L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) demande aux pouvoirs publics de créer deux tableaux de maladie professionnelle supplémentaires consacrés aux cancers de l’ovaire et du larynx causés par l’exposition à l’amiante. Dans son avis, l’organisme considère comme "avérée" la "relation causale" entre ces pathologies et cette matière longtemps utilisée pour ses capacités isolantes et ignifuges. Le document relève que ces deux types de cancers, lorsqu’ils sont liés à une exposition professionnelle, ne sont mentionnés dans aucun tableau de maladie professionnelle (TMP). Si certains TMP (30, 30bis du RG et 47 et 47bis du régime agricole) incluent l’exposition à l’amiante, ils concernent cependant d’autres pathologies (affections ou cancers bronchopulmonaires et mésothéliomes).
En dépit de cette absence, des demandes de reconnaissance de ces cancers en maladie professionnelle (MP) ont été acceptées. Ainsi, entre 2010 et 2020, l’avis précise que onze cancers du larynx associés à une exposition professionnelle à l’amiante ont été reconnus en MP en France entre 1994 et 2002. Entre 2010 et 2020, 130 demandes ont été instruites et 62 ont été acceptées. Les travailleurs concernés, majoritairement des hommes, avaient travaillé dans les secteurs des mines, de la construction et de la métallurgie. S’agissant de cancers de l’ovaire, six demandes de reconnaissance ont été examinées en 2010 et 2020 dont cinq ont été acceptées. L’avis rappelle que "les cancers associés à une exposition professionnelle à l’amiante restent encore sous-déclarés et sous-reconnus". Les données des registres de cancers du réseau Francim indiquent que "le nombre de cas incidents de cancer de l’ovaire et des annexes utérines est estimé à 5 193 en France métropolitaine pour l’année 2018, dont 4 531 cas de tumeurs malignes épithéliales de l’ovaire". En 2018, les estimations attribuent 3 479 décès à cette pathologie en France métropolitaine. Entre 1990 et 2018, le nombre de cas a enregistré une augmentation de 23 %.
Il souligne aussi qu’il existe aussi, au-delà de la complexité des procédures médico-administratives, "des blocages spécifiques" tels que "la focalisation de nombreux acteurs (médecins, agents administratifs, victimes, etc.) sur les maladies et cancers bronchopulmonaires" qui "invisibilisent de facto d’autres types de cancers comme les cancers ovarien et laryngé". L’avis relève également que certains travailleurs, notamment les agents administratifs et d’entretien, peuvent être "invisibilisés" lorsqu’ils ne relèvent pas de secteurs exposant "traditionnellement" à l’amiante comme la métallurgie. Sans oublier les "obstacles spécifiques" à la reconnaissance en MP qui exige un seuil d’incapacité permanente de 25 %. L’avis rappelle la "variabilité de l’attribution des taux d’incapacité" et précise que le taux attribué pour le cancer du larynx peut être inférieur au seuil de 25 %.
Il souligne que certains secteurs d’activité sont "associé[s] à une augmentation du risque de cancer de l’ovaire", en particulier ceux de l’amiante-textile, l’amiante-ciment, la fabrication d’isolants et le pesage et la fixation des rembourrages de masques à gaz (voir le tableau pour avoir la liste complète). D’autres secteurs exposent "plus spécifiquement" les femmes. Il s’agit des secteurs de la santé, de la fabrication de textiles ignifuges et les services (personnels, domestiques, collectifs sociaux et personnels, immobilier, location et services aux entreprises, intermédiaire monétaire).
Que faire ? Constatant "la faible visibilité des cancers de l’ovaire et du larynx en lien avec une exposition professionnelle à l’amiante", l’Anses préconise d’améliorer "l’information des personnels médicaux et administratifs engagés dans le système de reconnaissance des MP", mais aussi de mieux informer les femmes. Plus "spécifiquement", l’agence estime "nécessaire" de mieux accompagner les personnes dans leurs "démarches informatisées" qui peuvent être "complexes ou inaccessibles", ce soutien devant être priorisé pour les "personnes âgées ou en situation socio-économique précaire".
L’Anses rappelle que le Parlement européen a voté le 20 octobre 2021 une résolution recommandant la prise en compte par les États membres de ces pathologies comme maladies professionnelles et que la reconnaissance du cancer du larynx associé à une exposition professionnelle à l’amiante figure déjà dans les TMP de nombreux pays (Norvège, Autriche, Allemagne, Belgique, Danemark, Portugal et Luxembourg). En Allemagne, depuis 2017, les caisses d’assurance maladie et le ministère du Travail et des Affaires sociales considèrent comme "suffisantes" les données disponibles pour reconnaître comme maladie professionnelle le cancer ovarien associé à une exposition professionnelle à l’amiante.