C’est une « modernisation nécessaire ». Dans son rapport annuel consacré à la Sécurité sociale, rendu public mardi 5 octobre, la Cour des comptes s’est penchée sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP). Pour les 18,8 millions de salariés affiliés au régime général, cette branche couvre les sinistres d’origine professionnelle. En 2020, ses dépenses s’élevaient à 13,4 milliards d’euros. Un chiffre finalement assez faible au regard des dépenses globales de sécurité sociale : 499,3 milliards d’euros toutes branches confondues (maladie, vieillesse, AT-MP, famille).
Dans son rapport, la Cour des comptes pointe en particulier une « gestion marquée par un certain conservatisme ». Lequel se traduit par une « grande complexité ». Principale faiblesse : la détermination des taux d’incapacité permanente. « Actualisés pour la dernière fois en 1993 pour les AT et en 1999 pour les MP, les barèmes sont aujourd’hui non exhaustifs, souvent imprécis et ne prennent parfois pas en compte l’évolution des connaissances et techniques médicales », pointe la Cour. Un manque de cadrage qui conduit à des disparités extrêmement larges. À titre d’exemple, les salariés touchés par des affections respiratoires chroniques peuvent se voir attribuer un taux d’incapacité allant de 10 à 100 %.
Plusieurs années nécessaires pour modifier les tableaux des maladies professionnelles
Autre grief : les évolutions des tableaux des maladies professionnelles sont souvent bloquées, en raison d’un « manque de souplesse ». Ces tableaux sont au nombre de 179 (régime général + régime agricole, sans compter les tableaux spécifiques à la Covid-19).
La procédure est particulièrement longue : une commission spécialisée au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail, dite CS4, prépare les créations, modifications ou abrogations des tableaux. Ministères, partenaires sociaux et experts participent à cette élaboration. Depuis 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) est systématiquement saisie. Elle est chargée de réaliser une revue des études scientifiques sur le lien entre la pathologie concernée et une exposition professionnelle. La CS4 rend ensuite un avis aux ministères. Comme le relève la Cour des comptes, cet avis est « en pratique très largement suivi par l’administration ».
Toute cette procédure très bureaucratique conduit à des délais particulièrement élevés. Dans une discrète note de bas de page, la Cour des comptes fait mention de la révision du tableau 57, en 2015 : d’après le directeur général du travail, cette révision a nécessité pas moins de 22 réunions et 8 présentations de rapports. Quatre ans et sept mois se sont écoulés pour modifier cinq paragraphes. De surcroît, l’administration prend parfois son temps pour publier les décrets relatifs à la création ou à la révision des tableaux. En juillet 2017, la CS4 a par exemple rendu un avis qui n’a toujours pas fait l’objet du décret correspondant.
Pour la Cour, il devient indispensable de modifier cette procédure, en confiant par exemple au directeur général de la Caisse nationale d’assurance maladie la modifiation des tableaux existants, après le rapport de l’Anses et l’avis de la commission des AT/MP.
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