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« Il faut s'attaquer à la charge de travail, en particulier pour les cadres »

Conditions de travail | publié le : 27.10.2020 | Lys Zohin

Professeure de management à SKEMA Business School, Stéphanie Chasserio préconise d'engager une réflexion sur la charge de travail et sur sa mesure, en particulier pour les cadres.

Si "le travail c'est la santé", quels sont les impacts de la crise liée au coronavirus sur la santé des salariés et des sans-emploi ?

Stéphanie Chasserio : Quand on dit 'bon pour la santé', c'est un raccourci, tout dépend des conditions de travail... Une étude de l'Inserm, entre autres, montre qu'en revanche, le chômage est mauvais pour la santé, aussi bien en termes d'addictions que de risques cardio-vasculaires. Par ailleurs, des études récentes montrent que la consommation d'anxiolytiques s'est accrue pendant le confinement, signe que ceux qui ne travaillaient pas étaient anxieux, tandis que ceux qui travaillaient, ou télétravaillaient, ont vu leurs conditions de travail se dégrader. Ainsi, selon une consultation de l'Anact, plus d'un salarié sur trois a travaillé à distance dans un environnement inadapté et 48 % ont eu le sentiment de travailler « plus » que d'ordinaire, dont une forte proportion de managers.

Comment les employeurs peuvent-ils combattre ces risques ?

S. C. : D'abord en mettant en place, sur site, un contexte sécurisé, ce qui, de toute façon, doit toujours être le cas. Ensuite, au-delà de l'écoute à procurer aux collaborateurs, et qui peut inclure une hot line, l'entreprise se doit d'être transparente, notamment sur sa situation financière, ce qui a pour effet de désamorcer en partie l'anxiété - et les bruits de couloir... Enfin, il faut s'attaquer à un autre problème, la charge de travail. La stratégie, quelque peu cynique, étant trop souvent de charger la barque, par manque de confiance envers les collaborateurs, ou, pour les cadres, sous prétexte qu'ils doivent savoir dire non en cas de trop-plein... Et s'ils acceptent de tout faire, c'est tant mieux... Cette situation a également un impact sur l'égalité hommes/femmes, car les femmes ont tendance à se surmener, car si elles ne le font pas, compte tenu de leurs tâches familiales par exemple, leur parcours professionnel risque de stagner. 

Comment mesurer la charge de travail ?

S. C. : Il y a urgence à mener une réflexion de fond sur ce sujet, quasiment tabou en France. D'autant que les employeurs mettent trop souvent en place des systèmes de vérification des tâches pour tous, alors que le pourcentage des collaborateurs qui ne font pas leur travail est très faible. Mais c'est plus facile que d'avoir le courage, pour un manager, de remonter les bretelles à ceux qui ne sont pas sur les rails. En fait, la plupart des salariés sont sérieux ! Il faut leur faire confiance ! En outre, il existe aujourd'hui, grâce notamment à l'intelligence artificielle, des outils qui permettent des analyses quantitatives et qualitatives du contenu et de la charge de travail. Ils doivent être mis en place dans les entreprises. Enfin, une réflexion sur la mesure de la charge de travail doit faire la part belle au collectif - encore plus en cette période d'isolement relatif des collaborateurs pour cause de télétravail. C'est en équipe que l'on peut discuter du temps, par exemple, qu'il faut pour réaliser une tâche. Dans ce domaine, le collectif a à la fois une fonction de prise en charge commune du problème et un rôle de régulateur.

 

Auteur

  • Lys Zohin