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Enquête

Zéro pointé pour l’emploi des seniors

Enquête | publié le : 01.11.2008 | Anne Fairise, Anne-Cécile Geoffroy

Malgré un large consensus, l’activité des seniors peine à décoller en France. Faute de stratégie globale, mais aussi à cause de blocages culturels. Rares sont les entreprises qui se donnent les moyens d’embaucher ou de garder ces salariés.

Seniors, envoyez vos candidatures à EDF ! Début juillet, l’entreprise a fait sauter le décret de 1946 qui fixait l’âge limite d’embauche à 40 ans. Si l’électricien a pris cette décision en catimini, c’est qu’elle fait suite à une interpellation de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations (Halde), saisie par plusieurs candidats déboutés par EDF en raison de leur âge. Reste maintenant à savoir si cette nouvelle règle fera évoluer les pratiques internes ou demeurera au stade du symbole.

Car, lorsqu’il s’agit de l’emploi des salariés dits âgés, les firmes hexagonales ne font pas preuve d’un volontarisme exacerbé. La France tient toujours la queue du peloton européen avec la Belgique, l’Italie ou la Pologne. En 2006, le taux d’emploi des 55-64 ans s’établit à 38,3 %, contre 44 % pour l’ensemble des pays de l’Union européenne, très loin derrière la Suède (70 %), le Royaume-Uni (57,4 %) et… l’objectif de 50 % fixé au niveau communautaire pour 2010 ! Seul un Français sur quatre a encore un emploi à 60 ans, l’âge légal de départ à la retraite. Or la prolongation de la durée de cotisation opérée par la réforme Fillon de 2003 et poursuivie cette année par Xavier Bertrand n’a de sens que si la durée d’activité s’allonge effectivement.

La France doit donc opérer une véritable révolution culturelle. Pendant plusieurs décennies, elle s’est servie des seniors comme variable d’ajustement en leur proposant des départs anticipés avec l’illusion de lutter contre le chômage et de faire place aux jeunes. Résultat, les préretraites sont perçues comme un acquis social. Et, aujourd’hui, malgré les injonctions du gouvernement, les entreprises ont bien du mal à se débarrasser de ce réflexe post-Trente Glorieuses. Renault, dans le plan de départs volontaires présenté début octobre à ses partenaires sociaux, propose ainsi de racheter jusqu’à douze trimestres aux salariés qui n’auraient pas suffisamment cotisé. Soit trois ans de vie professionnelle. Du côté des organisations syndicales, même difficulté à faire le deuil de dispositifs socialement arrangeants. En septembre, France Télécom a stoppé net une négociation de GPEC qui buttait sur les dispositifs de fin de carrière. Dans le nouvel accord, l’entreprise souhaitait lui substituer un système de temps partiel aménagé. Refus catégorique des syndicats, dont SUD, pour qui « France Télécom a largement les moyens de répondre à la situation des salariés en fin de carrière ». Jusqu’en 2007, l’opérateur finançait 800 millions d’euros par an un dispositif pudiquement baptisé « congés de fin de carrière ».

Pour inverser la tendance, le gouvernement durcit le ton dans le PLFSS, en discussion au Parlement. Afin de faire oublier le flop du CDD senior (une petite vingtaine seulement auraient été signés), il élabore des mesures plus contraignantes. Aux entreprises, il promet des sanctions dès 2010 si elles persistent à ne pas jouer le jeu. En clair, si elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatifs à l’emploi des seniors, elles seront pénalisées à hauteur de 1 % de leur masse salariale.

Le gouvernement a aussi coupé le robinet de la mise à la retraite d’office, et il annonce déjà la suppression de la dispense de recherche d’emploi pour les plus de 57 ans d’ici à 2012. « Cette mesure est dangereuse, pointe Éléonore Marbot, professeur au Cnam et à l’Essec. Elle va à coup sûr créer des nouveaux pauvres car, d’ici là, les entreprises n’auront pas encore appris à recruter ou à maintenir les seniors au travail. » Et certains chercheurs, comme Marie-Cécile Amauger-Lattes, de l’université de Toulouse, de prévoir la nouvelle instrumentalisation d’un dispositif comme la rupture conventionnelle pour contourner la fin des cessations anticipées d’activité. Dernier pavé dans la mare, Xavier Bertrand a même suggéré, fin octobre, aux partenaires sociaux de supprimer les cotisations chômage des plus de 60 ans.

« Il faut en finir avec les plans seniors qui stigmatisent un peu plus cette population. Mieux vaut promouvoir des logiques de parcours professionnels qui profiteront à tous les salariés », assure la sociologue Anne-Marie Guillemard. En bref, passer d’une gestion des âges à une gestion des compétences. « Pas si simple, selon Guillaume Huyez-Levrat, du Centre d’études de l’emploi. Car, pour le moment, les entreprises ne savent pas évaluer les compétences. Que deviendraient, en outre, les “moins compétents” en cas de restructuration ? Le critère d’âge reste socialement plus acceptable. »

Contrairement à la Finlande (voir page 24), la France n’a pas de stratégie globale qui articule emploi, retraite et santé au travail. Sans compter que la mobilisation est loin d’être générale. « Seul l’État porte le discours sur l’allongement des carrières en rapport avec l’équilibre des régimes de retraite par répartition, souligne Jean Cassingena, directeur des études stratégiques et politiques RH d’Areva. Jusqu’ici, les entreprises ont été peu loquaces sur le sujet. » Et pour cause, elles en sont, pour la plupart, au stade de la réflexion. Entre le quinqua usé qui ne pense qu’à la quille et celui qui veut jouer les prolongations, elles savent bien qu’elles vont devoir faire du sur-mesure. Inventaire des blocages culturels qui tirent l’emploi des seniors vers le bas et des pistes pour les dépasser.

Plus de 120 accords de branche ont prévu des préretraites, qui concernent entre 85 000 et 100 000 personnes par an
Surmonter la culture du départ anticipé

Cinq ans après, le deuil n’est pas fait. Recipharm Monts a beau ne plus recourir aux mesures de retraite anticipée depuis 2003, le sujet revient sur la table à chaque entretien mené avec les salariés de 55 ans, le mois suivant leur anniversaire. « Nous tentons de faire le bilan de carrière et de déterminer les mesures facilitant le maintien en activité. Mais les salariés espèrent qu’on les aidera à partir », déplore Yves Querret, DRH du fabricant de médicaments (240 salariés dont 20 % de seniors). « Des décennies en deux-huit, ça use physiquement et moralement », lâche un opérateur de l’établissement de Monts (Indre-et-Loire), bousculé ces dix dernières années : trois changements de nom, des réorganisations et des saignées dans les effectifs du fait des départs dans le cadre des carrières longues.

Cette volonté de partir tôt est largement partagée par les Français. C’est le souhait de plus de 57 % d’entre eux, selon l’enquête européenne Share. « En moyenne, les salariés du régime général souhaiteraient, “dans l’idéal”, partir à 58,8 ans », reprend une étude du ministère de la Santé en 2006, « et près d’un tiers envisagent de partir avant 60 ans ». En tête des motivations figurent le niveau de pension et la santé. « Mais les conditions de travail sont déterminantes dans la décision de liquidation de la retraite », note la Cnav, qui a sondé en 2007 les candidats au départ et décortique le « ras-le-bol » lié à la pénibilité ainsi qu’à la dégradation des conditions de travail. Usure physique, faible salaire, perspectives restreintes, sentiment d’être dépassé, le cahier des doléances est fourni. Sans compter la pénibilité psychologique « évoquée tant par les ouvriers que par le personnel administratif, les cadres ou les salariés de la fonction publique ». « Chez les ouvriers, la perception de la vie après le travail est différente, ajoute Guillaume Huyez-Levrat, chercheur au Centre d’études de l’emploi. Ils ont le sentiment qu’ils vont mourir vite et que, plus tôt ils partiront à la retraite, plus ils en profiteront. » À raison : la différence d’espérance de vie entre un cadre et un ouvrier est de sept ans.

Et il y a la culture de la cessation anticipée d’activité, solidement ancrée. Même dans les secteurs sans tradition en la matière. À Bouygues Telecom, Jean-Pierre Poisson, directeur des relations sociales, reste abasourdi du refus d’un syndicat de signer, en 2007, l’accord relatif au travail des seniors… parce qu’aucun dispositif de départ anticipé n’était inclus ! L’opérateur de téléphonie a été créé voilà dix ans.

Moyenne d’âge des salariés : 34,5 ans. « Nous n’avons pas de difficultés de gestion des âges. L’objectif de l’accord est de donner à tous nos collaborateurs de la visibilité sur leur parcours professionnel. C’est avant tout un outil de fidélisation pour soutenir leur mobilisation et l’acquisition de connaissances », note-t-il.

Difficile de tirer un trait sur trente ans de consensus social, longtemps justifié au motif que mieux valait un préretraité qu’un chômeur. Certes, le gouvernement a durci, depuis 2003, les conditions d’accès aux dispositifs publics de préretraite avant 60 ans au profit des salariés handicapés ou ayant fait de longues carrières (autour de 100 000 par an). Mais les sorties anticipées continuent sous d’autres formes : préretraite maison comme chez LCL ou Areva, temps partiel de fin de carrière, licenciement, plan de départs volontaires favorable aux seniors… Certes, le gouvernement a relevé à 65 ans l’âge légal de la mise à la retraite à l’initiative de l’employeur, mais en introduisant des dérogations sur lesquelles se sont jetés les partenaires sociaux ! Plus de 120 accords de branche ont permis des départs précoces, a révélé fin 2006 un rapport de l’IGF/Igas, évaluant entre 80 000 et 100 000 par an le nombre de moins de 65 ans poussés dehors. Le consensus politique sur l’allongement de la vie professionnelle peine à s’inscrire dans la réalité. L’échec de la négociation interprofessionnelle sur la pénibilité, en juillet, après trois ans de piétinement, en est le témoignage.

S’atteler enfin au maintien dans l’emploi

« Après vingt et un ans comme chef d’équipe puis responsable d’atelier, je ne me voyais plus continuer en production. L’ambiance, le mode de relation hiérarchique, tout me pesait. » Marc, 45 ans dont près de la moitié dans le groupe Aldes, fabricant de systèmes de ventilation, s’est trouvé une porte de sortie… dans l’entreprise : après un entretien de seconde partie de carrière puis un bilan de compétences « qui lui a permis de se repositionner », il va postuler à d’autres métiers. Chef de projet informatique chez Carrier Transicold Industries, fabricant d’équipements frigorifiques, Marie-Hélène, 45 ans et vingt ans de carrière, se sentait en danger face aux jeunes diplômés qui arrivent. Malgré son bac + 5. Une période révolue. Après un bilan de carrière de dix mois dans le cadre d’un dispositif proposé par Opcalia, elle s’est « [elle]-même surprise » en décidant de reprendre une formation longue : « J’arrive désormais à me projeter dans les vingt prochaines années ! »

Voilà ce qui fait défaut à la plupart des salariés. Un sur trois estimait en 2005 « ne pas être capable de faire le même travail qu’actuellement jusqu’à 60 ans », confie la Dares. Mais les employeurs ne leur sont pas d’une grande aide. Comme l’a constaté l’ANDRH lors de son étude sur la gestion des âges, seuls 8 % ont mis en place une politique spécifique seniors et 16 % agissent via une politique globale, axée par exemple sur l’ergonomie des postes ! « Et quand ils mènent des actions, ils les axent surtout sur la gestion et le transfert de compétences », commente Julie Ledieu, consultante au cabinet RH Diversity Conseil, qui décerne les trophées éponymes. Autant dire que les démarches pour aider au maintien en emploi des seniors sont naissantes, qu’elles passent par des accords spécifiques ou relèvent d’un volet « seniors » intégré à la GPEC.

Il existe peu de recul sur les entretiens de seconde partie de carrière proposés dès 45 ans, pourtant considérés comme la clé de l’édifice, à articuler avec la GPEC. Le centre de recherche Ifremer (1 300 salariés) comptabilise depuis deux ans… 40 demandes pour 500 seniors de plus de 55 ans. Bouygues Telecom en propose depuis un an mais n’a pas fait le bilan. « Vingt cadres RH y ont été formés. Cet entretien, qui peut aboutir à un repositionnement complet, nécessite une écoute différente », précise Jean-Pierre Poisson, le DRS de l’opérateur téléphonique, qui a autorisé, pour construire les parcours, des possibilités d’anticipation sur le DIF à hauteur de deux cents heures. Chez Aldes, les seniors ont un entretien avec le responsable de la formation. « Le premier contact doit être une personne neutre », note la DRH qui a reçu, en un an, 42 demandes… essentiellement de moins de 45 ans !

L’assureur mutualiste AG2R, qui emploie 28 % de plus de 50 ans, propose, lui, depuis la rentrée le « point 50 », une formation passant en revue les questions de santé, financières, professionnelles. « Il ne s’agit pas d’un diagnostic ou d’un bilan individuel mais de donner aux seniors une méthodologie pour en établir un », précise Yves Bensimon, responsable des études sociales.

Émergent aussi les dispositifs visant à réduire l’usure prématurée au travail. Surtout dans les PME. Ciliance, gestionnaire de HLM (137 salariés), réfléchit depuis 2003 à l’avenir des femmes de ménage et des gardiens d’immeuble. Une population vieillissante effectuant des tâches répétitives. Le matériel a été renouvelé et chaque salarié a suivi, en trois ans, quarante-cinq heures de formation sur les bons gestes, les techniques de nettoyage et la gestion des conflits. Résultat ? Un plébiscite. « Le taux de satisfaction des salariés est de 97 %, note Aurélie Beaufils-Bien, la DRH. Les seniors se sont réinvestis dans leur travail. Mais l’absentéisme a peu évolué. »

Autre piste : l’aménagement du temps de travail. À l’Ifremer, « les seniors ont sauté sur la semaine de quatre jours et demi. Pour eux, c’est une façon de reprendre la main sur le planning », constate Jean-Michel Albert, responsable retraite. Pour financer ces aménagements, le recours à un compte épargne temps alimenté par le salarié les années précédentes est une pratique courante. Comme chez AG2R, Bouygues Telecom ou Michelin. « Beaucoup de cadres ou d’agents de maîtrise seniors l’utilisent, mais le système n’est pas généreux, déplore Emmanuel Pasquier, délégué CFE-CGC de Michelin. Qui juge, en revanche, insuffisants les dispositifs destinés aux opérateurs de 57 ans ayant fait quinze ans d’horaires postés : un mi-temps payé 60 % mais cotisé à 100 % ou un temps partiel à 80 %, payé 85 % et cotisé à 100 %. » Trop de pertes de salaire ! « commente-t-il. Mieux vaut vieillir dans une grande entreprise que dans une petite, incapable de financer de telles mesures.

Au milieu des années 90, les cadres seniors étaient mis au rebut. Aujourd’hui, leur taux de chômage est de moins de 4 %
Retenir les seniors à potentiel

Juliette Lacoste, 45 ans, portait encore, il y a un an et demi, le tailleur de la cadre successful d’un grand constructeur informatique. Responsable du développement des ventes à l’international, cette quadra enchaînait les missions aux Pays-Bas, en France et en Angleterre. » Je me posais des questions sur ma carrière, raconte Juliette. J’avais encore beaucoup à donner et je voulais plus de responsabilités. J’ai alerté plusieurs fois mon employeur. Il n’a pas su me donner de perspectives à court terme. « Ni une ni deux, ce haut potentiel profite d’un plan de licenciement. Un bilan de compétences et quelques formations plus tard, elle crée Jouléco, une entreprise de services autour des énergies renouvelables, hébergée par une structure toute neuve, Paris Pionnières, qui porte les projets de création d’entreprise de femmes seniors. Une perte sèche de compétences, dont les entreprises ne prennent pas encore la mesure. Pour le sociologue Serge Guérin, elles ont pourtant tout intérêt à chouchouter ces seniors, » des rebondissants capables de prendre des risques. Leur moteur, travailler sur un projet innovant « , explique-t-il. Le chercheur évalue cette population à 25 % des salariés seniors. Dans le contexte des départs massifs à la retraite et de la forte pénurie de main-d’œuvre, notamment chez les cadres, ce vivier devient difficile à ignorer. Olivier Spire, P-DG du cabinet ProCadres International (ex-QuinCadres), confirme. « Au milieu des années 90, les cadres seniors étaient mis au rebut. Aujourd’hui, leur taux de chômage est à moins de 4 %. On peut presque parler de plein-emploi. »

Face à cette situation, les entreprises se montrent très pragmatiques. José Félix, DRH d’Aldes, spécialiste de la ventilation, a rendu les parcours professionnels visibles. Dans son accord sur la gestion de la diversité des âges, signé en 2007, il met à la disposition des salariés 80 cartes des évolutions professionnelles qui leur permettent de voir vers quels métiers ils peuvent évoluer en mobilisant plus ou moins de formation. Pour la première fois, la mobilité a fonctionné.

De son côté, le groupe Areva organise un véritable repérage de ses seniors à haut potentiel. « Nous leur proposons des entretiens de carrière avec des référents extérieurs à la ligne hiérarchique afin qu’ils se projettent dans les dix dernières années de leur vie active. Deux à trois ans avant le départ effectif, un entretien d’expérience leur permettra de préparer transmission ou formalisation de leurs connaissances », explique Jean Cassingena, DRH stratégie du groupe. Pour un Areva vertueux, beaucoup d’entreprises n’en sont qu’au début de leur réflexion. Certaines commencent à nommer des « Monsieur Seniors », comme elles ont pu désigner des « Monsieur Diversité » il y a quelques années. Car l’âge reste un obstacle. Selon la Halde, c’est même le premier facteur de discrimination, devant les origines et le genre. Didier Bouvet, ancien DRH d’une grande association, n’y a pas échappé. « Du haut de mes 50 ans, je n’ai pas décroché l’ombre d’un entretien, se souvient-il. J’ai décidé de vivre cette période comme une opportunité pour faire autre chose. » À 55 ans, il s’est reconverti et travaille à son compte comme coach. Un parcours classique pour les cadres seniors.

Recruter les retraités

La retraite ? Un horizon encore lointain pour Bernard Poulverel. À 59 ans, ce spécialiste du nucléaire ne se voit pas raccrocher. Ex-préretraité d’EDF – qu’il a quitté à 51 ans –, il a rempilé quelques mois plus tard via l’association des anciens gadz’arts où la société d’ingénierie Assystem l’a finalement recruté. Aujourd’hui, il prépare et forme des jeunes ingénieurs au fonctionnement des centrales nucléaires. « Pour le moment, je me sens bien. Je travaille dans un environnement stimulant, jamais sous pression. Alors pourquoi m’arrêter ? »

Des retraités qui veulent rester dans la course de leur plein gré, les entreprises les comptent aujourd’hui sur les doigts de la main. « En dehors des travailleurs pauvres, qui n’ont d’autre choix que de continuer à travailler, seuls les très qualifiés, experts dans leur métier, s’imaginent poursuivre une activité après 65 ans », souligne Guillaume Huyez-Levrat, chercheur au Centre d’études de l’emploi. En fait, les futurs candidats au cumul emploi-retraite dans sa version assouplie. Mise en œuvre par la loi Fillon de 2003, cette disposition est aujourd’hui une des mesures retenues par le gouvernement pour doper le taux d’emploi des seniors. Alors que le gouvernement souhaite libéraliser la mesure dès le 1er janvier 2009, personne n’est capable de faire le bilan chiffré de son utilisation depuis cinq ans. La Cnav a eu beau communiquer pour vendre le plan senior de Gérard Larcher en 2006, les entreprises n’ont pas beaucoup agi pour encourager la pratique.

Vinci a rappelé ses anciens compagnons pour encadrer des jeunes et assurer la transmission des savoirs

Reste les initiatives isolées. Des entreprises du BTP, comme Vinci, ont déjà rappelé leurs anciens compagnons pour encadrer des jeunes dans des missions de tutorat. Objectif : assurer la transmission des savoirs. Le groupe Aldes, non plus, n’a pas hésité à faire revenir plusieurs salariés partis à la retraite pour combler les pertes de compétences. « Je n’ai pas échappé aux remarques sarcastiques », pointe José Félix, chez Aldes. Mieux, le groupe Areva, dont un tiers de l’effectif français a plus de 50 ans, commence à construire une politique « retraités ». Depuis juin, il cherche à inciter les collaborations postretraite. « Il ne s’agit pas d’aller chercher brutalement des salariés partis à la retraite. Nous voulons le faire en concertation », indique Jean Cassingena. Une proposition réservée dans un premier temps aux ingénieurs et aux cadres.

Pour ce faire, Areva s’est attaché les services de la société Experconnect. « Notre rôle est de maintenir des compétences sur le marché. Nous aidons ces experts à aplanir les difficultés. Quel statut choisir entre le portage salarial, le statut d’indépendant ou la création d’entreprise. À quel rythme souhaitent-ils poursuivre ces collaborations ? » décrypte Gilles Effront, l’un des associés. « Sur le fond, favoriser le cumul emploi-retraite est intéressant, mais finalement cela concernera les plus autonomes, les plus qualifiés, ceux dont la santé leur permet de poursuivre jusqu’au bout. Une minorité de seniors », estime Éléonor Marbot, professeur au Cnam.

Industrie
39 %

des salariés (hommes) de l’industrie passent par la préretraite avant de prendre leur retraite effective.

Dans l’automobile, cette proportion est encore plus grande : ils sont 53 % des salariés (hommes).

Source : Insee-Drees pour le Conseil d’orientation des retraites.

Banques
58,9 ans

C’est l’âge moyen des départs à la retraite dans le secteur bancaire. D’ici à 2012, il devra passer à 60 ans. C’est en tout cas l’objectif que se fixe la branche, qui vient de signer un accord sur l’emploi des seniors après deux ans de négociation. Aujourd’hui, 33 % des salariés du secteur ont plus de 50 ans.

Source : accord AFB.

Santé
12 ans

C’est la durée de vie professionnelle des infirmiers. En cause : les conditions de travail et la pénibilité de ces métiers. Un phénomène d’autant plus inquiétant que 55 % des infirmiers partent à la retraite d’ici à 2015. Par ailleurs, une infirmière sur cinq part à la retraite en état d’invalidité.

Source : Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI).

PME
53 %

des dirigeants de PME ne se soucient pas de la gestion des âges. Eux-mêmes seront 800 000 à 900 000 à atteindre l’âge de la retraite d’ici à quinze ans.

Source : Anact, enquête réalisée en 2005-2006 auprès de 10 000 dirigeants de PME, et CCI-Entreprendre en France.

Auteur

  • Anne Fairise, Anne-Cécile Geoffroy