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Désinsertion professionnelle : un enjeu de performance et d'attractivité

Santé au travail | publié le : 05.09.2022 | Gilmar Sequeira Martins

The diverse group of people, entrepreneurs, or office workers is

La santé des salariés, une question qui ne regarde pas l’entreprise ? Tentante, cette posture risque de se briser sur le mur des réalités, comme le rappelle le premier numéro des Cahiers de l’Anact consacré aux travaux sur la prévention de la désinsertion professionnelle. Publié cet été, il rappelle que le nombre de salariés fragilisés par des problèmes de santé est "en progression significative". Plus du tiers de la population (36 %) déclare avoir une maladie ou un problème de santé, chronique ou de caractère durable, près d’un quart (22 %) est touché par une maladie chronique évolutive (cancer, diabète, sclérose en plaques, maladies cardio-vasculaires, maladies psychiques, sida…) et 15 % des travailleurs se déclarent limités dans les activités ordinaires à cause d’un problème de santé. La France compte par ailleurs 5,9 millions de personnes en âge de travailler qui se déclarent en situation de handicap. Devant l’ampleur des enjeux, la prévention de la désinsertion professionnelle est devenue un objectif clé des orientations prioritaires des plans de santé publique (Plan national de santé publique 2018-2022, Plan cancer, Plan maladies chroniques…) et de santé au travail (Plan de santé au travail 2021‑2025, axe stratégique 2, objectif 4).

En dépit du caractère massif de la santé globale de la population, la publication de l’Anact constate qu’aussi bien le maintien ou l’accès à l’emploi restent "difficiles à appréhender" pour les entreprises et déplore que perdurent des "tendances fortes" privilégiant le "non-respect des obligations légales en matière d’emploi des populations reconnues travailleurs handicapés, les déclarations d’inaptitudes ou de restrictions médicales et l’exclusion progressive du monde du travail de toute personne fragilisée par un problème de santé".

Les travaux menés depuis 2018 autour de la prévention de la désinsertion professionnelle ont permis d’identifier quatre axes de "capitalisation" et des pistes d’action. Le premier axe proposé repose sur une plus forte coopération entre acteurs du maintien dans l’emploi. Parmi les pistes d’action figure notamment la mise en place de projets ciblés centrés autour de problèmes rencontrés dans les situations de travail réelles. Le second axe préconise de sortir d’une approche individuelle pour adopter une approche collective et organisationnelle. Parmi les pistes d’actions, les spécialistes de l’Anact proposent de "convaincre les directions de l’approche globale comme levier de performance", à travers l’analyse de l’absentéisme ou de la répartition du travail dans les collectifs, ou encore de mobiliser les branches professionnelles pour mieux intégrer la prévention de la désinsertion professionnelle dans les négociations et les pratiques des entreprises.

Le troisième axe recommande une autre évolution : passer du prisme "santé" individuelle à une approche "travail" plus globale. Selon les spécialistes de l’Anact, "l’analyse du travail" permet de comprendre dans quelle mesure le travail est tantôt facteur de construction, tantôt facteur de détérioration de la santé. Dans cette perspective, ils soulignent le "rôle spécifique" des managers qui assurent les "ajustements" entre les "besoins" de l’organisation et les capacités, mais aussi les limitations des salariés. L’Anact rappelle que les "espaces pluridisciplinaires de discussion sur le travail" restent des outils importants pour assurer l’expression des salariés sur leur travail. Quatrième et dernier axe : l’articulation de la "performance" avec la "qualité de vie au travail pour tous" à travers le traitement de problèmes concrets et récurrents. Les auteurs estiment qu’il peut être "incitatif" pour une entreprise de mener une politique de prévention plus active si l’augmentation des inaptitudes ou de l’absentéisme réduit son attractivité et augmente du même coup ses difficultés de recrutement. À l’heure où les pénuries de main-d’œuvre restent d’actualité, cette piste a des chances d’amener les entreprises à considérer autrement les questions relatives à la désinsertion professionnelle.

 

Auteur

  • Gilmar Sequeira Martins