logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

"Les employeurs de la banque ne veulent pas négocier sur le télétravail" (Luc Mathieu, CFDT Banque-Assurance)

Télétravail | publié le : 26.02.2021 | Benjamin d'Alguerre

Les employeurs de la banque, de l'assurance et du conseil sont attendus aujourd'hui à 16h au ministère du Travail pour un point avec Élisabeth Borne concernant le développement de la pratique du télétravail dans ces secteurs, jugé insuffisant par la ministre. Vrai ou faux? Éléments d'explication dans le secteur bancaire avec Luc Mathieu, secrétaire général de la CFDT Banque-Assurance.

Les reproches concernant « l’érosion progressive » du télétravail dans le secteur bancaire depuis le mois de novembre* sont-ils fondés ?

Luc Mathieu : Ce n’est pas si simple. La baisse du recours au travail présentiel dans les services centraux ou les activités de back-office est notable. Ce taux était de 80% lors des confinements, il est descendu à environ 60% aujourd’hui. Dans les réseaux d’agences, la situation est plus complexe puisque le secteur est tiraillé entre les injonctions du ministère du Travail qui demande que le télétravail y soit davantage appliqué, et celles de Bercy, qui exige que les agences restent ouvertes et que les banques restent classées parmi les secteurs essentiels ! Il est difficile, enfin, de tirer des généralités sur les comportements de « la » banque en matière de travail à distance étant donné la grande diversité des situations existantes dans les cinq branches du monde bancaire (banques commerciales, banques populaires, Caisses d’épargne, Crédit Mutuel et Caisses de crédit agricole) ou les différents réseaux. Avec 90% de télétravail pratiqué dans ses services centraux et 20 % dans ses agences à raison d’un jour ou deux par semaine, la Société Générale est plutôt une bonne élève. LCL pratique aussi le travail à distance sur une base d’une à deux journées hebdomadaires. Chez BNP, on compte 200 agences (sur 1.700) qui pratiquent également le télétravail quelques jours par semaine. A contrario, chez BPCE, la plupart des salariés des agences est au bureau, sans télétravail possible. Sans doute la situation dans les agences pourrait-elle être améliorée si les directions acceptaient de négocier avec les syndicats. Mais les employeurs ne le veulent pas.

Pourquoi ?

L. M. : Élisabeth Borne a reçu les employeurs du secteur bancaire voici une quinzaine de jours pour les enjoindre à pratiquer davantage le travail à distance dans le but d’éviter un troisième confinement qui abîmerait encore davantage l’économie. Pour réponse, ceux-ci ont rappelé que le secteur de la banque fait partie de ceux qui utilisent le plus le télétravail. Le télétravail était peu pratiqué dans le monde bancaire avant la crise sanitaire : il n’existe d’ailleurs aucun accord à ce sujet dans les cinq branches, seulement quelques accords d’entreprises qui encadrent principalement le télétravail « habituel », hors situation de crise. D’une manière plus générale, il n’existe d’ailleurs pas de dialogue social sur l’organisation du travail dans le secteur. Les employeurs continuent à considérer que c’est un sujet qui relève de leur seule prérogative.

Certains employeurs expliquent ce refus du travail à distance par l’impossibilité pour un conseiller de pouvoir accéder aux back-offices bancaires ailleurs que depuis son terminal de bureau. Est-ce exact ?

L. M. : C’est vrai dans certains services centraux comme les salles de marché qui exigent un très haut degré de sécurité. Un conseiller bancaire peut parfaitement travailler depuis son domicile, les données qu’il traite sont les mêmes que celles manipulées par les back-office (qui, eux, sont pour une grande part en télétravail). Ce ne peut donc être une excuse pour empêcher le travail à distance dans les agences. D’ailleurs, certaines enseignes comme le Crédit Agricole ou les Caisses d’Épargne ont pratiqué le télétravail dans leurs réseaux pendant le premier confinement sans que cela nuise au service.

*Enquête flash « les activités et conditions d’emploi de la main-d’œuvre pendant la crise sanitaire », Dares, 27 janvier 2021.

Auteur

  • Benjamin d'Alguerre