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Vie des entreprises

Le nouveau représentant de la section syndicale

Vie des entreprises | Chronique juridique | publié le : 01.10.2008 | Jean-Emmanuel Ray

Avec la loi du 20 août 2008, un nouvel acteur syndical est né : le représentant de la section syndicale. Mais son mandat est précaire, puisqu'il fait office de délégué syndical entre deux scrutins pour les syndicats qui n'ont pu encore faire la preuve électorale de leur représentativité. Et son rôle est limité, puisqu'il est exclu de la table des négociations. Revue de détail…

Acteurs à plus de 10 % des suffrages exprimés, accords à plus de 30 % : la loi du 20 août 2008 fait désormais reposer tout le droit de la négociation collective sur l'audience électorale, après avoir abrogé la présomption irréfragable de représentativité. Or, comme dans les entreprises la nouvelle représentativité s'acquiert à l'occasion des élections professionnelles, les signataires de la position commune d'avril 2008 puis le législateur ont voulu permettre à un syndicat non encore représentatif mais ayant les qualités de base (valeurs républicaines, indépendance…) de s'y implanter en bénéficiant des avantages qui vont avec (local, affichage, tracts), mais sans pouvoir négocier un accord d'entreprise tant qu'il n'aura pas fait la preuve, par les urnes, de sa représentativité.

Quarante ans après le délégué syndical (DS) qui a vu le jour le 27 décembre 1968 est ainsi né un nouvel acteur syndical, au mandat à durée déterminée : le représentant de la section syndicale (RSS).

DÉSIGNATION DU RSS

La désignation d'un RSS est donc réservée aux syndicats non représentatifs ayant valablement constitué une section dans les entreprises ou les établissements de plus de 50 salariés. Car ceux qui sont représentatifs désignent un DS de plein exercice, c'est-à-dire cumulant avantages liés au droit syndical et pouvoir de négocier des accords : c'est encore le cas des cinq grands, et peut-être demain des six si l'Unsa fait un bon score aux élections prud'homales du 3 décembre 2008.

Seuls les autres syndicats n'ayant pas encore pu faire la preuve électorale de leur représentativité peuvent désigner ce mi-DS. Quelles sont les quatre qualités cumulativement requises ? 1° Avoir déposé ses statuts depuis au moins deux ans : délai destiné à refréner notamment les ardeurs de SUD, au moins dans un premier temps ; 2° respecter les valeurs républicaines ; 3° être indépendant à l'égard de l'employeur ; 4° avoir constitué une section, c'est-à-dire pouvoir, le cas échéant, prouver l'adhésion d'au moins deux salariés, comme l'énonce L. 2142-1-1 (« Chaque syndicat qui constitue, conformément à l'article L. 2142-1, une section syndicale peut désigner un RSS »). Contrairement à l'arrêt du 27 mai 1997 qui se voulait social en admettant que la seule désignation du DS prouvait la constitution d'une section syndicale, la nouvelle formulation de l'article L. 2142-1 relatif à la section (« Dès lors qu'ils ont plusieurs adhérents dans l'entreprise ou dans l'établissement… »), mais aussi le rejet d'un amendement PS en ce sens exigent que le RSS puisse, en cas de contestation, démontrer au juge qu'il n'est pas tout seul : rappelons cependant qu'en France deux adhérents constituent déjà un collectif.

La désignation du RSS (forme + fond) intervient dans les mêmes conditions que pour le DS (plus de 18 ans, travailler depuis au moins un an dans l'entreprise…). Idem pour le contentieux devant le juge d'instance (L. 2142-1-2 nouveau), ou sa protection contre toute rupture d'origine patronale (autorisation expresse de l'inspecteur du travail).

EXERCICE DES FONCTIONS DE RSS

Article L. 2142-1-3 : « Chaque représentant de la section syndicale dispose d'un temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions. Ce temps est au moins égal à quatre heures par mois. Les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale. L'employeur qui entend contester l'utilisation faite des heures de délégation saisit le juge judiciaire. »

Notre nouveau RSS, pas encore DS mais aspirant à le devenir aux prochaines élections, bénéficie d'un régime créatif. S'il « dispose d'un temps nécessaire à l'exercice de ses fonctions », ce temps est « au moins égal à quatre heures par mois ». Alors qu'en général le montant légal ne peut être dépassé, hors circonstances exceptionnelles, serait-ce ici un plancher… sans plafond ?

Mais, à l'inverse du DS, ce montant ne croît pas au rythme des effectifs : qu'il s'agisse d'une usine de 4 325 salariés ou d'un établissement de 96 collaborateurs, un seul RSS par syndicat, avec quatre heures par mois : nettement moins que le DS disposant de dix heures entre 50 et 150 salariés et de vingt heures au-delà de 500.

Pendant ses heures de délégation, ce non-délégué peut librement circuler dans et hors l'entreprise et prendre contact avec des salariés au travail sur les chaînes ou dans les bureaux. Mais aussi se rendre dans le local syndical… s'il existe. Car ce n'est pas une obligation dans les entreprises de moins de 200 salariés ; entre 200 et 999, nos syndicats actuels devront lui faire un peu de place dans le local commun. Et dans les entreprises de plus de 1 000 salariés, la loi nouvelle a créé un régime dualiste : l'employeur doit « mettre à la disposition de chaque section syndicale constituée par une organisation syndicale représentative dans l'entreprise un local convenable, aménagé et doté du matériel nécessaire à son fonctionnement » (art. L. 2142-8, 2e alinéa nouveau). A contrario, rien de tel n'est prévu pour les sections des syndicats non encore représentatifs : leur local sera donc commun, évitant que de grandes entreprises ne se voient demander un nombre excessif de locaux.

Faut-il enfin inviter aux négociations (autres que le protocole d'accord préélectoral dont le régime est bouleversé, voir art. L. 2314-3-1) ce militant qui aspire à pouvoir bientôt négocier comme DS plein ? S'il ne peut pas signer, disent les uns, cet entraînement lui sera utile, ajoutant qu'il vaut mieux que son opinion soit prise en compte à cette occasion plutôt qu'il organise après la résistance à l'accord. Mais un amendement sénatorial en ce sens a été rejeté : en droit, la séparation est donc totale, le RSS restant cantonné au droit syndical. En fait, il paraît évident que, vu sa fonction et ses espérances, il risque de ne pas rester inerte pendant les négociations, et a fortiori après. Sans doute souvent critique pour se valoriser en vue des prochaines élections qui le verront promu DS ou disparaître, le RSS sera donc absent de la table des négociations. Mais vraisemblablement pas de l'esprit des négociateurs, surtout ceux ayant obtenu autour de 10 % des suffrages aux élections précédentes et qui ne devraient pas faire de cadeau à ce concurrent potentiel.

Il n'est pas certain que les chefs d'entreprise apprécient cette nouveauté qui permettra à des syndicats ayant fait la preuve de leur non-représentativité électorale de durer indéfiniment en faisant tourner leurs militants comme RSS.

FIN DU MANDAT DE RSS

Le mandat de RSS peut d'abord prendre fin dans les hypothèses habituelles évoquées pour le DS (démission, révocation, transfert, baisse des effectifs : art. L. 2142-1-2 nouveau). Mais ce n'est pas tout. Ne figurant encore dans aucun Code pourtant nouveau actuellement disponible en librairie, le troisième alinéa du nouvel article L. 2142-1-1 rappelle l'effet guillotine des résultats électoraux : « Le mandat du RSS prend fin, à l'issue des premières élections professionnelles suivant sa désignation, dès lors que le syndicat qui l'a désigné n'est pas reconnu représentatif dans l'entreprise. Le salarié qui perd ainsi son mandat de représentant syndical ne peut pas être désigné à nouveau comme représentant syndical au titre d'une section jusqu'aux six mois précédant la date des élections professionnelles suivantes dans l'entreprise. »

Comme le soulignait le rapporteur devant l'Assemblée nationale : « Le sens de sa fonction apparaît bien : il ne s'agit pas d'organiser en permanence dans l'entreprise deux niveaux de représentativité (pleine et partielle), mais d'ouvrir le système en permettant à de nouveaux entrants de bénéficier transitoirement de certains moyens et protections en vue d'obtenir ensuite les résultats électoraux qui constituent le principal fondement de leur légitimité. »

À l'instar de nos radars automatiques ne laissant aucune place à la négociation et peu au contentieux (d'où leur efficacité), le seuil de 10 % aux élections a donc pour le RSS un effet couperet, que la position commune d'avril avait évoqué avec plus de doigté : « Si l'organisation syndicale qui a désigné le représentant n'est pas reconnue représentative dans l'entreprise […], il est mis fin aux attributions de l'intéressé. » Dans la loi, il n'est pas « mis fin » au mandat : il « prend fin » tout seul. Bref, le RSS n'a pas à être révoqué par le syndicat : son mandat tombe de lui-même si le syndicat qui l'a désigné n'a pas obtenu 10 % des suffrages exprimés au premier tour, qu'il faut désormais toujours dépouiller.

Même si c'est le cas, la promotion RSS/DS n'est pas automatique : il faut aussi que le RSS se soit présenté aux élections et que, sur son nom cette fois, il ait lui aussi obtenu les 10 % fatidiques.

En cas d'échec à ce double examen de passage, sa carrière dans l'entreprise ne ressemblera sans doute pas à un long fleuve tranquille : ce qui pourrait faire réfléchir des salariés peu populaires mais souhaitant bénéficier pendant quelques années de la protection statutaire contre le licenciement. Car, contrairement au DS qui a douze mois de protection à l'issue de douze mois de mandat, le RSS ne bénéficie ès qualités d'aucune protection spécifique s'il n'est pas élu : c'est au titre de simple ancien candidat aux élections qu'il sera protégé pendant six mois. Mais, s'il est militant, il reste protégé au titre de ses activités syndicales (art. L. 1132-1).

Pour éviter qu'un RSS ayant fait la preuve de sa non-représentativité ne puisse se faire redésigner par le même syndicat (ou un autre) le lendemain de son échec aux élections pour garder ainsi avantages et statut, la loi du 20 août 2008 a ajouté qu'il ne pourra être redésigné qu'au mieux six mois avant les élections suivantes : il sera donc privé de ce mandat pendant quarante-huit mois moins six, soit quarante-deux mois. Mais un autre salarié membre de la même section pourra prendre sa place… ce qui permettra à un syndicat ayant électoralement pourtant fait la preuve de sa non-représentativité de rester présent en permanence dans l'entreprise en question, dans une position presque forcément contestataire par rapport aux négociateurs. Voire désigner comme RSS son ci-devant DS ayant échoué aux élections ?

FLASH
Un RSS peut parfois négocier

Article L. 2143-23 du Code du travail :

« Lorsque, en raison d'une carence au premier tour des élections professionnelles, un délégué syndical n'a pu être désigné au sein de l'entreprise, ou lorsqu'il n'existe pas de délégué syndical dans l'entreprise, le représentant de la section syndicale désigné par une organisation syndicale de salariés affiliée à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel peut disposer, par dérogation à l'article L. 2142-1-1 et sur mandatement par son organisation syndicale, du pouvoir de négocier et conclure un accord d'entreprise ou d'établissement. »

Ce qui prouve que l'appartenance au club des cinq continue à apporter quelques solides avantages. Et le représentant de la section syndicale peut, lui, négocier n'importe quel accord d'entreprise, ce qui n'est pas le cas du salarié mandaté classique au mandat nettement plus restreint (art. L. 2232-24), et dont le texte doit ensuite « être approuvé par les salariés à la majorité des suffrages exprimés » (art. L. 2232-27 nouveau).

Exception à cette dérogation : une telle désignation est impossible dans la petite vingtaine de branches ayant autorisé leurs entreprises à passer par un salarié mandaté sous l'empire de la loi du 4 mai 2004.Tout le monde suit ?

Auteur

  • Jean-Emmanuel Ray