La crise est là, profonde. Profonde jusqu’à quand ? La plupart des économistes n’annoncent guère de reprise avant l’automne 2010. Les salariés, inquiets pour leur emploi et leur pouvoir d’achat, réduisent leur consommation ; les entreprises, voyant leur marché se dérober, retardent leurs investissements. Le patron du plus gros constructeur européen de poids lourds et d’utilitaires indique que ses commandes actuelles sont deux fois moindres que l’an dernier. C’est ainsi que le pessimisme ambiant aggrave largement la situation économique. C’est ce que les économistes appellent une anticipation autoréalisatrice. La responsabilité des leaders d’opinion, responsables politiques, journalistes, économistes, chefs d’entreprise et même syndicalistes, est de lutter contre ces anticipations autoréalisatrices. En traçant des perspectives aussi claires que possible, au niveau des pouvoirs publics comme à celui des entreprises, en proposant des analyses argumentées et mesurées, en ne jouant pas inutilement les Cassandre.

D’une rencontre de responsables français et allemands de très haut niveau, je tire une réflexion nouvelle pour l’avenir de nos économies. La crise en cours, qui déborde aujourd’hui sur l’économie « réelle » et risque de déborder sur le social, a bien son origine, chacun le sait, dans les limites et les défauts d’un système financier qui a explosé et dans l’excessive dépendance dans laquelle les marchés et le monde financier et bancaire tiennent les entreprises et notamment l’industrie. La France et l’Allemagne, comme une bonne partie de l’Europe continentale, offrent un mode de développement et de régulation économiques différent. La crise actuelle est l’occasion d’infléchir le système économique et financier dominant. à condition de ne pas rester inactif en attendant que Wall Street reprenne du poil de la bête et que l’on revienne aux errements passés. Reste à savoir si le couple franco-allemand saura saisir cette occasion historique.

Dans le système économique globalisé dans lequel nous vivons aujourd’hui, l’emploi est, pour les entreprises, la variable d’ajustement. Dans la crise actuelle, les dirigeants des entreprises n’ont souvent d’autre choix que de réduire leurs effectifs de salariés. Les curieusement nommés plans de sauvegarde de l’emploi se multiplient naturellement. C’est évidemment le moment de réfléchir (d’urgence !) à de nouvelles formes de gestion de l’emploi. L’élargissement des possibilités de chômage partiel que vient de décider le gouvernement est un exemple, mais il faut accélérer les réformes nécessaires. Dans le domaine de la formation professionnelle, dans celui de la négociation sociale, dans l’accompagnement des mobilités, dans les aides au développement économique local, l’heure n’est pas à la réunion de commissions ou à la réalisation d’études, mais à l’action et à l’expérimentation. à condition que les acteurs, et d’abord les acteurs publics, acceptent l’innovation et la facilitent.