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Politique sociale

Mais où est passée la génération Y ?

Politique sociale | publié le : 01.02.2009 | Jean-Paul Coulange

Photographie à grande échelle des 20-30 ans, l’“Observatoire des jeunes actifs” révèle des jeunes confrontés à la précarité mais contents de leur sort.

Zappeurs, exigeants en matière de salaire, impatients, rétifs à l’autorité… Que n’a-t-on pas entendu, dans les entreprises, sur les salariés de moins de 30 ans, la fameuse génération Y ? Pour mieux connaître les ressorts et les motivations qui animent ces jeunes âgés de 20 à 30 ans, qui constituent le principal vivier de l’intérim, l’enseigne USG Start People a commandé à l’Ifop, pour la deuxième année, une enquête sans précédent, menée en novembre auprès de 9 000 représentants de cette tranche d’âge (1). Et, franchement, la photographie que nous renvoie cet « Observatoire des jeunes actifs » n’est pas celle de jeunes rebelles. Ni d’enfants gâtés. Au sein de cette population qualifiée (un quart d’entre eux ont le bac, et 57 % un diplôme d’enseignement supérieur), le pourcentage de chômeurs (11 %) est très sensiblement supérieur à la moyenne nationale (7,3 %), sans compter les 6 % de jeunes à la recherche d’un premier emploi. A contrario, près des deux tiers d’entre eux sont en emploi. Et 68 % travaillent dans le confort d’un CDI. Mais décrocher ce sésame n’a pas été une mince affaire.

Vite intégrés…

Deux tiers des jeunes actifs de 20 à 30 ans estiment que leur intégration sur le marché du travail a été facile. Une confortable majorité (61 %) ont mis moins de trois mois pour trouver un job, 13 % entre six mois et un an, et 12 % seulement plus d’un an. L’insertion des diplômés de l’enseignement supérieur a été encore plus aisée, puisque, dans plus de 40 % des cas – voire plus de la moitié pour les titulaires d’un doctorat –, ils ont trouvé un premier emploi en moins d’un mois. Globalement, plus d’un tiers des jeunes interrogés par l’Ifop ont envoyé moins de trois candidatures, même si une proportion identique d’entre eux l’ont fait à plus de 15 reprises. Autre indice de leur relative facilité à trouver du travail, plus d’un tiers ont refusé une offre d’emploi, et quasiment la même proportion (32 %) deux offres. Ce premier emploi, ils l’ont d’abord choisi, pour près des deux tiers d’entre eux (62 %), en raison de sa localisation. La notoriété, l’image ou la taille de l’entreprise n’étant respectivement citées que par 25, 24 et 23 % d’entre eux.

Dur, le premier emploi

Il n’en reste pas moins que, pour les jeunes de la génération Y, le premier emploi s’est apparenté à un véritable baptême du feu. Signe d’insatisfaction plutôt que d’instabilité, plus de deux tiers des personnes interrogées ont déjà changé d’emploi, une part qui dépasse 80 % pour les sans diplôme ou les titulaires d’un CAP ou d’un BEP. Parmi les explications, le fait qu’une majorité ont été embauchés en contrat précaire (43 % en CDD et 23 % en intérim). Le contrat à durée déterminée a été leur lot commun : la moitié des titulaires d’un bac + 3, 46 % de ceux qui ont un diplôme de troisième cycle et les trois quarts des détenteurs d’un doctorat ont démarré avec ce type de contrat de travail.

Sans surprise, près de la moitié (49 %) des jeunes actifs interrogés estiment que ce premier job ne répondait pas à leurs attentes, essentiellement (pour 69 %) parce qu’il ne correspondait pas à leur formation, ensuite parce que leur rémunération était trop faible. « La rémunération constitue la grande ligne de partage entre les jeunes et les seniors, qui sont un peu moins attachés à cette question, mais plus attentifs à l’ambiance et au contenu du travail », indique Frédéric Micheau, de l’Ifop. En tout cas, chez les juniors, ce motif d’insatisfaction perdure. Si, parmi ceux qui sont en emploi (65 % de l’échantillon), les trois quarts s’estiment satisfaits de leur sort, la rémunération arrive très largement en tête des sujets de mécontentement (citée par 71 % des jeunes).

Le Graal du smic

On ne saurait leur donner tort. Parmi ceux qui ont déjà changé d’emploi, les deux tiers ont été embauchés à moins de 1 300 euros brut par mois, c’est-à-dire à un salaire inférieur au smic, ce qui a été le cas de près de 80 % des pas ou des peu qualifiés, mais également de 60 % de ceux qui possèdent un bac ou un diplôme d’enseignement supérieur. La part des jeunes qui touchent moins du smic diminue de moitié entre le premier emploi et le ou les jobs suivants (de 65 % à 32 %), en revanche le contingent des smicards (ceux qui sont payés entre une fois et une fois et demie le salaire minimum) s’élargit considérablement entre le premier emploi et leur situation actuelle, passant de 28 à 43 % de l’échantillon. Dès lors, on comprend mieux les frustrations de la génération Y et ses revendications en matière salariale. Mal payés, ils sont 41 % à estimer qu’avec un salaire compris entre un smic et un smic et demi on est bien rémunéré, et 12 % seulement à situer le niveau d’un « bon salaire » au-dessus de 2 500 euros.

Plus mobiles que leurs aînés mais casaniers

Ayant souvent connu la précarité lors de leur premier contrat de travail, les jeunes de 20 à 30 ans l’ont aussi expérimentée avec le chômage. Plus de six sur 10 ont déjà perdu leur emploi, mais sur une période relativement courte : un quart entre six mois et un an, un sur cinq plus d’un an, ce qui correspond à la définition du chômage de longue durée… Plus mobiles que leurs aînés, les jeunes actifs de 20 à 30 ans accepteraient, dans six cas sur 10, de changer de région pour un autre emploi. Mais, une fois encore, ce serait avant tout pour gagner davantage (77 %), ensuite pour l’intérêt du poste proposé (61 %), bien avant celui de la région concernée (30 % seulement). Pour autant, lorsqu’on les interroge sur leurs projets à l’horizon de cinq ans, près de 70 % des jeunes interrogés aimeraient rester dans le même secteur, une petite moitié dans la même entreprise, et 40 % dans la même fonction. De quoi tordre le cou à la réputation d’infidélité qui colle à la génération Y. « Peut-être assistons-nous à l’accouchement d’une nouvelle génération ? » avance Frédéric Micheau. Des jeunes qui n’auraient pas vécu de l’intérieur le débat sur les 35 heures, avec l’aspiration à un meilleur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Ni profité à plein de l’embellie économique de la fin des années 1990 et du début des années 2000. Mais qui sont, aujourd’hui, frappés de plein fouet par la crise. Une génération Z, en quelque sorte. Si tant est qu’il y ait jamais eu, en France, une génération Y. « J’ai effectivement entendu les discours sur ces carrières nomades. Mais, hormis une petite embellie sur la période 1998-2002, le contexte du marché du travail a toujours été dur », rappelle Henri Eckert, de la direction des entrées dans la vie active, au Céreq.

61 % des jeunes ont déjà été au chômage

mais cette période a duré moins de six mois pour 54 % des jeunes concernés, et plus d’un an pour 21 % d’entre eux.

66 % des jeunes étaient en contrat précaire (CDD, intérim) dans leur premier poste contre 28 % en CDI. En revanche, plus de deux tiers (68 %) des jeunes actifs sont actuellement en CDI.

Premier emploi

Les critères de choix

62 % sa localisation

25 % sa notoriété

24 % son image, sa communication

22 % ses valeurs

11 % son management

1 331 euros brut

C’est le salaire moyen des jeunes actifs, soit 10 euros de plus que le smic. Mais il n’était que de 1 180 euros pour leur premier emploi.

6 mois

C’est, pour les trois quarts des jeunes, la durée maximale pour trouver un premier emploi, après la fin de leur scolarité.

(1) Étude réalisée par l’Ifop entre le 4 et le 21 novembre auprès de 9 009 jeunes âgés de 20 à 30 ans, par questionnaire autoadministré en ligne, selon la méthode des quotas.

Auteur

  • Jean-Paul Coulange

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