Les cadres femmes ne sont toujours pas des cadres comme les autres. Une étude de l’Apec révèle que l’écart de rémunérations avec les cadres hommes persiste et ne se réduit quasiment plus depuis dix ans, qu’elles ont plus de difficultés à atteindre des postes de direction générale et qu’elles sont toujours victimes de comportements sexistes.
Affirmée urbi et orbi, l’égalité femmes-hommes reste une réalité… à construire, comme le prouve une étude de l’Apec menée auprès de 2.000 cadres entre décembre 2023 et juin 20241. Rémunération, progression de carrière, équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, comportements sexistes… Sur toutes ces composantes, les écarts ou les manquements sont flagrants.
Au chapitre des rémunérations, les écarts restent significatifs. Selon l’étude, à « postes et profils identiques », méthode qui permet de neutraliser les différences dues au métier, au secteur et à l’âge, les cadres hommes perçoivent en moyenne un salaire supérieur de 6,9 % à celui de leurs homologues féminins. Donnée plus accablante encore : cet écart n’a quasiment pas évolué depuis 2015, soit une décennie.
Rémunérations inférieures de 8,5 %
En 2015, l’écart moyen entre les rémunérations des cadres hommes et femmes atteignait 8,5 %. Il ne s’est réduit que légèrement depuis, passant à 7,1 % en 2019, puis 6,9 % en 2024. Autre constat inquiétant : cet écart augmente avec l’âge. Chez les cadres de plus de 55 ans, il atteint 11 % alors qu’il se situe à 3 % chez ceux les moins de 35 ans.
Un phénomène largement alimenté par la dynamique des augmentations individuelles puisque, en moyenne, les cadres femmes bénéficient moins de ce dispositif que les cadres hommes (54 % c/ 59 %). Dès lors, rien d’étonnant à ce qu’une majorité (49 %) des cadres femmes estiment ne pas être rémunérées équitablement, opinion que partagent 40 % seulement de leurs homologues masculins.
Les cadres femmes sont-elles moins ambitieuses ou moins qualifiées que leurs homologues ? Leur progression professionnelle ne leur permet pas en tout cas d’obtenir autant de postes de direction générale que les cadres hommes. Elles ne représentent que 20 % de ce cénacle restreint malgré l’augmentation continue de leur part dans la population des cadres, passée de 30 % en 2004 à 38 % aujourd’hui.
Un tiers des cadres femmes déclarent avoir eu le sentiment d’être freinées dans leur vie professionnelle du fait de leur sexe. L’étude de l’Apec relève que 46 % des cadres hommes occupent des fonctions de managers alors que 33 % seulement des cadres femmes sont dans cette situation.
Répartition inégale des tâches domestiques
Ces inégalités dépassent le cadre du travail et viennent aussi s’inscrire dans la vie personnelle. L’étude souligne que les cadres femmes estiment plus difficile que les hommes de concilier vie personnelle et vie professionnelle (59 % des femmes c/ 49 % des hommes). La difficulté est encore plus importante pour celles qui ont de jeunes enfants ou occupent des postes de management.
Cet écart tient pour une grande part à l’inégalité encore persistante dans la répartition des tâches domestiques. Les réponses des sondés font nettement ressortir que dans les couples de cadres avec enfants, les mères sont presque systématiquement mobilisées lorsqu’un enfant est malade. Elles sont plus de 8 sur 10 (85 %) à estimer que cette difficulté à concilier vie professionnelle et vie personnelle altère leur santé psychologique, opinion bien moins répandue parmi les cadres hommes (77 %).
Un dernier constat de l’étude mérite réflexion. En dépit des actions menées par les pouvoirs publics, l’enseignement et le mouvement #meetoo, plus de 4 cadres femmes sur 10 (42 %) déclarent avoir été témoins, au moins de temps en temps, de propos ou de comportements sexistes au sein de leur entreprise. Les plus jeunes ne sont pas épargnées, au contraire, puisque le taux atteint 45 % chez les cadres femmes de moins de 35 ans.
(1) Étude de l'Apec publiée en octobre 2024 : Argent, carrière, sexisme : des inégalités persistantes entre les femmes cadres et les hommes cadres