Dans un arrêt rendu le 23 novembre 2022, la Cour de cassation confirme la prise en compte, comme temps de travail effectif, des temps de trajets de début et fin de journée d’un travailleur itinérant.
En l’espèce, un technico-commercial salarié se rendant chez ses clients avec un véhicule de service. Pendant ses trajets, il exerce ses fonctions avec son téléphone professionnel et à l’aide d’un kit main-libre; fonctions qu’il assure également entre son domicile et le premier client, puis en fin de journée, entre le dernier client et son domicile.
En appel, les juridictions prud’homales ont estimé que ces deux trajets correspondaient à du travail effectif. L’employeur est condamné au paiement d’un rappel de salaire au titre de ces heures supplémentaires et diverses sommes au titre du travail dissimulé.
Un revirement poussé par le droit communautaire
Pour statuer, la Cour de cassation s’est référée aux dernières évolutions de la jurisprudence communautaire. En effet, dans un arrêt du 9 mars 2021, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a précisé que les États membres n’ont pas à « déterminer unilatéralement la portée des notions de "temps de travail" et de "période de repos" ». Ces notions sont issues du droit de l’UE et plus précisément par une directive de 2003 (2003/88/CE). D’après la CJUE, les États membres ne peuvent pas ajouter des conditions ou des restrictions pour la prise en compte des périodes de travail et de repos.
La Cour de cassation reconnaît noir sur blanc un revirement en posant un nouveau principe: « Il y a donc lieu de juger désormais que lorsque les temps de déplacement accomplis par un salarié itinérant entre son domicile et les sites des premier et dernier clients répondent à la définition du temps de travail effectif1 […], ces temps ne relèvent pas du champ d’application de l’article L. 3121-4 du même code », écrit la Cour. Cet article prévoit, pour rappel, que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. En cas de dépassement du temps normal de trajet, le salarié ne bénéficie que d’une « contrepartie ».
Ainsi, la cour d’appel, en faisant ressortir « que, pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premier et dernier clients, le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles », a légalement justifié sa décision de considérer ces périodes comme du temps de travail effectif. Dans cette affaire, le salarié n’avait pas de lieu de travail habituel et son employeur lui demandait d’intervenir avec un véhicule de la société dans le cadre d’un parcours de visites programmé sur un secteur géographique très étendu. Son éloignement quotidien de son domicile a, de fait, joué dans cette qualification.
Cour de cassation, chambre sociale, 23 novembre 2022, n° 20-21.924
(1) Fixée par l’article L. 3121-1 du Code du travail, à savoir : « Se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. »