Spécialiste du sujet, le sociologue Pierre-Yves Cusset s’interroge dans ce numéro sur la crise du lien social. Il en voit plusieurs symptômes. Éclatement du modèle familial traditionnel, progression de la durée de vie solitaire, sentiment d’insécurité, panne de l’intégration, etc. Mais c’est aussi le prix payé par la société de libertés nouvelles, souvent résumées et embrassées par le concept d’individualisation. Pour l’auteur, l’important est de préserver le lien civil, le plus menacé aujourd’hui, car c’est à travers lui que s’exprime le sentiment d’appartenance collective, fondement de nos démocraties.

En introduction du dossier consacré au travail et à la protection sociale, Jacques Le Goff apporte une vision rafraîchissante du social. La tourmente qui s’est abattue sur le droit social s’est fixée selon lui sur trois terrains : l’emploi, à travers la remise en cause des 35 heures, l’évolution du statut salarié et le dialogue social, en voie de redéfinition avec de nouvelles règles du jeu en matière de représentativité. Jean-Claude Barbier pointe l’émiettement et les inégalités du marché du travail, Jacques Rigaudiat critique le RSA, qui « ne s’accompagne d’aucun moyen supplémentaire pour l’insertion ». De son côté, Marc Clément estime que « la lente maturation que demandera l’émergence d’une Europe sociale ne doit pas nous détourner d’une attention aux Europes sociales et à leurs coexistences ».

Parallèlement à la négociation sur la formation continue, Droit social ouvre ce dossier touffu et aride. Pierre Ferracci, président du groupe Alpha, propose une très complète description du système actuel et de son financement, il tente aussi de décrire une offre de formation qui « présente un paysage complexe et difficile à déchiffrer ». Philippe Dole rappelle qu’une des fonctions que devrait remplir la formation est d’accompagner les transitions professionnelles. Changement d’angle de vue avec Jacques Barthélémy, qui propose de gérer la formation comme un risque social, et de faire de « l’assurance formation une garantie sociale ».

Pourquoi s’engager ? On comprend qu’une grande confédération se pose aujourd’hui la question du militantisme et de ses motivations. C’était d’ailleurs le thème de son université d’été. Le sociologue Jacques Ion constate que désormais les engagements « visent moins à promouvoir un autre monde qu’à éviter une dégradation par rapport à aujourd’hui ». Il souligne qu’il ne faut pas confondre individualisme et repli sur soi avec l’individuation, processus par lequel on tend de moins en moins à se définir par son appartenance à des collectifs. Ce qui favorise l’émergence d’un « militantisme par objectifs », conduisant « à la multiplication des mobilisations de collectifs ponctuels et éphémères ».