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Les régimes encore en chantier

Dossier | publié le : 01.12.2008 | B. F.

Indépendants, professionnels de santé, agriculteurs… la réforme des régimes de ces professions, dans le sillage de la loi Fillon de 2003, n’est pas achevée. État des lieux des dossiers en cours.

Attention, chantier en cours ! La réforme des retraites engagée il y a cinq ans est loin d’être achevée. Pour poursuivre le travail de convergence entre les régimes, le gouvernement a commencé à s’attaquer aux régimes spéciaux, en réussissant le tour de force de les faire rentrer dans le rang. Mais il reste bien d’autres régimes particuliers, laissés-pour-compte en 2003. Inventaire du travail qui reste à faire.

Régimes spéciaux : la réforme à prix d’or. La réforme des régimes spéciaux, entrée en vigueur fin 2007 dans les entreprises concernées, n’a pas fait que des mécontents. » Nous avons bien défendu les salariés « , se félicite un syndicaliste CGT des industries électriques et gazières (IEG). Et pour cause : en échange de mesures d’harmonisation avec le régime de la fonction publique – quarante ans de cotisation, décote, indexation des pensions sur les prix –, les branches et les entreprises ont négocié de sérieuses compensations : nouveaux échelons salariaux, intégration de primes dans le calcul des retraites, instauration de retraites complémentaires, etc. Au point que nombre d’experts s’interrogent sur l’impact financier de cette réforme. » Il est évident qu’elle a fini par coûter plus cher que ce qu’elle a fait économiser « , affirme Jacques Bichot, professeur émérite à l’université Lyon III.

Fin septembre, Xavier Bertrand, qui avait reconnu, en présentant le projet, en octobre 2007, que » la réforme n’était pas normée financièrement « , a cru bon de remettre les pendules à l’heure. Selon lui, elle » va permettre de dégager pour l’État 500 millions d’euros d’économies d’ici à 2012, puis, à partir de 2015, 567 millions d’euros par an « . Mais le ministère du Travail n’a pas fourni de précisions sur ces économies, et les parlementaires s’inquiètent déjà de l’augmentation du concours de l’État aux régimes spéciaux de retraite » de près de 9 % entre 2009 et 2011 « , à 5,75 milliards d’euros, selon le rapport annexé au projet de loi de programmation pluriannuelle des comptes publics.

Côté entreprises, l’addition est salée. La SNCF a dépensé 100 millions d’euros (1 % de la masse salariale), essentiellement pour les mesures salariales d’accompagnement. Sachant qu’il est impossible, selon la DRH, de chiffrer le coût de deux accords majeurs sur la formation des seniors et la pénibilité au travail. Aux IEG, » il est encore trop tôt pour les estimations « , estime-t-on en interne. La facture pour EDF devrait s’élever à 200, voire 250 millions d’euros…

Artisans et commerçants : hausse des cotisations et baisse du rendement. Le bilan est moins euphorique pour les bénéficiaires du régime social des indépendants (RSI). » Nous avons voulu épargner les générations futures « , affirme Gérard Quevillon, son président, pour justifier la réforme appliquée au régime de retraite complémentaire des artisans et commerçants, qui doit entrer en application en 2009. Pourtant, avec un solde quasi à l’équilibre et des réserves de 7 milliards d’euros couvrant dix années de prestations, le régime se portait plutôt bien. Il n’en reste pas moins que, d’après les projections réalisées en 2007, les réserves seront épuisées en 2031. Résultat : une hausse des cotisations et une baisse du rendement – de 7 % à 6,6 % en 2010 – sont au programme. À partir de 2009, il est également prévu la mise sous condition de ressources des pensions de réversion, ainsi qu’une revalorisation différenciée, selon la date ou les conditions d’acquisition des points. Aux yeux de Bruno Chrétien, dirigeant du cabinet Factorielles, » cette réforme bouleverse le principe de revalorisation des pensions « . » Jusqu’alors, dès que le nombre de points avait été établi pour la liquidation de la pension, son montant s’avérait intangible « , explique-t-il. Au bout du compte, le taux de remplacement devrait diminuer de 20 % à 19 %. Rendez-vous dans trois ans pour le prochain bilan d’étape.

Ircantec : la fronde continue. Le sort de l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités publiques (Ircantec) a été scellé début septembre en conseil d’administration. À l’instar du RSI, le régime est excédentaire, mais la situation devrait basculer à partir de 2015. Pour repousser l’échéance au-delà de 2040 et assurer la pérennité du régime, le gouvernement a prévu de relever les cotisations entre 2011 et 2015 et de diminuer le rendement du régime, réduit progressivement de 12,09 % à 7,75 % d’ici à 2017. Une décision de nature à déclencher la grogne, car si l’Ircantec ne représente qu’une petite part des retraites des contractuels – qui souvent finissent par être titularisés dans la fonction publique ou partent dans le privé –, elle couvre 60 % des pensions des médecins faisant toute leur carrière à l’hôpital.

Les syndicats de praticiens hospitaliers (PH), qui s’attendent à une baisse de 20 à 25 % des pensions à l’horizon 2040, ont donc négocié des mesures d’accompagnement. Mi-juillet, le gouvernement a ainsi accepté la mise en place de surcotes, un relèvement de 10 % de la rémunération des temps partiels et un premier élargissement de l’assiette de cotisation aux indemnités et aux astreintes… Soit, d’ici à sept ans, une enveloppe annuelle estimée à 180 millions d’euros. » Insuffisant « , selon quatre syndicats de praticiens hospitaliers qui ont réclamé la mise en place d’une surcomplémentaire alimentée par les comptes épargne temps et abondée par l’employeur. Les 16 et 17 octobre dernier, ils étaient en grève pour faire pression sur le gouvernement, qui réserve encore sa réponse.

Professionnels de santé : on joue la montre. Aucune réforme à l’horizon pour les généreuses pensions de certaines professions médicales. Instaurés pour inciter les libéraux – médecins, pharmaciens, paramédicaux, etc. – à adhérer aux conventions, ces régimes, intitulés » avantage social vieillesse « , sont essentiellement financés par l’assurance maladie : les cotisations sont calculées non pas en fonction des pensions à servir, mais sur la base des remboursements des soins. Le système s’avère juteux, puisque les taux de rendement peuvent atteindre 50 à 70 %. En revanche, ces régimes sont tous au bord de la faillite. Le gouvernement a commencé par régler en octobre le sort des paramédicaux, en prévoyant une augmentation de leur cotisation forfaitaire de 130 % à l’horizon 2009, et une baisse du nombre de points attribués en contrepartie de près de 50 %… Prochaine étape : la caisse de retraite des médecins. » Les négociations doivent reprendre en fin d’année « , rappelle Gérard Maudrux, son président, qui plaide en faveur de la fermeture de » ce régime pourri qui empoisonne tout le monde « , moyennant » le versement des droits acquis « . Pas sûr que le gouvernement l’entende de cette oreille…

Agriculteurs : aucun remède en vue. Le dossier de la retraite des agriculteurs est dans l’impasse. La situation est pourtant alarmante. En 2007, les cotisations n’ont rapporté que 851 millions d’euros, et la compensation démographique 4,1 milliards, alors que les prestations à verser s’élevaient à 8,5 milliards. Le plan de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2009 a bien prévu de démanteler l’établissement de gestion du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricole (Ffipsa) en intégrant la branche maladie à la Cnamts. La branche vieillesse se retrouve désormais directement pilotée par la Mutualité sociale agricole, sans recettes supplémentaires. Elle devrait seulement disposer d’une autorisation d’emprunt plafonnée à 3,2 milliards d’euros. Un palliatif jugé insuffisant par la mutuelle, qui enjoint aux pouvoirs publics de trouver une solution pérenne pour équilibrer la branche à l’horizon 2010.

Agirc-Arrco : vers une nouvelle baisse du rendement ?

Le sort réservé au régime social des indépendants fera-t-il école chez les salariés du privé ? Réponse dans les prochaines semaines. Les partenaires sociaux doivent reprendre en décembre – après les prud’homales – les négociations pour parvenir à un nouvel accord sur l’Agirc (cadres), l’Arrco (non-cadres) et l’Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF), qui finance la retraite complémentaire sans abattement dès 60 ans – au lieu de 65 ans. En juillet, pris à la gorge par un agenda social surchargé, ils avaient en effet décidé unanimement de prolonger de quatre mois l’accord en cours, signé en 2003 et qui devait prendre fin au 31 décembre de cette année, se laissant ainsi jusqu’à fin avril 2009 pour parvenir à un nouvel accord. L’enjeu des négociations est de taille, les résultats techniques du régime ne cessant de se dégrader : le solde de l’Arrco diminue un peu plus chaque année, tandis que, côté Agirc, la caisse est en déficit depuis 2003 – si l’on ne tient pas compte des transferts réalisés solidairement par l’Arrco.

Son résultat, même après ces transferts, pourrait devenir négatif dès 2009-2010, au point que le régime serait amené à puiser dans ses réserves dès l’année prochaine. Les discussions promettent d’être tendues : le Medef a déjà fait part de sa volonté de reculer l’âge de départ à la retraite pour bénéficier d’une retraite sans abattement. » Hors de question « , assène Christian Roche, à la CGT, qui redoute que les employeurs ne défendent une baisse du rendement – » très probable « – du régime, actuellement de 7 %. Danièle Karniewicz, à la CFE-CGC, s’inquiète du lobbying de Laurence Parisot en faveur d’un régime unique par points : » La solution réside dans une hausse des cotisations pour préserver un bon taux de remplacement « , estime la présidente de la Cnav. Les partenaires sociaux devront également débattre du sujet sensible des avantages familiaux, sur la base des conclusions du Conseil d’orientation des retraites sur le sujet, qui doivent être rendues en décembre.

Auteur

  • B. F.