligatoire ou non d'une vaccination est une prérogative du législateur. Le Gouvernement a fait le choix de ne pas rendre obligatoire le vaccin contre la Covid-19. Il s'agit uniquement d'une vaccination dite « recommandée », administrée sur la base du volontariat et du consentement. L'employeur n'a donc pas le droit de contraindre ses salariés, et encore moins de les sanctionner et/ou licencier, en cas de refus. En revanche, le Code du travail autorise l'employeur à recommander la vaccination sur proposition du médecin du travail. Une telle recommandation pourrait tout à fait s'appliquer à la vaccination contre la Covid-19. Elle pourrait même entrer dans le cadre de l'obligation de prévention et de sécurité qu'a l'employeur envers ses salariés.

L'accès à l'entreprise pourrait-il être conditionné à une vaccination ?

J. G. : L'employeur ne peut pas avoir accès à des informations concernant la santé des salariés, y compris leur statut vaccinal. L'accès à l'entreprise ne peut donc pas être conditionné à la vaccination, d'autant que cela reviendrait en pratique à rendre cette dernière obligatoire. Il en va de même concernant une possible sanction. De telles pratiques pourraient même être qualifiées de discriminatoires à l'encontre des salariés refusant la vaccination ou pour lesquels elle est contre-indiquée. L'employeur devra continuer de veiller au maintien des gestes barrières, aux aménagements de postes et autres moyens lui permettant de satisfaire son obligation de sécurité, et de permettre l'accès à l'entreprise à tous les salariés.

Si l'employeur décide d'organiser une campagne de vaccination, quelle pourrait-être sa responsabilité en cas de problème ?

J. G. : Depuis février, les services de santé au travail participent à la campagne nationale de vaccination contre la Covid-19 et peuvent vacciner les salariés volontaires âgés de 50 à 64 ans atteints de comorbidités. Mais le salarié reste libre de choisir le professionnel de santé vaccinateur et peut donc se tourner vers son généraliste. En janvier, Élisabeth Borne, la ministre du Travail, a fait savoir que les entreprises pourraient, le moment venu, jouer un rôle dans la stratégie de vaccination, lorsqu'elle sera accessible à l'ensemble de la population. Dans le cas où une entreprise souhaiterait y participer, il lui conviendra d'être prudente et de prévoir une offre de vaccination uniquement sur recommandation du médecin du travail, de même qu'une évaluation des risques, une information des salariés sur la vaccination et les effets secondaires éventuels, ainsi que le respect de l'anonymat et du secret du statut vaccinal. En cas d'accident post-vaccinal, la responsabilité de l'employeur pourrait éventuellement être engagée. Le droit actuel manque néanmoins de précision sur la vaccination recommandée en entreprise et la jurisprudence reste à développer. Il est toutefois possible d'envisager le cas d'un salarié considérant son accident post-vaccinal comme un accident du travail. Il est donc vivement conseillé aux employeurs de prendre des précautions et de recourir à un prestataire pour l'organisation de la campagne vaccinale (services de santé au travail, infirmiers agréés, laboratoires), afin de limiter au maximum le risque de responsabilité.


 


 

Auteur

  • Lys Zohin