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Vie des entreprises

Les firmes british pas très fair-play avec les salariées

Vie des entreprises | Zoom | publié le : 01.06.2008 | Agnès Baritou

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Les firmes british pas très fair-play avec les salariées

Crédit photo Agnès Baritou

La Grande-Bretagne est l’un des plus mauvais élèves européens pour l’inégalité salariale entre hommes et femmes. Le contentieux explose. Mais des mesures sont annnoncées pour 2009.

Sue Townend, une aide-soignante à domicile employée par la municipalité de Kirklees, dans le Yorkshire, pendant vingt-deux ans, a assigné en 2006 son employeur en justice pour non-respect de la parité salariale. Pointés du doigt : les bonus accordés au seul personnel masculin. Le tribunal lui a donné raison et accordé une indemnité de plus de 20 000 livres. Un exemple parmi des dizaines de milliers en Grande-Bretagne, où même le célèbre Financial Times a avoué il y a peu que ses journalistes femmes étaient moins bien rémunérées que leurs collègues masculins – une différence de 11 %, selon le Syndicat des journalistes.

La dernière étude publiée sur le sujet, mi-avril, a soulevé une vague d’indignation dans le pays. Selon l’Office for National Statistics, si l’inégalité salariale frappe moins les jeunes débutantes – pour lesquelles l’écart n’est que de 1 % – les femmes de 40 à 49 ans travaillant à temps plein gagnent 20,3 % de moins que les hommes du même âge. Avec les temps partiels, le fossé s’agrandit : les femmes gagnent environ 40 % de moins que leurs collègues. La Women & Work Commission, mise en place par Tony Blair pour se pencher sur le dossier épineux de la parité salariale, dresse le même constat calamiteux.

« Il y a plus de trente ans, nous nous sommes battues pour une législation qui condamne l’inégalité salariale [Equal Pay Act, en 1970] ; or nous devons à présent continuer le même combat pour nos filles », tonne Mary Maguire, à la tête du bureau de presse du puissant syndicat du service public Unison. Entre 1970 et 1976, l’écart des salaires entre les hommes et les femmes s’est réduit de 36 à 26 %. Mais, depuis, il n’a baissé que de 6 points !

Des pauses dans la carrière.

Pourquoi un tel fossé ? Selon les analystes à l’origine de l’étude, les femmes sont davantage susceptibles de faire des pauses dans leur vie professionnelle pour s’occuper d’enfants ou de parents dépendants. Cela porte préjudice à leur carrière, donc à leur salaire. Bibliothécaire à Édimbourg depuis vingt-sept ans, Irene Stout touche un salaire (21 000 livres par an) équivalent à celui de ses débuts (12 000 livres) : elle n’a connu, depuis, aucune hausse de salaire, seulement des réalignements sur l’inflation. La faute au temps partiel qu’elle a pris pendant quatorze ans pour élever ses deux enfants. « Je ne regrette pas cette décision, mais il y a eu un prix à payer, note-t-elle. Quand je suis revenue au plein-temps, j’avais moins d’expérience professionnelle et je n’ai pas eu les mêmes opportunités. »

La confédération patronale, elle, se dégage de toute responsabilité. Pour Susan Anderson, directrice des politiques de ressources humaines au CBI, « l’inégalité salariale dont souffre la Grande-Bretagne n’est pas due à la discrimination de la part d’employeurs, mais aux secteurs dans lesquels les femmes travaillent, qui rémunèrent moins bien ». Elle reconnaît néanmoins qu’elle ne s’attendait pas à un fossé aussi important pour les salariées quadras, les employeurs offrant dorénavant davantage d’options pour favoriser l’équilibre entre travail et vie privée. Avec près d’un million d’adhérentes – sur un total de 1,3 million –, Unison est le syndicat le plus engagé dans la lutte contre les discriminations sexuelles. Pour Mary Maguire, « les employeurs usent de nombreuses tactiques pour éviter de payer les femmes autant que les hommes. Par exemple, ils modifient les titres : les techniciens de surface hommes sont des wall washers, tandis que les femmes sont des cleaners. Et les cleaners sont moins bien payées ! De plus, dans le secteur privé surtout, les échelles de salaires n’étant pas transparentes, il est difficile de repérer une discrimination ». La stratégie du syndicat est donc d’informer les membres sur leurs droits à la parité salariale, de négocier des accords collectifs avec des groupes d’employeurs – comme dans le secteur de la santé. Près de 50 % de son action passe donc par la négociation, le reste se faisant… au tribunal.

Et, depuis quelque temps, le contentieux relatif à l’inégalité salariale entre les hommes et les femmes explose. Selon l’agence gouvernementale Tribunals Service, les plaintes pour discrimination salariale ont augmenté de 155 % en 2005-2006, dépassant le chiffre de 44 000.

Nouvelle législation en vue

Une grande partie du contentieux implique les autorités locales, mais le secteur privé est également touché. Les syndicats et certains députés critiquent une action peu efficace en faveur de l’égalité des chances des femmes au travail et exigent une nouvelle législation. En février dernier, un rapport parlementaire a appelé le gouvernement à accentuer ses efforts. Principales recommandations : améliorer la qualité des emplois à mi-temps, étendre le droit au travail flexible, développer l’orientation des jeunes et les stages afin d’élargir la palette des emplois pour les jeunes filles, et investir dans l’éducation des adultes pour aider les femmes plus âgées à se former à une nouvelle carrière. La ministre pour les Femmes et l’Égalité, Harriet Harman, a voulu apaiser les esprits en annonçant la préparation de mesures favorables aux femmes dans la future loi-cadre sur l’égalité de traitement (Single Equality Act), attendue pour 2009… Verdict l’an prochain.

L’influence limitée de la Commission pour l’égalité

Principale organisation de lutte contre les discriminations, la Commission pour l’égalité et les droits de l’homme se bat pour la parité salariale. Mais elle souffre d’un manque de financement, ce qui diminue son influence et son pouvoir. Sa vision de la lutte diverge parfois de celle des syndicats : ainsi, face à l’explosion du nombre de plaintes déposées par des femmes victimes d’inégalité salariale, la Commission a proposé un moratoire sur les nouvelles plaintes, en échange duquel les entreprises disposeraient de trois ans pour régler le problème en interne.

Une suggestion vivement critiquée par les syndicats, qui voient là un moyen pour les employeurs d’arrêter le progrès vers la parité salariale. Ces organismes se retrouvent néanmoins sur le fond : faire pression sur le gouvernement pour renforcer la législation sur l’égalité salariale et obliger les entreprises à effectuer des audits de salaires.

Auteur

  • Agnès Baritou