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L'entreprise à l'ère du Web 2.0

Dossier | publié le : 01.10.2008 | Domitille Arrivet, Sabine Germain, Erick Haehnsen

L'entreprise voit ses frontières et ses connections remises en cause par l'essor des interfaces du Web 2.0 et de ses réseaux sociaux. Plutôt que d'aller à contre-courant d'un phénomène planétaire, les DRH doivent accompagner le mouvement.

Blogger, Dailymotion, Facebook, Viadeo, MySpace, Netvibes, Second Life, Skyblog, YouTube… autant de nouveaux univers informatiques familiers des internautes et autres accros du Web 2.0, mais souvent méconnus des DRH. Et pourtant, selon le cabinet américain Gartner, spécialiste des études de marché, 70 % des entreprises auront domestiqué réseaux sociaux et Web 2.0 d'ici à 2012. Depuis quatre ans, la Toile est secouée par ces nouvelles technologies, dont la caractéristique commune est que les utilisateurs, à la fois, en créent le contenu et interagissent entre eux. Les enfants du Net y retrouvent les membres de leur tribu, éditent leur journal électronique ou leur blog. Ils se donnent des nouvelles et se fixent des rendez-vous aux quatre coins du monde… Des réseaux sociaux professionnels comme LinkedIn, Viadeo, Xing ou Ziki cumulent désormais des audiences qui se comptabilisent par millions d'internautes. Un pouvoir d'influence qui échappe, pour l'heure, à la majorité des entreprises. Et parfois même leur joue des tours. Ainsi, les salariés italiens d'IBM, mécontents de Big Blue, se sont regroupés sous la bannière de l'Union Network International (UNI) sur Second Life en septembre 2007.

En phase avec la culture du Net. Pour s'éviter une grève virtuelle de ce genre, les entreprises ont intérêt à se mettre à la page au plus vite. À l'instar de pionniers comme Alstom, Areva, Capgemini, L'Oréal, Unilog et Teamlog qui ont lancé en juin 2007 une campagne de recrutement très médiatisée, baptisé Neo Job-Meeting, sur Second Life. « Au final, cela n'a pas été très probant. L'acte virtuel de rencontrer l'entreprise a été difficilement identifiable par les candidats. Sur 100 CV, nous avons pris 29 rendez-vous virtuels, constate Laurent Benazera, directeur du recrutement de Teamlog, une SSII. En revanche, nous y avons gagné l'image d'une société en phase avec la culture du Net. »

Parmi les Internet natives figure Loïc Le Meur, qui vient de créer en Californie sa nouvelle start-up, Seesmic, une plate-forme de blogs vidéo. « J'ai fêté récemment mes 5 000 friends sur Face-book », déclarait-il en juin sur son blog loiclemeur.com. Cet expert du Web 2.0 consacre au moins quatre heures par jour aux réseaux sociaux, auxquels il est constamment connecté. « Je les consulte avant même de lire mes e-mails, trop nombreux et pas assez ciblés. Pour moi, les réseaux sociaux sont des outils de travail très rentables. » Que ce soit avec l'ordinateur fixe du bureau ou celui de la maison, sur les PC des Web bars ou avec leur IPhone, voire leur netbook, les nouveaux connectés mélangent allégrement les genres entre vie privée et vie professionnelle. « Mes meilleurs amis sont aussi ceux avec qui je fais du business », explique Loïc Le Meur.

Il y a deux ans, Lionel Alibert, président de l'Association nationale des métiers de la vente (ANMV), a créé l'Association des attachés commerciaux (AAC) sur Viadeo, qui a rallié 1 000 membres en six mois, venus discuter sur des forums, échanger des tuyaux sur la manière d'exercer son activité, consulter des offres d'emploi… Après deux ans de réseautage, Lionel Alibert bénéficiait d'un carnet d'adresses assez solide pour rédiger un cahier des charges et lancer un appel d'offres. Moyennant un investissement de 50 000 euros, la SSII RBS lui a développé en six mois un logiciel mis en place en février 2008. Un outil qui lui a permis de proposer une assistance juridique gratuite en partenariat avec un cabinet d'avocat – concrètement, de donner la possibilité aux membres de soumettre deux questions juridiques personnelles par an et d'obtenir une réponse dans les soixante-douze heures – et de collecter des offres d'emploi trois à quatre fois moins chères que sur les sites traditionnels… Un service appréciable dans une profession qui connaît un fort turnover. « Chacun peut créer son forum. Les attachés commerciaux et les assistantes commerciales peuvent adresser des candidatures spontanées en interne aux directeurs commerciaux qui sont membres. C'est très communautaire », explique Lionel Alibert. À cela s'ajoute un annuaire interactif qui donne la possibilité d'être mis en relation avec un adhérent. À présent, le créateur de l'AAC planche sur la seconde version de son réseau social.

Les Français les plus accros ? Le succès des réseaux ne se dément plus. Selon une étude du leader des réseaux sociaux en ligne LinkedIn menée auprès de 1 500 membres de réseaux professionnels au Royaume-Uni, en Allemagne et en France, et publiée fin août, les Français sont les plus accros. 61 % des personnes interrogées dans l'Hexagone reconnaissent un effet positif des réseaux sur leur carrière. « Depuis deux ou trois ans, nous sommes entrés dans la société de conversation, confirme le dircom d'une entreprise de services. C'est frappant. Et assez générationnel. La fierté de ces trentenaires est d'afficher le nombre d'amis qu'ils possèdent sur ces réseaux relationnels. Depuis six mois, Twitter est la nouvelle tendance qui fait fureur. Grâce à ce petit service, un individu peut envoyer de son téléphone portable ou depuis Internet des messages à l'ensemble de ses amis, qui savent ainsi en permanence ce qu'il fait, ce qu'il pense, où il se trouve. » Des outils dont raffolent les élus mais aussi les salariés en quête d'un nouvel emploi.

Car la première raison pour une entreprise d'entrer dans l'ère du Web 2.0 est de pouvoir y draguer de futures recrues. « À côté des sites d'offres d'emploi classiques, nous faisons connaître nos offres sur Viadeo et Facebook, indique Laurent Benazera, directeur du recrutement chez Teamlog, dont l'objectif est d'embaucher 900 salariés en 2008, contre 850 l'an passé. 40 % de nos recrutés ont moins de deux ans d'expérience. » Revers de la médaille : les salariés en place y publient aussi leur CV et y retrouvent des « amis » susceptibles de les coopter dans une autre société… Ce qui a mis la puce à l'oreille du cabinet de chasseurs de têtes Managing : « On a du mal à trouver les candidats que veulent recruter les entreprises, des commerciaux pour l'industrie ou l'immobilier d'entreprise, des développeurs de logiciels, des chefs de projet dans l'infogérance, souligne Xavier Simon, directeur associé du cabinet. Nous nous intéressons donc à toutes les sources possibles : les réseaux professionnels LinkedIn et Viadeo, et grand public comme MySpace et Facebook. Certes, ces derniers ne sont pas conçus pour le réseautage professionnel, mais les gens s'y inscrivent en indiquant leur profession. » Sous couvert d'un mordu de vélo dans le Jura, le cabinet a identifié un technico-commercial travaillant dans la plasturgie. Reste à le transformer en candidat à l'embauche. Les réseaux sociaux ont d'autres limites : « Après 45 ans, on ne trouve personne. La majorité des profils identifiables est constituée de trentenaires. Or nous chassons “l'expérimenté” », ajoute Xavier Simon.

Selon le cabinet américain d'analyse Forrester Research, 51 % des grands comptes nord-américains et européens s'équiperont cette année en technologies Web 2.0 : forums, blogs, wikis, flux RSS… En revanche, plus la taille de l'entreprise diminue, moins les projets d'investissement sont nombreux. La proportion de sociétés branchées tombe à 20 % dans la catégorie des moins de 100 personnes. « C'est tout le paradoxe, reconnaît Christophe Toulemonde, directeur du cabinet d'analyse Jemm Research, qui vient de publier une étude sur ce sujet réalisée auprès des entreprises françaises pour le compte d'IBM. Les gens utilisent le Web 2.0 dans leur vie privée mais ils en ont encore une grande méconnaissance pour leur entreprise… »

Outils collaboratifs. Lorsque l'on demande aux salariés de quels nouveaux outils ils aimeraient disposer, ils ne citent pas spontanément blogs et wikis, qu'ils considèrent comme chronophages. En revanche, ils plébiscitent les outils collaboratifs plus classiques : l'annuaire étendu (coordonnées, profil, compétences, domaines d'expertise…), le calendrier partagé, la gestion électronique de documents… Certains groupes ont compris l'intérêt de ces réseaux internes. Constatant que les annuaires électroniques ne mentionnent pas l'expertise des individus, la Banque de financement et d'investissement (BFI) de BNP Paribas a mis en place à titre expérimental pour 40 communicants les solutions de l'éditeur BlueKiwi. Celles-ci comportent une fonction de création de profil qui permet au salarié de préciser sa situation précédente, ses diplômes, ses expertises acquises dans l'entreprise… Dans ce cas, des collègues ne manquent pas de contacter le salarié ou de commenter ses contributions sur le blog ouvert par la banque. « On voit les affinités qui se tissent », observe Thierry Valdant, responsable Internet et intranet pour la BFI.

Reste que dans les entreprises les forums et les blogs font encore peur. Selon l'étude de LinkedIn, 12 % des Français interrogés déclarent que leur entreprise leur interdit de se connecter à ce genre de sites. D'autres, en revanche, lâchent la bride. « Avant, une direction de la communication tentait de canaliser l'information. Aujourd'hui, elle ne contrôle plus rien. Une entreprise doit changer son modèle, opter pour l'attitude la plus conversationnelle possible. Un blogger renommé peut mettre à mal la réputation de l'entreprise », explique un spécialiste de la communication.

Des groupes comme Microsoft ou Sun ont ainsi ouvert des blogs pour leurs salariés. SFR a créé MySFR, un forum interne que les salariés viennent alimenter. Le Club Med a également créé son Facebook maison. Geosphere est ainsi ouvert à ses gentils organisateurs et probablement bientôt aux chefs de village. « Nous avons 14 forums thématiques sur nos métiers ainsi que sur la veille technologique et concurrentielle, souligne Matthieu Hoffmann, DRH de Niji, une société de conseil dans la convergence informatique, télécoms et multimédia. Quiconque peut ouvrir son forum, qui sera nominatif et à usage strictement professionnel. Ensuite, une personne de la DRH ou de la communication joue le rôle de modérateur. Une fois les règles d'usage posées, il existe une grande liberté. » Mais ce qui peut se mettre en place facilement dans une société high-tech de 280 personnes est plus complexe à réaliser dans un groupe international de plusieurs dizaines de milliers de salariés…

E. H.

Pour s'y retrouver dans les outils et éditeurs du Web 2.0

Nouvel eldorado informatique, le Web 2.0 suscite l'appétit croissant d'un grand nombre de fournisseurs. Mais, pour l'heure, seuls les pure players ont une légitimité. À commencer par les éditeurs open source (logiciels libres), dont on peut lire le code source, le copier et le rediffuser. Tous ces logiciels embarquent un moteur de création de forums, de blogs et de wikis, un webmail, un système de messagerie instantanée (chat), un annuaire électronique et un agenda partagé. Tous ces composants sont plus ou moins sophistiqués et plus ou moins bien intégrés. Le français EXo Platform coiffe tout le monde au poteau. Particularité : l'éditeur est le seul à fournir un WebOS, un système d'exploitation embarqué dans le navigateur Internet qui ressemble à la barre de menu des ordinateurs Apple. Ce procédé offre un très haut niveau d'intégration entre les divers constituants (moteur de publication, suite collaborative, annuaire électronique, messagerie instantanée…). De son côté, Alfresco, qui vient du monde de la gestion électronique de documents, est également un éditeur open source très sérieux. Citons aussi les logiciels libres TikiWiki, TWiki et WordPress, le moteur de blogs le plus célèbre du monde. Dans le sillage des éditeurs open source, on trouve en outre des éditeurs commerciaux de très grande qualité, comme les français BlueKiwi et RBS.

GLOSSAIRE

Réseau social

Services sur Internet pour communautés ayant les mêmes centres d'intérêt ou activités. Ces sites s'articulent autour de forums, blogs ou wikis. Ils intègrent des outils de profiling et de mise en relation.

Blog

Journal en ligne pour partager des informations avec son équipe, sa tribu ou tous les internautes. Les blogs possèdent des outils de référencement (les tags) et de syndication (procédé de mise à disposition) de contenu éditorial (fils RSS ou Atom) qui leur permettent de développer leur audience sur Internet.

Wiki

Site Web d'édition collective mis à jour pour les besoins d'un projet ou d'une communauté.

Flux RSS

Diffusion automatique d'alertes pour actualiser des informations qui se renouvellent rapidement. La famille de format XML really simple syndication (RSS) est utilisée pour la syndication de contenu Web.

Mashup

Applications qui combinent du contenu ou des codes logiciels provenant de plusieurs sources pour créer un nouveau service ou une nouvelle application composite. Par exemple pour intégrer la cartographie de Google (Google Maps) afin de localiser un utilisateur.

Widget

Outil qui propose, sur le poste de travail, des informations ou l'accès à une fonction Web 2.0 en ligne.

Auteur

  • Domitille Arrivet, Sabine Germain, Erick Haehnsen