La pénibilité physique du métier exercé influe fortement sur le rapport au travail et à la retraite. Elle est même « un point majeur pour comprendre le conflit en cours car elle structure en profondeur l’opinion publique », selon Jérôme Fourquet et Marie Gariazzo, directeur et directrice adjointe du département « opinions et stratégies d’entreprise » de l’Ifop, auteurs d’une note pour la Fondation Jean-Jaurès publiée le 21 janvier.
Les personnes très peu exposées à la pénibilité sont, en effet, plus favorables que les autres à la réforme des retraites (48 % contre 34 % pour l’ensemble des actifs) et à l’allongement de la durée de cotisation (elles sont 50 % dans ce cas, contre 39 % pour l’ensemble des salariés et 18 % seulement pour les salariés exerçant un métier physiquement pénible). Or, la moitié des salariés (50 %) déclarent « tout à fait » ou « plutôt » exercer un métier pénible, et plus d’un quart d’entre eux se sentent très exposés. L’évaluation de la pénibilité pose néanmoins question. Si la définition retenue par l’Ifop est circonscrite à l’accomplissement de tâches ou de gestes répétitifs, au port de charges lourdes, aux horaires décalés ou de nuit, au travail en position debout ou à l’exposition au bruit ou aux intempéries, les situations d’amplitudes horaires importantes, de rythmes soutenus, les contextes de sous-effectif qui augmentent la charge de travail, mais également les cas de stress liés aux pressions à la fois internes (poids du management, pression du résultat) et externes (exigences voire violence des usagers/clients) ont souvent été mis en avant par les salariés des professions intermédiaires, mais aussi par des cadres supérieurs et les professions libérales.
Par ailleurs, il ressort de cette étude une vision idéalisée de la retraite : les salariés interrogés la perçoivent comme un havre de paix auquel on accéderait après une vie professionnelle s’apparentant de plus en plus à un parcours du combattant semé d’obstacles et d’épreuves. « On comprend dès lors pourquoi l’allongement de la durée d’activité (qu’elle prenne la forme d’une augmentation du nombre d’annuités ou d’un âge « pivot » ou « d’équilibre ») passe très mal auprès des salariés dans la mesure où elle revient à reculer d’autant la sortie du tunnel et l’entrée dans la zone sécurisée et apaisée que constituerait la retraite », remarquent les auteurs.
L’idée d’une retraite avec un niveau de pension stable est également battue en brèche par le projet de réforme qui institue une retraite par points, ajustés en fonction des impératifs économiques ou budgétaires futurs. Un flou jugé « profondément anxiogène et déstabilisant » par les opposants à la réforme, notent les auteurs.