Le 1er avril 2022, le nouvel accord télétravail de l’Agirc-Arrco entrera en vigueur au sein de l’entreprise. Il prévoit une enveloppe de 90 jours de télétravail pour les salariés qui le souhaitent et étend les conditions d’accès au travail à distance. Rencontre avec Marc Landais, DRH.
Quel est l’historique de l’Agirc-Arrco en matière de télétravail ?
Marc Landais : À l’Agirc-Arrco, qui compte mille salariés dont près de 75 % de personnel cadre dans ses effectifs, le télétravail était déjà un sujet avant la pandémie. Nous nous étions dotés d’un premier accord depuis le 1er mars 2019 qui prévoyait deux régimes de télétravail : soit deux jours par semaine (télétravail fixe), soit un régime plus flexible permettant aux salariés cadres au forfait de poser 90 jours de télétravail sur l’année. De fait, lorsque la crise Covid est survenue, nous disposions déjà d’un instrument qui permettait d’adapter notre organisation aux circonstances. Une clause prévoyait même le télétravail obligatoire à 100 % en cas d’épidémie ! Et quand elle est finalement arrivée, nous sommes immédiatement passés au télétravail 100 %. Cela s’est plutôt bien passé même si le travail à distance "cinq jours sur cinq" a eu ses détracteurs en interne. Globalement, aujourd’hui, 80 % des salariés pratiquent le télétravail régulier et montrent une grande appétence pour cette pratique.
Ce qui vous a amené à faire évoluer ces pratiques ?
L.M : Oui. Dès que la situation sanitaire a commencé à revenir à une situation presque normale en 2021, nous avons convenu avec les organisations syndicales de tirer le bilan de la période. Nous sommes tombés d’accord pour une révision de l’accord de 2019 et une nouvelle négociation a débuté fin 2021. Elle s’est conclue positivement avec une signature en février 2022 pour une entrée en vigueur au 1er avril 2022. Le texte a été approuvé à l’unanimité par l’ensemble des organisations syndicales représentatives : CFDT, CGT, CGC et SPAC, un syndicat autonome.
Qu’apporte cet accord ?
L.M : L’avenant à l’accord initial prévoit une enveloppe de 90 jours de télétravail par an pour l’ensemble des salariés qui le souhaitent et avec accord du manager. Donc deux jours hebdomadaires en moyenne, mais avec une planification adaptée à la nature des activités et des projets à mener, qui peut s’opérer sur le mois, le trimestre, voire l’année. Il permet aussi de simplifier certaines modalités d’accès au dispositif. Il réduit notamment l’ancienneté pour avoir recours aux dispositions sur le télétravail (trois mois de présence dans l’entreprise au lieu de 6, avec la prise en compte des éventuelles périodes de CDD, stages, effectuées au sein de l’entreprise), autorise le télétravail aux alternants (mais à condition de justifier de six mois d’ancienneté au sein de l’Agirc-Arrco) et élargit le champ des lieux ouverts au télétravail. Avant, il fallait que ce soit le domicile du salarié ; désormais, tout autre lieu privé à usage d’habitation situé en France métropolitaine peut être éligible. L’accord prévoit également des dispositions sur la prévention des risques psychosociaux, et prend en compte la situation de populations particulières: personnes en situation de handicap, en temps partiel thérapeutique ou qui sont reconnus aidants familiaux.
Avez-vous intégré un système d’indemnisation pour permettre aux salariés de s’équiper correctement ou de prendre en charge les frais de télétravail ?
M.L : Oui. Nous avons porté l’indemnité forfaitaire mensuelle de 10 à 15 euros dans le nouvel accord. En outre, l’entreprise prend en charge 50 % des dépenses liées à l’aménagement du domicile dans la limite de 200 euros avec effet rétroactif au 16 mars 2020. Nous avons également intégré des dispositions liées à la restauration collective. Jusqu’à présent, en fonction de la présence ou non d’un restaurant d’entreprise sur leur site de travail (trois n’en disposaient pas), les salariés bénéficiaient, ou non, de titres-restaurants. À compter du 1er avril 2022, tout télétravailleur recevra un ticket par jour de télétravail, qu’importe son site de rattachement.
Existe-t-il des tâches "non télétravaillables" et cette situation ne risque-t-elle pas de créer des sentiments de jalousie dans les collectifs de travail ?
M. L. : 90 % des salariés peuvent exercer leurs activités en télétravail. Le cas des rares salariés placés sur des postes "non télétravaillables" (comme les équipes de la logistique ou de l’accueil, soit une dizaine de personnes) fait l’objet de réflexions pour déterminer parmi leurs différentes tâches, celles qui peuvent être digitalisées et donc réalisées à distance. Nous avons par ailleurs ouvert la possibilité pour ceux des salariés ne bénéficiant pas du télétravail régulier, d’y avoir recours occasionnellement à hauteur de 10 jours par an.
L’Agirc-Arrco réfléchit-elle, comme de nombreuses entreprises, à des réductions de m2 grâce au télétravail ?
M. L. : On ne s’interdit pas d’y réfléchir, mais nous rencontrons des problématiques différentes, notamment sur nos deux sites parisiens, selon que nous sommes propriétaires ou locataires des lieux. Par ailleurs, nous sommes une entreprise dont l’effectif augmente, ce qui exige d’optimiser l’utilisation de la superficie des bureaux existants, car nous ne souhaitons pas dépenser plus pour louer des locaux supplémentaires. La pratique du télétravail, comme nous l’avons instaurée, nous aide dans la mesure où l’occupation permanente est de 70% environ. Une densification des espaces de travail est donc tout à fait envisageable. Nous sommes par ailleurs en train de réfléchir à mener une expérimentation sur les bureaux partagés, sans aller jusqu’à instaurer du "flex-office" complet.