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Les négociations Agirc-Arrco s'annoncent très épineuses

Liaisons Sociales Magazine | Protection Sociale | publié le : 17.02.2015 | Valérie Devillechabrolle

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Patronat et syndicats rouvrent ce mardi 17 février les négociations sur les régimes de retraite complémentaire Agirc-Arrco. Avec l'objectif de s'accorder sur des mesures de rééquilibrage financier. Explosif.

A peine deux ans après leur dernier accord, patronat et syndicats rouvrent ce 17 février les négociations sur les régimes de retraite complémentaire Agirc-Arrco, en déficit chronique depuis quatre ans. Leur défi ? Se mettre d’accord sur des mesures de rééquilibrage financier. La tâche est, cette fois encore, très difficile.

D’abord parce que «les partenaires sociaux ne pourront pas s’en tenir à des bouts de chandelle en matière de réforme», prévient Jean-Paul Bouchet, président (CFDT) de l’Agirc. Ensuite parce que les pouvoirs publics ont fixé aux négociateurs une quasi-obligation de résultat en promettant d’ores et déjà à Bruxelles de réduire le déficit de ces régimes de 2 milliards d'euros d’ici 2017.

Les finances de l’Agirc-Arrco sont, il est vrai, au plus mal. Avec un déficit évalué à 5,7 milliards d'euros en 2013, le besoin de financement de l’Agirc-Arrco représente le quart de celui de l’ensemble des administrations sociales, pointe la Cour des comptes. Et cela ne s'est pas arrangé en 2014, avec un déficit technique attendu après transfert de 5,3 milliards d'euros. Ni en 2015 où celui-ci serait de nouveau compris entre 4,2 et 4,6 milliards d'euros. À ce rythme, l’Arrco aura définitivement croqué ses réserves en 2027 et l’Agirc en 2018.

Comptes plombés

Comment, en est-on arrivé là? D’abord et même s’il s’est conclu au forceps, l’accord de 2013 ne redressait pas suffisamment la barre, en laissant subsister, après mesures, une ardoise de plus de 5 milliards d'euros en 2017. «C’était un accord de transition en attendant la réforme gouvernementale», plaide-t-on dans les rangs patronaux.

Sauf que la loi du 20 janvier 2014 n’a pas constitué le ballon d’oxygène escompté. Pire, entre les mesures de justice et notamment le surcoût lié aux départs anticipés et l’absence de report immédiat d’âge de départ, la réforme Hollande devrait plomber les comptes de l’Agirc-Arrco jusqu’au moins 2025 et ne commencer à dégager des économies qu’en 2030.

Enfin, la situation économique désastreuse conjuguée à la faiblesse de l’inflation n’ont évidemment rien arrangé. La clause de sauvegarde interdisant de baisser les pensions annexée au dispositif de sous-indexation prévue par l’accord de 2013 a ainsi joué à plein et devrait, à elle seule, priver les régimes de 2,6 milliards d'euros d’économies en cumulé d’ici 2017.

Nouveau tour de vis

Du côté des leviers de négociation, les marges de manœuvre sont plus réduites que jamais. «En l’absence de rebond de la croissance, les possibilités d’accroître les recettes sont très limitées», reconnaît Serge Lavagna (CFE-CGC). De son côté, si Force ouvrière était parvenue à arracher une hausse de cotisation en 2013 au patronat, elle aura bien du mal à réitérer cet exploit dans le contexte de 2015.

D’autant plus qu’une hausse du taux contractuel n’aurait quasiment aucun impact sur l’horizon d’épuisement des réserves. «Les salariés et les retraités ayant supporté 60% des efforts de rééquilibrage depuis 20 ans et les entreprises 40%, il doit y avoir un rééquilibrage possible», plaide Philippe Pihet (FO).

Un nouveau tour de vis sur les pensions est tout aussi difficilement imaginable, vu le coût politique qu’a déjà représenté pour les syndicats signataires de 2013 la sous-indexation des pensions. «Le gouvernement s’est empressé de s’engouffrer dans cette brèche pour geler les pensions du régime général en 2014», rappelle Patrick Poizat (CFTC).

D’autant que là encore, l’impact sur les réserves serait limité : si le gel en euro courant des pensions dégagerait une économie de près de 1,4 milliard d'euros dès 2016, l’horizon d’épuisement des réserves ne serait au mieux repousser que d’un an.

Report de l'âge légal

Conséquence, «le report de l’âge de départ reste le principal levier pour assurer l’équilibre des régimes, sous quelque forme que ce soit», plaide le clan patronal. «Le Medef va revenir avec sa proposition de déconnecter l’âge de départ sans abattement dans les régimes complémentaires de l’âge légal de départ du régime général», anticipe Serge Lavagna.

À la demande du patronat, les services Agirc-Arrco ont chiffré l’impact d’un décalage de l’âge d’ouverture des droits de six mois par an jusqu’à 64 ans à partir de la génération née en 1956, complété par un report parallèle de l’âge d’atteinte du taux plein sans décote (de 67 à 69 ans) et de l’âge d’accès aux carrières longues. Résultat, à population active inchangée, la mesure rapporterait 810 millions d'euros dès 2017 et 3,4 milliards d'euros en 2020 tandis que l’horizon d’épuisement des réserves serait repoussé de 5 ans pour les deux régimes.

La négociation n’a pas officiellement démarré que ce pavé dans la mare fait déjà débat parmi les négociateurs. Pour la CFTC, la CGT mais aussi la CFDT, échaudées par le précédent de 2013, «l’Agirc-Arrco n’a pas à jouer les poissons pilotes du gouvernement en anticipant un nouveau recul de l’âge», tonne Patrick Poizat (CFTC). «Les régimes complémentaires doivent rester arrimés au régime de base», renchérit Jean-Louis Malys (CFDT).

Un argument susceptible toutefois de se retourner contre ces syndicats dans le cas où l’opposition qui ne fait pas mystère de son souhait de repousser l’âge légal, reviendrait au pouvoir en 2017. A contrario, le camp patronal ne se prive pas d’en appeler à la responsabilité des partenaires sociaux en tant que gestionnaires: «Il est difficile de revendiquer une autonomie de gestion vis-à-vis des pouvoirs publics sans en faire la preuve dans la négociation… même si ce n’est pas sans risque politique», résume un observateur. Au patronat et aux syndicats de trancher ce nœud gordien.

 

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle