64% des cadres ont accès au télétravail. Face à eux, 60% des actifs ne télétravaillent jamais. Injustice catégorielle ou rééquilibrage des temps de vie ?
Le télétravail généralisé a-t-il fait long feu ? Sur le papier, il est en pleine croissance en France. De 7% des salariés qui pratiquaient le travail à distance de manière occasionnelle ou régulière en 2007, il touche 40% des actifs aujourd’hui, selon le dernier baromètre des trajectoires professionnelles réalisé par LHH, Lab’Ho (Adecco Group) et le Laboratoire d’innovations sociales et de la performance économique, du groupe IGS. Et les accords d’entreprises sur le télétravail sont eux aussi en nette croissance. De 390 en 2017, on en comptait 4 070 en 2021, selon la Dares, y compris dans des secteurs où on ne les attendait pas forcément comme le transport, le commerce et l’hébergement-restauration (620 accords en 2021, soit une hausse de 225%). Pour rappel, au pic de la crise Covid, le taux maximum de télétravail constaté s’était élevé à 27% dans l’Hexagone.
Pourtant, le tout télétravail a rencontré ses limites, confie Ludovic Taphanel, directeur des programmes de l’IGS-RH. « Ce que montre le baromètre, c’est que 40% des emplois sont ‘’télétravaillables’’. En sortie de Covid, le télétravail a été largement généralisé, mais aujourd’hui les entreprises se rendent compte des difficultés que cela crée en matière d’engagement ou de suivi des projets. » Et celles-ci commencent à exiger le retour sur site. De fait, 60% des actifs français n’ont jamais l’occasion de télétravailler. Les télétravailleurs sont très catégorisés : parmi les cadres, 64% ont accès au travail à distance, surtout dans les grandes agglomérations (78%). « Pour la première fois, le pourcentage de cadres en télétravail devient majoritaire », observe Marie Bouny, codirectrice de la practice stratégie et de la performance sociale chez LHH. Quitte à créer un sentiment d’injustice entre cols bleus et cols blancs ?
Restreindre le télétravail aux cadres pour rééquilibrer ne sera pas aisé, confesse Ludovic Taphanel : « Pour les jeunes diplômés, c’est quasiment devenu un acquis social ! » Par ailleurs, leur autoriser le travail à domicile est aussi une façon de rééquilibrer les temps de vie. « Avant la crise, le temps de travail des salariés français à temps plein en régime horaire était de 1 646 heures par an, le plus faible taux de l’UE. À l’inverse, celui des cadres montait à 1 850, soit plus de 200 h de plus par an », note Marie Bouny. Une forme de compensation ?
