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Burn out et troubles mentaux grimpent en flèche dans les entreprises

Santé au travail | publié le : 07.12.2023 | Benjamin d'Alguerre

Burn out et troubles mentaux grimpent en flèche dans les entreprises

Burn out et troubles mentaux grimpent en flèche dans les entreprises.

Crédit photo Kaspars Grinvalds/Adobe stock

Une enquête du cabinet Empreinte Humaine révèle l’état désastreux de la santé mentale des salariés français. Face à cela, les directions d’entreprises sont aux abonnés absents.

La santé mentale des salariés français n’a jamais été aussi dégradée. Tel est le constat brutal qu’établit le douzième baromètre de la santé psychologique au travail établi par le cabinet Empreinte humaine avec OpinionWay. Selon l’enquête réalisée dans la seconde quinzaine d’octobre 2023, 48 % des salariés se déclarent en situation de détresse psychologique, un état qui recouvre à la fois les symptômes dépressifs et l’épuisement professionnel. 17 % jugent même leur niveau de détresse « très élevé ». Des chiffres en progression depuis la dernière étude similaire en date de février 2023.

70 % des salariés jugent le travail responsable de leur état

Conséquence : le burn out grimpe en flèche et touche désormais 33 % des salariés, soit 6 points de plus qu’en début d’année. 2,4 millions de salariés présentent un risque de burn out sévère susceptible de dégénérer en trouble mental. Parmi les catégories les plus en danger : les moins de 29 ans (55 %), les femmes (52 %, + 4 points), les managers (52 %, + 8 points) et les seniors de plus de 60 ans (60 %, + 32 points !). « L’allongement de l’âge de départ à la retraite semble avoir un impact très significatif sur cette dernière population », note Christophe Nguyen, psychologue du travail et expert au sein d’Empreinte humaine.

Sept salariés sur dix sont unanimes : c’est bien le travail qui constitue la première raison de la dégradation de leur santé mentale. 25 % constatent d’ailleurs davantage de suicides ou de tentatives de suicides dans leur entreprise. Les arrêts maladies connaissent aussi une forte hausse : 27 % des salariés s’en sont vus prescrire au moins un en 2023. 20 % d’entre eux l’ont été pour récupérer psychologiquement d’un travail trop intense. 19 % invoquent un autre risque psychologique et 17 % l’ont été pour démotivation. Un surcroît d’absentéisme qui pèse sur les collègues, qui estiment à 80 % que ces arrêts entraînent un supplément de travail pour eux. Effet boule de neige : 60 % des salariés qui voient se multiplier les absences pour maladie autour d’eux expriment le souhait de quitter l’entreprise.

L'absence de stratégies de prévention

Comment en est-on arrivé là ? Pour Christophe Nguyen, c’est la conséquence d’une dégradation constante des conditions de travail – et même du sens du travail – qui perdure depuis la fin de la crise pandémique. « Les salariés font face à une intensification de leur charge de travail qui atteint ses limites, doublée d’une incertitude sur le plan économique qui fait que les entreprises naviguent à vue. Les projets engagés subissent un effet de stop-and-go permanent, ce qui provoque chez les employés stress, détresse et frustration », détaille l’expert. Résultat : huit salariés sur dix estiment que la stratégie de l’entreprise est opposée à leur intérêt !

Et face à cela… rien. Ou pas grand-chose. Les politiques de prévention des risques psychosociaux mises en place ne sont pas à la hauteur, estiment sept salariés sur dix. Seuls 40 % des managers seraient formés à la lutte contre les RPS et, surtout, l’absence de stratégie de prévention pèse sur le climat sanitaire et social. Conséquence de la casse des CHSCT par les ordonnances travail de 2017 ? « Oui et non », répond Christophe Nguyen, « les CHSCT étaient des instances dont la parole comptait, mais qui étaient rarement stratégiques dans l’organisation des entreprises. Le véritable problème, c’est que ces questions sont très rarement, voire jamais, abordées dans les comités de direction. Pour les dirigeants, cela reste un problème de RH et voilà tout ». Pourtant, ce sont bien eux que les salariés identifient prioritairement comme responsables de leur état de santé dégradé… bien devant les clients ou les managers.

Le télétravail, un faux refuge

Dans ces conditions, les salariés préfèrent partir – y compris dans une boîte qui paie moins, mais se préoccupe mieux d’eux – ou, le plus souvent, se résignent et tentent d’encaisser. « Contrairement aux États-Unis, il n’y a pas eu de ‘’grande démission’’ dans les entreprises françaises. En revanche, la ‘’grande dépression’’ est bien là », annonce le psychologue du travail. Et pour l’essentiel, elle reste silencieuse : seuls 20 % des salariés ont sollicité un acteur interne de l’entreprise (RH, médecin du travail…) pour évoquer leur mal-être et 40 % d’entre eux n’ont pas été satisfaits de la gestion de leur cas, soit que l’exposé n’a pas été suivi d’actions concrètes (huit cas sur dix), soit que la seule recommandation fut de prendre sur soi (sept cas sur dix), ou la solution proposée a eu des effets négatifs sur le salarié ou sa carrière (six cas sur dix).

Quant au télétravail, il n’est clairement pas la solution. 47 % des télétravailleurs à 100 % ressentent cette détresse psychologique, contre 36 % de ceux qui alternent présence sur le lieu de travail et travail à domicile. La faute, notamment, à un travail à distance qui n’a pas été réfléchi. Ainsi, un télétravailleur sur deux indique que son entreprise a engagé une réflexion préalable au développement du travail distancié avant de le mettre en place. D’ailleurs, ils sont également 50 % à penser que, malgré l’économie de temps de transports, le télétravail a alourdi leur charge de travail…

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre