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“La reconnaissance au travail doit être un levier de la politique RH”

Actu | Entretien | publié le : 01.01.2009 | Éric Béal, Jean-Paul Coulange

Pour ce consultant indépendant, ex-délégué général d’E & P, les entreprises françaises s’appuient trop rarement sur la reconnaissance non monétaire.

Pourquoi la France, contrairement à l’Amérique du Nord, ne se préoccupe-t-elle guère de reconnaissance au travail ?

Dans l’Hexagone, on évoque de plus en plus le sujet, mais la reconnaissance n’est jamais mise en avant comme une pratique managériale. Or il faut en faire un levier de la politique RH. D’autre part, nous sommes entrés avec retard dans l’économie virtuelle. On ne connaissait pas les organisations matricielles à double ou triple entrée, avec du management d’équipe à distance. Nous y sommes. Le travail est devenu plus immatériel. Si l’on assemble l’Airbus A380, on a une reconnaissance évidente quand on le voit décoller. En revanche, dans un centre d’appels, le salarié subit la pression du client, travaille en rythmes décalés et ne bénéficie pas toujours de la reconnaissance de son manager, qui connaît le même sort.

Pourquoi les entreprises sont-elles parfois réticentes à mettre en œuvre une politique de reconnaissance ?

Elles redoutent que les collaborateurs en demandent toujours plus. Et que, si elles pratiquent la reconnaissance non monétaire, elles suscitent des attentes en termes monétaires. Les managers ne savent pas toujours comment complimenter leurs collaborateurs. Cela assainit pourtant les relations, facilite leur travail et celui de leurs équipes. Dans notre pays, nous en sommes encore à une culture du contrôle et de la sanction, plutôt qu’à une culture de la délégation et de l’empowerment. On passe notre temps à dénoncer les trains qui arrivent en retard, plutôt que de féliciter ceux qui sont à l’heure. Cela tient notamment au fait que les managers français issus des grandes écoles ne sont pas suffisamment formés sur le plan comportemental, même s’ils sont prisés mondialement pour leurs compétences techniques.

Comment mettre en œuvre une telle politique de reconnaissance ?

Il faut « latiniser » les pratiques américaines en -associant les collaborateurs et les partenaires -sociaux dès le début, parce que c’est un projet -d’entreprise. Et puis il faut des leaders d’opinion, désigner des focus groups avec des gens intéressés par le sujet, communiquer et capitaliser là-dessus. Cette stratégie de petits pas peut mener loin.

Les entreprises affichent-elles clairement leurs intentions dans ce domaine ?

A minima, les entreprises qui s’en préoccupent traitent ce sujet dans leur rapport annuel – c’est le cas de 40 % des sociétés du CAC 40 – et l’intègrent dans leur politique RH. À La Poste, Sodexo ou Redcats, les dirigeants travaillent sur ces questions. En revanche, de très nombreuses entreprises n’ont pas encore fait le lien entre reconnaissance et performance.

Pourquoi la reconnaissance ne doit pas être, selon vous, purement monétaire ?

La première forme de reconnaissance consiste à payer les salariés au prix du marché et en fonction de leurs performances. Mais si cela suffisait, les entreprises qui disposent de services de compensation and benefits n’auraient pas de problème de turn-over ou de motivation, ce qui n’est pas le cas. La reconnaissance qui ne se traduit pas par une contrepartie financière fait la différence. Les jeunes générations, notamment, y tiennent beaucoup, car elles recherchent du sens dans leur travail.

Comment récompenser un salarié sinon par le monétaire ?

Cela peut passer par le relationnel – un manager félicite verbalement ou par courriel un salarié –, par le social, au travers, par exemple, d’une remise de diplôme, voire par le managérial, lorsque l’on propose à un collaborateur de participer à un groupe de travail. Il est également nécessaire d’identifier ce que l’on reconnaît. En France, il s’agit surtout de la qualité du travail, des compétences, de l’expertise. En revanche, on récompense moins les efforts, et encore moins les idées.

Le retour sur investissement de ce type de politique peut-il être quantifié ?

Une politique de reconnaissance ne va pas, du jour au lendemain, faire baisser de 1 ou 2 % l’absentéisme. Néanmoins, beaucoup d’enquêtes menées outre-Atlantique démontrent une corrélation forte entre une politique volontariste de reconnaissance au travail et une baisse de l’absentéisme. Même chose pour le turnover. Le retour sur investissement rapporté au coût modique d’un tel dispositif est de toute façon important. Un genre d’argument très apprécié dans une multinationale !

CHRISTOPHE LAVAL

Président fondateur du cabinet Vision Performance Humain Reconnaissance.

PARCOURS

Ce diplômé de droit et de Sciences po a occupé de 1985 à 2005 différentes fonctions RH chez Schlumberger, Yoplait ou Compass. En 2006, il a pris la direction de l’association Entreprise & Personnel, qu’il a quittée en octobre 2008 afin de poursuivre une activité de consultant. Il vient de publier Plaidoyer pour la reconnaissance au travail (éditions Livrebusiness.com) et de créer le site www.reconnaissanceautravail.com.

Auteur

  • Éric Béal, Jean-Paul Coulange