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Éditorial

La revanche de l’exception française ?

Éditorial | publié le : 01.12.2008 | Denis Boissard

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La revanche de l’exception française ?

Crédit photo Denis Boissard

Qui l’eût cru ? Dans le contexte actuel – un cataclysme financier majeur, quasi systémique, qui se propage à grande vitesse et contamine l’économie réelle –, notre « modèle » économique et social si décrié pour ses pesanteurs pourrait bien apparaître comme l’un des mieux armés pour atténuer la crise et en amortir les effets.

Hier, c’est-à-dire avant la chute de Lehman Brothers à la mi-septembre et le séisme qui s’est ensuivi, on raillait les maladies infantiles de l’exception française : un État interventionniste et omni-présent, une volonté un peu surannée de réguler l’activité économique, des régimes de retraite fragilisés par le retournement démographique parce que reposant sur le seul mécanisme de la répartition, une protection sociale privilégiant l’assistance des plus démunis à leur retour à l’emploi. Autant de travers, insistait-on, d’un système vieillot, usé, inadapté à l’agilité et à la réactivité requises par les défis de la mondialisation économique. Dans la douleur, notre vieux pays s’efforçait donc de soigner les symptômes les plus criants de son indécrottable archaïsme.

Et voilà que l’apocalypse est survenue, et que les limites du capitalisme débridé à l’américaine et de ses codicilles – le retrait de l’État, la dérégulation des marchés financiers, la retraite par capitalisation, la quasi-disparition du Welfare State – sautent aujourd’hui aux yeux. Après l’État minimaliste, voici en effet l’État tout-puissant, qui vient à la rescousse du monde de la finance. La socialisation des pertes a succédé à la privatisation des profits… Par ailleurs, on a vu à quels errements spéculatifs le laisser-faire des marchés financiers a conduit aux États-Unis, tandis que la réglementation bancaire et celle du crédit ont sans doute évité le pire en France.

Quant aux fonds de pension, c’est la bérézina. Calpers, le fonds des fonctionnaires californiens, a par exemple vu s’évaporer environ 30 % de sa valeur entre octobre 2007 et octobre 2008. Les retraités américains vont donc devoir se serrer la ceinture ou travailler plus longtemps, en attendant un retour de la Bourse à meilleure fortune. Et cela risque de prendre un certain temps. Avec l’envolée du chômage, enfin, le passage du welfare au workfare, c’est-à-dire la « conditionnalité » des aides sociales au retour à l’emploi, risque de plonger nombre de familles américaines dans l’indigence. Tandis que, de ce côté-ci de l’Atlantique, le mille-feuille de nos minima sociaux devrait amoindrir le choc de la dégradation inévitable du marché du travail et soutenir une consommation qui en aura bien besoin.

L’heure de la revanche ? Pas tout à fait. Juste un constat : malgré ses nombreux défauts, notre système d’économie mixte et d’État providence se révèle un amortisseur efficace en cas de gros coup de tabac. Mais cela ne doit surtout pas l’empêcher de poursuivre les réformes structurelles qui lui permettront d’être plus performant, lorsque la croissance repartira.

Auteur

  • Denis Boissard