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Vie des entreprises

Le speed dating à l’âge de raison

Vie des entreprises | Zoom | publié le : 01.11.2008 | Sabine Germain

Les grandes entreprises ont pris goût à ces sessions de rendez-vous éclairs pour recruter. Entretiens plus longs, phases différenciées… elles affinent la formule.

Job dating à La Banque postale ; one night, one job chez Accenture Technology Solutions, un speed dating spécial Saint-Valentin chez Konica Minolta ; une soirée recrutement sur un pas de salsa chez GFI ; des « entretiens immédiats » dans toutes les agences BNP Paribas ; l’opération SogéLive à la Société générale… Toutes les entreprises amenées à gérer de gros volumes d’embauches ont tâté du speed recruiting : ces sessions de recrutement accéléré à l’issue desquelles les candidats peuvent repartir leur contrat de travail en poche. Ces opérations éclairs prennent de l’importance : elles permettent aux entreprises de gérer près de 10 % de leurs embauches, avec plus ou moins de bonheur.

En mai dernier, la CFDT a tiré le signal d’alarme : dans les six mois qui ont suivi l’opération one night, one job organisée par Accenture Technology Solutions, une quarantaine de salariés recrutés ont été remerciés avant la fin de leur période d’essai. « Du speed recruiting au speed chômage », ironise le syndicat. DRH d’Accenture, Sophie Arnould tient à rétablir les chiffres : « En 2007, nous avons recruté 1 500 salariés. Cette même année, une vingtaine de périodes d’essai ont été rompues. » Un taux d’erreurs somme toute inférieur à 1,5 %. Mais les trois quarts des contrats rompus durant la période d’essai ont été signés dans le cadre d’une opération de speed recruiting. Quinze ruptures pour moins d’une centaine de contrats signés : le taux d’échecs est dix fois plus important que dans les procédures de recrutement classique. Ce qui, selon Sophie Arnould, ne remet nullement en question le principe même de ces méthodes : « Nous sommes clairement dans un contexte de guerre des talents. Afin d’attirer les centaines de collaborateurs dont nous avons besoin pour nous développer, nous devons innover et adopter une communication de recrutement de proximité. »

C’est précisément pour sortir du lot et capter l’attention de candidats sursollicités qu’Accenture a mené ses premiers recrutements sur Second Life. Le speed recruiting s’inscrit dans cette logique d’innovation : « Lors de ces opérations, nous recevons de nombreuses candidatures de cadres expérimentés, notamment sur les systèmes SAP. » Des profils que, malgré sa notoriété, le cabinet de conseil a du mal à attirer avec des techniques plus classiques.

Responsable de la communication de recrutement à la Société générale, Caroline Balland confirme le besoin de nouveauté et de proximité manifesté par la nouvelle génération de candidats : « Le marché de l’emploi est très porteur pour les jeunes diplômés. Nous devons sortir du lot si nous voulons les atteindre. » La banque a organisé son premier recrutement de masse au Stade de France en 2003. L’an passé, lors de la cinquième édition des « rencontres emploi », près de 150 cadres (RH et opérationnels) de la banque se sont mobilisés deux jours durant pour accueillir 320 candidats invités, après une présélection sur CV, à passer un entretien. Près de la moitié des candidats sont repartis avec une promesse d’embauche.

La banque a donc atteint son objectif

Elle a toutefois décidé de changer radicalement de formule cette année : « D’abord parce que le concept initial commençait à s’essouffler, commente Caroline Balland. Mais aussi parce que nous avons voulu élargir notre éventail de recrutements. Avant, nous étions focalisés sur les métiers du réseau et les profils bac + 2, + 3. Aujourd’hui, nous voulons présenter tout l’éventail de nos métiers, en France et à l’international, en agence ou dans le back-office, dans le réseau, le financement, la gestion d’actifs… »

Pour accueillir des publics très diversifiés, la Société générale a découpé son opération en deux temps. Le 23 septembre, 3 000 candidats ont été invités à SogéLive : une journée sur le toit de la Grande Arche de la Défense, au cours de laquelle ils ont pu rencontrer 300 cadres opérationnels, découvrir en discutant avec eux la réalité des 150 métiers de l’entreprise et prendre la mesure des 600 offres d’emploi à pourvoir. Dès le lendemain et jusqu’au 7 novembre, une série de rencontres « 1 CDI en 1 jour » ont été organisées à Rouen, Bordeaux, Rennes, Nancy, Marseille, Amiens, Lyon, Grenoble et Paris : ces journées de recrutement plus classiques (avec entretiens, tests et mises en situation) doivent déboucher sur la signature de centaines de contrats de travail.

Un contrat en un jour ? C’est précisément ce qui effraie Wilhelm Laligant, directeur général du cabinet de conseil en recrutement Advancers Executive : « Que les entretiens soient très rapides ne me choque pas. Quand un candidat ne convient pas, on s’en rend compte très vite. » L’expérience prouve toutefois que du format sept minutes par entretien, chrono en main, inspiré du speed dating amoureux, les entreprises sont passées à des entretiens plus classiques, de vingt à trente minutes, face à un cadre opérationnel et à un cadre RH. « En revanche, poursuit Wilhelm Laligant, il m’a toujours semblé dangereux de signer un contrat à chaud, sous le coup de l’enthousiasme. Pour l’employeur comme pour le salarié, mieux vaut prendre le temps de la réflexion et, au besoin, poser des questions qui n’ont pas pu être abordées durant l’entretien. »

Un avis partagé par Noël Feunteun, responsable du recrutement du groupe GFI : cette SSII de 9 500 salariés a intégré 1 100 salariés en CDI l’année dernière et devrait passer le cap des 1 500 embauches cette année. Pour atteindre cet objectif, Noël Feunteun organise régulièrement des opérations de speed recruiting. À l’issue de leur entretien, les candidats sont invités à prendre un cours de salsa, à participer à une dégustation de vins, à découvrir un film en avant-première…

De son expérience, il a retenu deux leçons : « Primo, il faut absolument garder le temps de la réflexion. » La soirée de speed recruiting ne représente qu’une mise en bouche (au cours de laquelle le candidat participe tout de même à trois entretiens de sept minutes : avec un cadre RH, un manager opérationnel et un manager commercial). « Nous ne faisons jamais de proposition d’emploi le soir même. Généralement, nous procédons à un nouvel entretien. Les candidats retenus (environ un sur trois) ne reçoivent une proposition d’emploi que dans les jours qui suivent. » Autre leçon retenue : ces opérations doivent garder une taille humaine. « Nous n’invitons jamais plus de 30 à 40 candidats qui passent leur entretien simultanément : nous mobilisons donc une quarantaine de cadres. En trois quarts d’heure, tout est bouclé. Et l’on peut commencer à s’amuser. »

La SSII évite ainsi un écueil important : « La plupart des speed recruitings mobilisent les candidats pendant des heures, voir une journée entière, commente Wilhelm Laligant. Ce faisant, les entreprises négligent les salariés en poste, qui ne peuvent se permettre de perdre une journée de travail. Et qui n’ont guère envie de risquer de croiser des collègues ou des partenaires : même quand il est en recherche active d’emploi, un salarié préfère cultiver la discrétion. » Est-il vraiment judicieux de fermer la porte à ces profils expérimentés, finalement plus difficiles à recruter que les jeunes diplômés ?

Auteur

  • Sabine Germain