logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Inspection du travail : "Nous demandons des outils d'urgence"

Santé au travail | publié le : 04.01.2022 | Benjamin d'Alguerre

Inspection du travail

Si la ministre du Travail compte intensifier les contrôles de l’Inspection du travail en entreprises pour imposer le nouveau protocole sanitaire qui encourage les employeurs à pratiquer le télétravail trois, voire quatre, jours par semaine, les agents de contrôle tirent la sonnette d’alarme sur des effectifs et des moyens de sanction insuffisants. Entretien avec Alexandra Abadie, secrétaire nationale du SNTEFP1-CGT

Dans le cadre des mesures renforcées contre la cinquième vague de Covid-19, Élisabeth Borne a annoncé 5 000 contrôles de l’inspection du travail par mois pour vérifier que les mesures relatives au télétravail seraient bien suivies. Les équipes de l’inspection y sont-elles prêtes ?

Alexandra Abadie : Pour l’instant, nous n’avons connaissance des objectifs fixés par la ministre que par l’intermédiaire des médias. Aucune information officielle ne tourne dans nos services. Si ces objectifs sont confirmés, nous dénonçons le manque de moyens dont dispose l’Inspection du travail pour les atteindre. L’Inspection, aujourd’hui, c’est 1 800 agents de contrôle, soit un pour 1 000 entreprises et 10 000 salariés ! Les effectifs sont en baisse depuis dix ans et aujourd’hui, nous comptons même 260 secteurs qui ne disposent d’aucun agent de contrôle ! Nous avons beaucoup payé la RGPP et nos effectifs sont de 14 % inférieurs à ce qu’ils devraient. Alors, oui, l’objectif de 5 000 activités de contrôle d’entreprises mensuelles pour vérifier si les employeurs se mettent en conformité avec les protocoles sanitaires est tenable… mais à condition de laisser tout le reste en jachère. Or, ce n’est pas parce que nous sommes en période de Covid-19 qu’il n’y a pas de problème de sécurité sur les chantiers ou des entorses à la réglementation du travail sans lien avec la pandémie.

Comment l’inspection s’était-elle adaptée aux précédentes vagues de contrôles ?

A. A. : Depuis les confinements, l’activité de l’Inspection s’est concentrée à 100 % sur le Covid et sur les mesures mises en place par les entreprises pour protéger leurs salariés. Il y a eu des initiatives, on ne peut pas dire que les entreprises n’ont rien fait. Mais, aujourd’hui, on nous demande de contrôler l’application du télétravail selon les critères du nouveau protocole sanitaire. Or, ce dernier n’a qu’une valeur de recommandation, il n’a rien de contraignant comme l’a rappelé le Conseil d’État, dans deux ordonnances en date des 19 octobre et 16 décembre 2020.

Justement, sur quelle base légale pouvez-vous sanctionner un employeur qui ne respecterait pas le protocole ?

A. A. : Sur l’obligation légale qui incombe aux employeurs de protéger la santé et la sécurité de ses salariés qui est inscrite dans le Code du travail. Mais ça ne concerne pas que le seul télétravail. C’est en ça, d’ailleurs, que le protocole est intéressant puisqu’il prévoit toute une batterie de mesures préventives (distanciation sociale, aération des locaux, désinfection, etc.) dont le télétravail n’est que l’une parmi d’autres. Lorsque l’on contrôle une entreprise, on regarde l’ensemble des mesures déployées.

Les précédentes inspections ont abouti à 110 mises en demeure. Concrètement, de quel arsenal disposez-vous ?

A.A : Actuellement, la mise en demeure est le seul outil à notre disposition. Mais il est difficile à mettre en place et lent à porter ses fruits. Concrètement, si un contrôleur observe une absence de prise en compte du risque sanitaire, il en avertit le directeur régional de la Dreets qui, s’il le souhaite, peut mettre en demeure l’employeur de se conformer à la réglementation. En cas de refus – ce qui implique un second contrôle – la Dreets peut choisir de saisir le procureur de la République qui à son tour décide de poursuivre ou non avec à la clé une sanction pénale se traduisant par une amende de 3 700 euros pour l’employeur. C’est un processus très long et, par ailleurs, le recours devant le tribunal judiciaire de la part de l’employeur sanctionné suspend l’exécution de la sanction. Le projet de loi sur le passe vaccinal – et notamment l’amendement déposé par le Gouvernement – permettrait aux contrôleurs de pouvoir sanctionner administrativement un employeur qui ne se conformerait pas au protocole en lui infligeant une amende de 1 000 euros par salarié concerné jusqu’à un plafond de 50 000 euros. C’est une sanction qui existe déjà pour, par exemple, les infractions sur la durée du travail. Un recours de l’employeur est toujours possible, mais devant le tribunal administratif cette fois, ce qui ne suspend pas l’exécution de la sanction. Ce serait un plus, mais ce que nous demandons, par ailleurs, c’est un outil plus adapté à la situation d’urgence comme la possibilité d’arrêter l’activité de l’entreprise lorsqu’un manquement au protocole sanitaire est constaté à l’image de ce qui existe déjà pour l’irrespect sur la réglementation relative aux travaux de grande hauteur.

(1) Syndicat national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle.

 

 

 

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre