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Les inspecteurs du travail encaissent les réformes

Liaisons Sociales Magazine, mars 2010 | Protection Sociale | publié le : 05.03.2010 |

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Fusion des corps d’inspection et des structures régionales, personnel non remplacé…, les agents de contrôle sont inquiets pour leur mission.

Savez-vous ce que fait un inspecteur du travail ? » La question peut paraître singulière. D’autant plus qu’il s’agit du slogan choisi pour la campagne nationale de valorisation de l’Inspection du travail, lancée en décembre par la Rue de Grenelle. « Nous souhaitons apporter une meilleure visibilité à l’action des agents, indique Jean Bessière, le directeur adjoint de la Direction générale du travail. Cette campagne est annoncée dans le plan de modernisation et de développement de l’Inspection du travail (PMDIT) depuis 2006. » Et depuis ? Rien, si ce n’est un message via l’intranet du ministère pour informer les principaux intéressés de l’initiative. Pas même une annonce sur le site Internet du ministère. Mais cette campagne survient au moment où le plan de réorganisation territoriale des administrations de l’État signe la fin des directions régionales et départementales du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP et DDTEFP). Des directions aujourd’hui fondues dans un service unique, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Direccte), au grand dam des contrôleurs et inspecteurs du travail, inquiets d’une remise en cause de leur utilité sociale et de leur action dans les entreprises.


Choc des cultures

En Direccte », « Soyons Direccte », « Ligne Direccte »: l’acronyme des nouvelles administrations ne manque pas d’inspirer les titres des newsletters envoyées aux agents pour les tenir informés. Produit de la révision générale des politiques publiques (RGPP), les premières Direccte ont été mises en place en 2009 dans cinq régions (Rhône-Alpes, Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Paca et Franche-Comté). Elles concernent depuis janvier l’ensemble du territoire. Concrètement, neuf anciennes administrations (industrie, recherche et environnement, consommation, répression des fraudes, etc.) cohabitent désormais dans une même direction régionale. Une réforme qui arrive dans la foulée d’une autre : la fusion des trois corps d’inspection (travail, agriculture, transports) au sein du ministère du Travail. Demandée depuis plus de trente ans par les agents, elle a été réalisée à marche forcée en quatre mois courant 2009. « Depuis le 1er janvier 2010, nous sommes censés être compétents pour les transports et l’agriculture. Or les formations ont tardé. Je suis aujourd’hui incapable d’effectuer les contrôles. On n’a pas terminé de digérer la fusion des trois inspections qu’on nous demande encore de fusionner », râle un inspecteur du travail.

Un vrai choc culturel pour des agents issus, d’un côté, du ministère du Travail et, de l’autre, du ministère de l’Économie, de l’Industrie et de l’Emploi. « Nous n’avons pas du tout les mêmes logiques de contrôle, explique une inspectrice de l’une des régions tests. Notre Direccte est un ancien de la Drire. Les premiers temps, il s’est ému du fait que nous ne prévenions pas les entreprises avant d’engager un contrôle. » Surtout, l’autonomie des agents et leur indépendance irritent. « On fait cohabiter des logiques de missions différentes, pas forcément toutes contradictoires, souligne Dominique Maréchau, directeur adjoint du travail à Toulouse et secrétaire national Snutef FSU. Les inspecteurs du travail ont un vrai sentiment de régression. Nous avons participé à la construction d’un droit du travail et d’un corps d’inspection indépendants de toute logique économique. Aujourd’hui, nous craignons une remise en cause des règles de droit du travail. » « Il faudrait arrêter de se faire peur, s’agace une directrice départementale du travail. Les stratégies d’action de l’Inspection du travail sont encadrées par la DGT et par les responsables des unités territoriales. » L’inquiétude est alimentée par la mission même des Direccte, au service du développement économique. « Nous ne sommes pas dans une recherche d’accommodement, assure Jean Bessière. L’intérêt économique, c’est à la fois favoriser la concurrence entre les entreprises mais aussi faire appliquer le droit. »

Pour 2009, le ministère du Travail devrait totaliser 300 000 contrôles, deux fois plus qu’en 2006

Charge de travail en hausse

Nous sommes noyés sous la paperasse, raconte Bruno Labatut-Couairon, président du syndicat des inspecteurs du travail CFTC. Il y a quelques années, je passais trois jours par semaine sur le terrain. Aujourd’hui, j’ai du mal à sortir plus d’une journée et demie. » Pourtant, d’ici à fin 2010, 700 recrues auront renforcé les rangs des agents de contrôle du ministère du Travail. C’était l’une des mesures fortes du plan de modernisation engagé en 2006. Promesse tenue, selon Jean Bessière. « Il nous reste à créer 160 postes cette année. En additionnant les agents de contrôle du ministère du Travail, les 500 emplois déjà créés dans le cadre du PMDIT et les inspecteurs venus de l’agriculture, du transport et des affaires maritimes depuis la fusion l’an dernier, nous budgétons aujourd’hui 2 500 emplois, contre 1 400 il y a encore trois ans. » Plus d’une centaine de sections d’inspection ont été créées ces quatre dernières années. « On soutenait ce plan dans la mesure où le ministère créait des postes. Mais les moyens humains et matériels liés à la croissance du nombre de sections n’ont pas suivi », explique Dominique Maréchau. « Nous avons moins de secrétaires pour assurer nos tâches administratives, note une inspectrice. Et ceci en plus de l’accueil du public une demi-journée par semaine. »

La règle du non-remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite est venue percuter les effets du plan de modernisation. « Ça fait des années que nous ne recrutons plus d’agents de catégorie C. À Bercy, en deux ans, ils ont obtenu 1 500 postes », assure Pierre Joanny, inspecteur du travail à Lille et secrétaire national de SUD Travail. « Nous aurons moins d’agents de catégorie C, reconnaît Jean Bessière, à la DGT. Nous devons encore trouver des solutions pour aider les agents de contrôle à faire face à l’augmentation de leur charge de travail. » Des solutions que certains directeurs départementaux mettent déjà enœuvre pour éviter les désorganisations. « Nous mutualisons, explique l’un d’entre eux. Deux sections d’inspection se partagent un secrétariat. Cela nous permet de gérer plus facilement les absences des agents. »


La pression par les chiffres

Moderniser l’État, c’est aussi évaluer ses actions. Les agents du ministère du Travail doivent réaliser 200 contrôles par an. « Une norme, un indicateur de référence, pas un objectif ferme », affirme le DG adjoint du travail qui, chaque vendredi, décompte les contrôles réa­lisés. ....

 

A.-C. G.


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40 % des inspecteurs travaillent en section. On entend par section un inspecteur du travail, deux contrôleurs et deux secrétaires.

60 % travaillent hors section. Ces inspecteurs interviennent sur des sujets comme le contrôle de la formation professionnelle, le contrôle des fonds du Fonds social européen…

26 % des procès-verbaux dressés par les inspecteurs du travail entre 2004 et 2009 ont donné lieu à des sanctions pénales.

Un inspecteur du travail couvre, après effet du plan de modernisation : 7 000 salariés en moyenne.

Source : ministère du Travail.

 

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