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Jean-Claude Bernardini : "Il n'y a pas assez de concertation sur le travail frontalier"

ISRH | Conditions de travail | publié le : 14.05.2020 | Pascale Braun

Jean-Claude Bernardini, membre du syndicat luxembourgeois OGBL et président du CSIGR.

Crédit photo DR

Quel a été l’impact du Covid-19 sur le travail dans l’espace frontalier entre la Belgique, le Luxembourg, la France et l’Allemagne, que vous représentez auprès de la Confédération européenne des syndicats ?
Jean-Claude Bernardini :
La crise sanitaire a permis de débloquer en un mois un problème qui semblait insoluble depuis des années : le Luxembourg a conclu des accords sur le télétravail et sur la fiscalité avec la France, la Belgique et l’Allemagne. C’est bien la preuve que quand on veut, on peut ! Mais il s’agit de trois accords différents et non d’un seul. Les modalités et les durées d’application varient, ce qui est regrettable. La crise a aussi mis en évidence de grands déséquilibres, notamment dans le domaine de la santé. Le Luxembourg a constaté que son système sanitaire était totalement dépendant des travailleurs frontaliers, qui représentent près de 70 % de l’effectif. En revanche, le Grand-Duché a mieux géré ses hôpitaux, qu’il a majoritairement conservés dans le secteur public tout en leur accordant beaucoup plus de moyens qu’en France.

La crise a-t-elle renforcé les coopérations intersyndicales à l’échelle transfrontalière ?
J.-C. B. :
Dans un premier temps, les relations transfrontalières ont été mises entre parenthèses, car chaque organisation s’est préoccupée de la gestion de la crise dans son propre pays. Les échanges ont repris en avril, quand il a été question d’allonger le temps de travail jusqu’à douze heures par jour et 60 heures par semaine dans les secteurs et les métiers essentiels. Le premier gouvernant à avoir avancé cette piste est Emmanuel Macron, rapidement suivi par le Luxembourg et par la Belgique. La crise sanitaire a servi de prétexte pour outrepasser la concertation. Des arrêtés ministériels font passer des dispositions que le droit du travail permettait de mettre en œuvre sur la base d’accords. Pour l’instant, à notre connaissance, aucune entreprise ne s’est saisie de cette possibilité, mais l’augmentation du temps de travail risque de devenir effective si l’absentéisme augmente pour des raisons de garde d’enfants ou de mesures de quarantaine. Jusqu’ici, l’ensemble des organisations syndicales a réagi par voie de presse, mais il pourrait y avoir des actions ou des manifestations si ces dispositions étaient maintenues.

La crise sanitaire fera-t-elle émerger d’autres revendications communes après la crise ?
J.-C. B. :
Plusieurs points font l’unanimité : la nécessité de réindustrialiser nos régions pour éviter que des pénuries comme celle des masques ne se reproduisent, la reconnaissance et la revalorisation salariale des métiers de l’alimentaire, de la santé ou du commerce, qui ont fait la preuve de leur caractère indispensable alors qu’ils avaient fait l’objet de restructuration… Il faudra aussi se poser la question des dividendes dans les entreprises qui auront été soutenues par les états, des cycles courts, du devoir de vigilance pour s’assurer que les droits humains sont respectés tout au long de la chaîne de production. Nous ferons valoir ces propositions auprès de la confédération européenne des syndicats et du comité de suivi des conseils syndicaux interrégionaux1.

Propos recueillis par Pascale Braun

(1) Le Conseil syndical interrégional de la Grande Région (CSIGR) est composé de huit organisations syndicales réparties dans cinq régions : OGBL et LCGB (Luxembourg), DGB (Rhénanie-Palatinat et Sarre), CGT, CFDT et CFTC (Grand Est) FGTB et CSC (Wallonie).

Auteur

  • Pascale Braun