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Vitré, numéro un du reclassement

Dossier | publié le : 01.02.2009 | L. D.

Moins touché par le chômage que ses homologues, le bassin de Vitré est aussi le plus petit à tester le contrat de transition professionnelle. Mais, avec un score de 70 %, le pays breton affiche un taux de réussite bien supérieur à la moyenne.

Sur le mur, une grande carte d’Ille-et-Vilaine attire tout de suite le regard du visiteur. Elle est parsemée de dizaines de petits papillons de papier, punaisés aux quatre coins du département. En jaune, les CDI, en vert, les CDD. Ici, c’est un formateur sécurité qui a trouvé un emploi ; là, chez Solarenn, un opérateur finition. Plus loin, un plaquiste a été embauché par l’entreprise Bédier, alors qu’à la cidrerie Loïc Raison c’est un soudeur qui a trouvé un poste. Et depuis peu, le village de Saint-M’Hervé, à l’extrême est du département, dispose des services d’une coiffeuse à domicile.

C’est la carte de la revanche sur la crise, la réponse concrète qu’apporte le CTP à l’interminable litanie des licenciements économiques que connaît la région de Vitré. Car même si cette petite commune tranquille de Bretagne se distingue par un faible taux de chômage (lire encadré page 59), elle n’est pas épargnée par la conjoncture et par la concurrence acharnée qui bouleverse la totalité des secteurs industriels. Quand Jean-Louis Borloo a lancé, début 2006, l’idée du contrat de transition professionnelle, Pierre Méhaignerie, député-maire (UMP) de Vitré, s’est donc tout de suite placé pour que sa ville participe à l’expérimentation.

Du point de vue de la taille, Vitré est le plus petit des sept sites de l’expérience CTP. Mais pas sur le plan des résultats. Au 30 novembre 2008, le taux de reclassement durable de ses adhérents était très exactement de 69,9 % contre 60,2 % au niveau national. Un beau score qui se lit tant dans l’enthousiasme des bénéficiaires que dans la satisfaction qu’en tirent les quatre conseillers qui les accompagnent. « En moyenne, les gens retrouvent un emploi en sept mois », précise Martine Bouton-Durand, chef de projet CTP à Vitré. Cette ancienne formatrice, expérimentée et rigoureuse, est détachée de l’Afpa et mène sa petite équipe avec pragmatisme : « En soi, le CTP n’a rien de révolutionnaire, il ne fait que reprendre et accentuer le meilleur de tout ce qui a été fait auparavant en matière d’accompagnement et de reconversion. » Outre la dimension financière du dispositif qui en constitue le levier le plus efficace, pour Martine Bouton-Durand, la clé du succès tient en quelques mots : confiance, écoute, souplesse.

Une passerelle vers la reconversion. La confiance, parce que les personnes qui frappent pour la première fois à la porte de l’espace Transitio CTP après un licenciement économique sont souvent en colère et en plein désarroi. La première mission du conseiller qui les reçoit est de les aider à surmonter leur traumatisme et à réenvisager l’avenir. « Le CTP m’a permis de remettre le pied à l’étrier et de positiver ma situation, raconte Nathalie, aujourd’hui assistante commerciale dans une PME agroalimentaire de la région. Mais ce qui m’a fait le plus de bien, c’est de constater que je n’étais pas seule à traverser une période professionnelle difficile. »

Car si le CTP repose bien sur l’accompagnement individualisé des adhérents, il offre parallèlement une série d’ateliers collectifs. D’une durée de trois heures chacun, ils peuvent porter tant sur la prise de parole en public que sur l’apprentissage de l’anglais ou de la bureautique et permettent aux adhérents du CTP d’apprendre tout en échangeant entre eux : « Je m’inscrivais à tous les ateliers proposés car je suis quelqu’un qui veut savoir », insiste Thérèse, 52 ans, qui a passé trente-cinq ans chez Coudémaille comme ouvrière au contrôle qualité, avant d’être licenciée en février 2008. Pour elle, le CTP a représenté une passerelle vers la reconversion : elle est devenue téléconseillère au centre d’appels Webhelp et répond depuis quelques mois aux questions des abonnés de Breizh Mobile. « La formation a été difficile, rien que sur le plan de la prise de notes, raconte cette femme volontaire et énergique. Pour la première fois de ma vie, je suis stressée par mon travail. Mais quel bonheur de travailler assise et au chaud ! Quand je rentre chez moi le soir, j’en ai plein la tête, mais je n’ai mal nulle part. »

Deuxième moteur de réussite du CTP, l’écoute, rendue possible grâce à la disponibilité et à l’expertise des conseillers recrutés. « En agence (ANPE), un conseiller prend en charge 120 à 150 dossiers. Dans le cadre du CTP, nous gérons seulement une trentaine de personnes, expliquent Caroline et Pascal, détachés de Pôle Emploi. Cela n’a rien à voir, nous connaissons bien les gens, nous les avons en tête en permanence, ce qui nous permet d’être plus réactifs et pertinents. » Surtout, il s’agit d’offrir aux adhérents la possibilité de faire tranquillement le point avec un interlocuteur compétent : « Le CTP m’a permis de ne pas repartir tête baissée dans une recherche de boulot à tout prix, se rappelle Tatiana, qui a connu, en tant qu’assistante de direction, plusieurs licenciements économiques successifs. Comme je n’avais pas l’angoisse du salaire, j’ai pu prendre le temps de me demander ce que j’avais vraiment envie de faire, ça m’a permis de travailler sur moi et sur mes envies professionnelles. »

Même écho chez Martine, une autre ancienne de Coudémaille. Un an après son licenciement, qu’elle a vécu comme une aubaine, cette ouvrière de 45 ans rayonne. « En discutant avec ma conseillère, j’ai eu une révélation : j’ai découvert que je voulais rester dans le textile, mais apprendre davantage », confie-t-elle. Encouragée par sa conseillère, soutenue par son mari, cette mère de famille réalise actuellement une formation de modéliste de neuf mois à Cholet, qui l’éloigne des siens toute la semaine. Déjà, deux PME de textile, fournisseurs des maisons Chanel et Lacroix, lui font signe. « J’ai pris de la hardiesse », résume joliment cette future petite main de la haute couture. Et précisément, à l’espace Transitio CTP de Vitré, toute l’équipe s’accorde à dire que ce contrat ne développe pas seulement des compétences techniques, mais aussi – et surtout – des compétences de « savoir être ». « J’ai l’impression d’outiller les gens, avance un conseiller, de faire en sorte qu’ils soient mieux armés en sortant de chez nous pour affronter, le cas échéant, d’autres accidents professionnels. »

Cet esprit d’écoute et de partage profite aussi aux conseillers eux-mêmes. Pour la première fois, des équipes de Pôle Emploi et de l’Afpa travaillent ensemble sur le terrain. Elles mettent en commun leurs savoir-faire et bâtissent ainsi une expertise autour du retour à l’emploi : « Depuis le début de l’expérimentation, nous assistons à une réelle montée en compétence de l’équipe », constate Martine Bouton-Durand.

Souplesse et proximité. Enfin, le dernier aspect du succès du CTP tient sans nul doute à la grande souplesse du dispositif et à la relation de proximité qu’il instaure entre bénéficiaires et conseillers. Pour proposer une formation, par exemple, Martine Bouton-Durand peut obtenir un financement Opca en vingt-quatre heures. Quant aux nouveaux adhérents, ils sont pris en charge très rapidement, dans les jours qui suivent leur licenciement. Objectifs : éviter l’attente, propice au découragement, anticiper, mettre au plus vite l’avenir sur les rails. Un premier rendez-vous individuel vise à faire le point avec le nouvel adhérent sur son parcours et sur ses projets et, très rapidement, il peut s’inscrire aux ateliers collectifs : « Après mon licenciement, j’ai continué à me lever tous les matins à 7 heures, je n’ai jamais elle consacrait à son eralenti le rythme », raconte Thérèse. Quand une personne signe un CTP, son engagement est à la hauteur du temps qu’mploi précédent. Les adhérents ne reçoivent pas de convocation, ils ont des rendez-vous hebdomadaires qu’ils s’engagent à honorer. Ils sont tous équipés de téléphones mobiles sur lesquels ils sont joignables aux heures ouvrées.

C’est la contrepartie de la sécurité financière qu’offre le CTP, mais c’est aussi, précisément, cette sécurité financière qui permet aux gens de prendre le temps, de mûrir leur projet, de se réapproprier leur vie professionnelle. Une sécurité qui se prolonge en outre réellement tant dans la nature des emplois retrouvés que dans le niveau de rémunération correspondant. L’espace Transitio CTP de Vitré ne se contente pas d’afficher un taux record d’anciens adhérents reclassés. Dans l’ensemble, les 236 Vitréens qui y sont passés ont aussi retrouvé un niveau de salaire équivalent à celui qu’ils percevaient avant d’être licenciés.

Touché par la désindustrialisation

Situé en Ille-et-Vilaine, à 40 km de Rennes, Vitré est un bassin d’emploi atypique. à la fin 2008, cette jolie ville médiévale de 18 000 habitants affichait un taux de chômage particulièrement bas, à 3,7 %. Grâce à un secteur tertiaire en développement (55 % des emplois), l’agglomération résiste sur le plan économique. Son tissu industriel reste dense mais il est très affecté par la désindustrialisation générale. La Société vitréenne d’abattage (1 300 employés) est le premier employeur local, suivie par l’équipementier automobile Cooper-Standard Automotive (700 personnes) qui subit de plein fouet, depuis décembre, la crise de l’industrie automobile.

Une myriade de PME complète ce paysage avec des marques réputées comme Kenwood, Nounours, les chaussures Noël ou encore la layette Coudémaille. Ces métiers, très féminisés, sont bousculés parla conjoncture. Résultat : la proportion des femmes parmi les chômeurs est supérieure à la moyenne nationale (49,6 % contre 48,3 %). Le chômage touche plus particulièrement des femmes de plus de 50 ans, dotées d’un premier niveau de qualification et d’une expérience professionnelle unique. Le secteur tertiaire apporte un relais potentiel pour cette population, moyennant un accompagnement spécifique pour sa reconversion.

Le 21 novembre dernier, le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a inauguré le nouveau centre d’appels Webhelp qui devrait à terme créer près de 300 postes. Le député-maire (UMP) de Vitré, Pierre Méhaignerie, était évidemment de la partie. Depuis sa première élection en 1973, l’ancien ministre est un fervent défenseur de sa circonscription et saisit toutes les opportunités qui se présentent. En 2006, c’est à bras ouverts qu’il a accueilli l’expérimentation du CTP dans sa ville. L. D.

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  • L. D.