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Objectif plein emploi jusqu’à 65 ans ? Pourquoi il faut repenser le management intergénérationnel

Conditions de travail | publié le : 16.05.2022 | Pierre Monclos

Tribune. Par Pierre Monclos, DRH chez Unow

C’est une clé de voûte de son programme. Emmanuel Macron veut d’ici cinq ans une France du plein-emploi, où chacun travaillera davantage et ce, jusqu’à 65 ans. Selon la Dares, seuls 56,2 % des 55-64 ans sont en emploi au 3e trimestre 2021.Près d’un senior sur deux est donc aujourd’hui… au chômage. Et la réalité, c’est qu’après 50 ans, il est difficile de retrouver un emploi.

Entre vieillissement de la population, volonté du plein-emploi et recul de l'âge de la retraite à 65 ans, les entreprises et les RH vont devoir renforcer leurs postures stratégiques et leur culture RH sur ce sujet.

Alors, comment faire pour (ré)intégrer les seniors sur le marché du travail et faire travailler efficacement ensemble différentes générations ?

Quels sont les bénéfices à intégrer des seniors dans les entreprises ?

Socrate parlait déjà du conflit des générations et chaque génération a toujours déploré les manques de la suivante. Les conflits ou tensions entre collaborateurs de différentes générations peuvent être liés au fait que les travailleurs d’âges divers n’ont pas les mêmes valeurs, les mêmes motivations, aspirations et la même vision du travail. Et avec l’avènement du numérique, le fossé s’est encore davantage creusé.

La crise a accéléré une prise de conscience qui s’imposait peu à peu : la quête du sens au travail. Les jeunes générations expriment le besoin de donner du sens à leurs actions, de travailler dans un cadre agréable, autonome et souple. De leur côté, les "seniors" disent conserver la foi dans l’entreprise, la confiance en l’avenir, en la hiérarchie.

Autre effet de la crise auprès notamment des jeunes générations : 60 % des entreprises françaises déclarent avoir du mal à trouver aujourd’hui des candidats motivés pour devenir manager (Omig 2021). Retenir et intégrer les seniors est, là encore, une réponse claire, immédiate et efficace.

Enfin, le fait d’employer des salariés d’âges divers valorise l’image de marque employeur d’une organisation et confirme sa politique de diversité et d’inclusion.

C’est donc le rôle de l’entreprise de veiller à faire coïncider ces univers différents et complémentaires. Ne dit-on pas que la diversité est mère d’innovation, de créativité et de performance ? Il est donc temps de balayer les idées reçues et de tirer parti d’un sujet de société qui sert les intérêts de tout le monde (y compris si on n’a en tête que l’objectif de performance).

Comment manager des équipes intergénérationnelles ?

Alors oui, la diversité est mère d’innovation, de créativité et de performance. Mais mal gérée, c’est l’inverse qui se produira. Toujours selon l’OMIG, pour 43 % des entreprises, les relations hiérarchiques se tendent à cause de malentendus et d’incompréhensions entre générations. Cette asymétrie des aspirations et des compétences renverse le modèle de transmission des savoirs qui veut que les plus anciens apprennent aux plus jeunes, apportant son lot de frustrations, de peurs et de conflits. Alors, comment transformer les différences de générations en valeur ajoutée ?

Le management intergénérationnel correspond avant tout au management de personnes diverses en âge ; il s’agit donc de manager et de piloter la diversité. L’objectif est de trouver les leviers de développement professionnel et d’épanouissement des différentes générations, et de favoriser le travail commun entre générations, ce qui permet le partage d’idées, l’émergence de nouvelles idées et l’intelligence collective. Cela nécessite cependant de remettre en question ses comportements et habitudes managériales et ce, au plus haut niveau de l’entreprise. L’enjeu est de dessiner une stratégie de management ouverte, flexible et évolutive pour tenir compte des changements de valeurs et de compétences au fil du temps. Pour permettre cette coopération vertueuse, quelques actions peuvent être mises en place facilement et rapidement par les managers :

 

  • ne faire aucune comparaison d’une génération à l’autre afin d'éviter les risques de distorsions de discrimination. Pour cela, le manager peut mettre en place une gestion dynamique et intégrée de l’ensemble des collaborateurs où chacun a sa place et a un rôle dans l'organisation ;
  • une organisation qui repose uniquement sur les compétences. C’est la clé de voûte d’une stratégie diverse et inclusive ;
  • développer des compétences de communication et de feedback : les différences entre générations ne doivent pas faire oublier l'importance des relations interpersonnelles et de la communication non verbale, dont les codes peuvent être différents d’une génération à l’autre ;
  • développer ses compétences en matière de management à distance : pour pouvoir gérer intelligemment en synchrone ou asynchrone toutes les équipes, quelles que soient leurs préférences de collaboration ;
  • mettre en place du reverse mentoring : en prônant la transmission (à double sens) de savoir-faire, d’expériences, de connaissances techniques et même de savoir être, il est possible de renforcer la complémentarité des profils, l’intelligence collective, et de lutter contre la transmission descendante de savoirs.

Nous serons tous seniors…

Tout jeune deviendra senior. L’objectif d’une organisation apprenante est de mettre en place un système d’apprentissage vertueux permettant la montée en compétences, le renforcement de l’employabilité de chacun, mais aussi de la qualité de vie et du bien-être au travail. Beaucoup d’entreprises se sont saisies de ce sujet et nous ne pouvons que les en féliciter. Cependant, les seniors ne sont que souvent trop peu concernés par ces processus qui visent à entourer, manager mais aussi préparer les transitions en amont, en développant des compétences essentielles à l’employabilité.

De même, pour l'entretien des compétences : ce n'est pas à 50 ans qu'on va former des salariés qui sont restés dans le même emploi et qui disposent de compétences obsolètes ! Il est donc essentiel d’inclure les séniors dès le début – alors qu’ils ne sont pas encore seniors – dans sa stratégie d’entreprise apprenante.

La Finlande, qui a mis en place fin 1990 un plan national pour l’emploi des plus de 45 ans, nous montre d’ailleurs que c’est un chemin à suivre : le pays a aujourd'hui un taux d'emploi des 55-64 ans qui est passé de 35 à 70 % !

Le management intergénérationnel permet de casser les silos et de favoriser la transversalité, la cohésion, la qualité relationnelle, donc le bien-être au travail, la motivation et la performance humaine et économique. Un atout majeur pour la performance des entreprises qui permet de transformer les différences de générations en valeur ajoutée et de répondre aux besoins croissants de l'employabilité des seniors dans un contexte d’âge de départ à la retraite repoussé. Il est temps de mettre en place un contrat de génération au sein des entreprises.

 

 

 

 

Auteur

  • Pierre Monclos