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31 % des arrêts de travail sont liés à des problématiques mentales

Santé au travail | publié le : 21.06.2023 | Benjamin d'Alguerre

31 % des arrêts de travail sont liés à des problématiques mentales

31 % des arrêts de travail sont liés à des problématiques mentales.

Crédit photo PHILETDOM / Adobe stock

Le nombre des arrêts maladie chez les salariés explose depuis la fin de la pandémie de Covid-19. Avec une nouveauté : un bond significatif des absences pour troubles psychiques, liés au travail ou non. Pour réduire le coût de l’absentéisme pour les entreprises, le patronat se dit favorable à un durcissement des contrôles.

C’est le sujet qui donne des cheveux blancs aux employeurs. Les arrêts maladie ont bondi de 7,9 % entre 2022 et 2023. 42 % des salariés se sont ainsi vu prescrire au moins un arrêt en 2022, affirme le baromètre annuel de l’absentéisme de Malakoff Médéric, alors que l’observatoire de l’absentéisme Axa, qui a présenté son rapport 2023 en mai dernier, indique pour sa part que la part des salariés absents au moins un jour dans l’année s’est élevée à 44 % (contre 30 % en 2019). Chez AG2R la Mondiale, on calcule qu’en 2021 chaque salarié a été arrêté 22,6 jours en moyenne, soit presque un mois d’absence. Et dans ses conditions, la facture des indemnités journalière s’en ressent. Si la tendance devait persister, elle passerait de 15 à 22 milliards en quatre ans, à en croire Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics, qui s’exprimait devant le Sénat le 14 juin dernier.

Le poids des troubles mentaux

Les salariés abuseraient-ils des arrêts maladies trop facilement délivrés par des médecins complaisants ? C’est l’avis de la plupart des organisations patronales, CPME en tête. Mais aussi de 61 % des DRH interrogés dans le cadre de l’enquête WorkPlace Options/BVA dévoilée ce 22 juin. Eux, cependant, remarquent un vrai changement de nature dans les raisons qui poussent les salariés à demander un break à leur médecin. Si les années 2020-2021 ont été significativement marquées par des absences dues à la pandémie de Covid-19 – qui représentent cependant encore près de 30 % des arrêts maladie cette année –, c’est aujourd’hui davantage le mental qui se trouve mis à rude épreuve. « 31 % des arrêts de travail (hors maladies ordinaires) sont liés à des problématiques mentales, dont 18% sont liés au travail », estime le cabinet WorkPlace. Stress, épuisement professionnel, anxiété, tensions psychologiques, conflits… Les vies personnelles et professionnelles s’entremêlent de plus en plus. 78 % des DRH indiquent rencontrer des situations d’arrêt de travail causées par des raisons extérieures à l’entreprise.

Pour autant, la vie au travail pèse également sur l’état mental des salariés. Qu’il s’agisse de problèmes liés à l’organisation du travail (15 %), de difficultés induites par les pratiques managériales de l’entreprise (11 %) ou par les managers de proximité (10 %), les arrêts liés au travail représentent 36 % des absences, contre 20 % uniquement en 2014. 55 % des salariés jugent ainsi leur engagement excessif sous la contrainte de l’organisation. Parmi eux, jeunes et cadres connaissent également une recrudescence des arrêts. Les télétravailleurs – à l’exception de ceux en télétravail à 100 %, chez qui le nombre d’absences pour raisons de troubles psychiques a également bondi (5,7%) – semblent en revanche plus apaisés. Leur taux d’absentéisme n’est que de 2,2 % chez les télétravailleurs au global, avec 1,6 pour ceux ayant 3 jours par semaine ou plus, 2,3 % dans le cas où ils disposent d’un ou deux jours par semaine et 2 % lorsque cela est occasionnel. Autre élément clé concernant les télétravailleurs, le niveau de flexibilité. Ainsi, le fait de disposer de jours flexibles réduit le taux d’absentéisme à 1 %, quand il est de 3,2 % avec des jours fixes.

La CPME pour un durcissement des contrôles, le Medef plus mesuré

Côté patronal, c’est surtout le poids de ces arrêts sur le coût du travail qui inquiète. À la CPME, on estime à 4,4 % de la masse salariale globale le coût de l’absentéisme en 2022. On pointe notamment du doigt la responsabilité des médecins prescripteurs – jugés trop généreux –, l’absence d’information des chefs d’entreprise sur les motifs des arrêts, la fraude et la facilité de se faire arrêter par simple téléconsultation pour expliquer l’explosion des absences pour maladie. Et on revendique la mise en place de mesures plutôt radicales pour lutter contre cette inflation de l’absentéisme. Parmi elles, l’instauration d’un même nombre de journées de carence pour les salariés du privé et du public, l’établissement de « plafonds » de jours d’arrêt maladie au-delà desquels le prolongement de l’absence ne pourrait être établi que par un autre praticien, la limitation du nombre d’arrêts établis par téléconsultation, le renforcement des contrôles de la Sécurité sociale pour les salariés absents plus d’un mois ou encore le droit pour le dirigeant de l’entreprise qui en exprime le souhait d’être informé des motifs de l’arrêt de travail. Bref, un inventaire à la Prévert de mesures coercitives qui flirte parfois avec la lettre au Père Noël…

Au Medef, on joue davantage la carte de la pondération. « Partout en Europe, on constate une explosion des arrêts de travail dans cette période post-Covid », reconnaissait Geoffroy Roux de Bézieux le 20 juin dernier à l’occasion de sa dernière conférence de presse en tant que président du Mouvement. Et si l’on est aussi hostile qu’à la CPME à l’idée de faire peser sur les employeurs une partie de la charge des dépenses de Sécurité sociale – surtout à l’heure où les chefs d’entreprise vont devoir assumer le poids financier de l’allongement de la durée du travail – l’ambiance y est moins aux préparatifs de guerre et aux revendications agressives. « On peut procéder avec modération », indiquait le président en partance. En imposant, par exemple, un nouveau jour de carence non remboursé pour tout arrêt maladie. Mais en engageant en parallèle une réflexion sur la politique managériale des entreprises pour déterminer les causes du mal-être grandissant des salariés.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre