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Les prestataires se lancent dans la prévention

Dossier | publié le : 01.06.2008 |

Alimentation, tabagisme, TMS… les assureurs sont de plus en plus sensibles à la prévention des risques pour la santé des salariés. Une façon de lutter contre l’absentéisme, de contenir les coûts de la complémentaire et de se différencier des concurrents.

On n’est jamais aussi bien servi que par soi-même ! Pour expérimenter son nouveau service de prévention à distance de l’hypertension artérielle, bâti en partenariat avec Orange, Axa Assistance a décidé de l’expérimenter sur ses propres salariés. Le principe ? Permettre aux volontaires de prendre leur tension depuis leur domicile et d’en télétransmettre les résultats à leur médecin traitant. « Cela présente l’avantage de coller au plus près de l’état réel du patient et de débusquer les cas d’hypertension artérielle masqués », assure Jean-Michel Courtant, directeur du développement d’Axa Assistance, qui espère bien commercialiser à terme ce service auprès des entreprises. À l’instar d’Axa, mais aussi de Médéric ou encore d’AG2R, de plus en plus d’organismes complémentaires se lancent dans la prévention des risques pour la santé des salariés. Une démarche qui, de l’avis de Guillaume Sarkozy, délégué général du groupe Malakoff-Médéric, « nous positionnera comme offreur de services aux entreprises, en complément de nos prestations financières d’assureur » tout en répondant aux préoccupations des DRH de plus en plus amenés à garantir la santé physique et mentale de leurs salariés. Signe, selon lui, de cette évolution, l’accord conclu en 2007 entre les partenaires sociaux du conseil et de l’informatique et le groupe Malakoff-Médéric, gestionnaire de leur régime de prévoyance, visant à concocter un « baromètre en santé au travail » afin d’élaborer des « programmes de prévention ciblés ».

Pas plus de 25 euros par an et par personne. Mais cet investissement dans la prévention en entreprise répond aussi, selon Anne André, directrice générale d’Aon Assurances de personnes, à l’intérêt bien compris d’assureurs soucieux « de se différencier dans un contexte marqué par l’uniformisation de la gestion des risques financiers, sous la houlette de l’Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (Acam), le gendarme des assurances, et des normes prudentielles européennes ». Ce faisant, les organismes cherchent aussi à solvabiliser auprès des entreprises ces nouveaux services de prévention, sachant que, comme le reconnaît un acteur du marché, « les particuliers ne sont, de leur côté, pas près d’y consacrer plus de 25 euros par personne et par an, ce qui ne facilite pas l’émergence d’un modèle économique viable ».

Premier angle d’attaque des complémentaires, la « préservation du capital santé » des salariés. À l’instar de Groupama qui expérimente depuis 2007 une plate-forme d’information nutritionnelle intégrant l’accès à un diététicien, destinée aux employeurs « soucieux d’être partie prenante des habitudes alimentaires de leurs salariés », comme le précise Christophe Guillermard, directeur technique des assurances collectives du groupe. À grand renfort de portails Internet dédiés, de plates-formes téléphoniques à vocation médico-sociale et de coaching par SMS, certains assureurs surfent ainsi sur la vague du bien-être au travail dans le but affiché de peser sur le comportement des individus. « Couplées avec des points d’étape à franchir, ces démarches de coaching ciblées sur certaines pratiques addictives (alcool, psychotropes, tabac) sont plus efficaces que des campagnes d’affichage traditionnelles », explique Jean-Pôl Mairiaux, directeur de la stratégie santé d’Axa.

Ces organismes se sont ainsi engouffrés dans la distribution de programmes d’accompagnement au sevrage tabagique, en lien avec l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Une façon de répondre à ce qui, selon les résultats du sondage Axa-Ifop publié cet automne, constitue la principale préoccupation (à 88 %) des employeurs en matière de prévention. Reste que l’impact de telles démarches est difficile à mesurer. « En étant essentiellement tournées vers le comportement de l’individu, elles ne font pas suffisamment le lien avec les conditions de travail des salariés », déplore Cathy Suarez, économiste de la santé à la CGT.

Sus à l’absentéisme ! Les organismes complémentaires se lancent également dans la lutte contre l’absentéisme. Après le développement des contrôles et la mise en place de programmes d’aide au reclassement ou à la reprise d’activité en cas d’arrêt de longue durée, « certains employeurs vont plus loin en demandant à leur complémentaire de les aider à prendre la mesure des causes de l’absentéisme », constate Emmanuel Gineste, consultant associé du cabinet Adding. « De nombreuses entreprises sont demandeuses car elles n’ont plus de vision claire de leur absentéisme, du fait de services RH réduits au minimum », confirme Anne André, d’Aon, qui s’apprête, par exemple, à lancer un audit expérimental auprès de tous ses clients dont la convention collective prévoit une intervention de l’assureur dès le troisième jour d’arrêt. Dans un contexte où le transfert aux employeurs du versement d’une partie des indemnités journalières est à l’étude, nombre d’organismes s’y préparent. « En cas de réforme, nous devrons aider les entreprises à diminuer l’absentéisme car nous serons alors jugés sur notre capacité à limiter les augmentations de cotisation en prévoyance », anticipe Guillaume Sarkozy, qui vient d’embaucher une responsable de la prévention en entreprise. « Ces économies de cotisation devront dégager des moyens pour financer des actions de prévention, car proposer de nouveaux services gratuits aux entreprises ne peut être pérenne », prévient Pascal Broussoux, directeur technique d’AG2R, rappelant que « l’efficacité de la prévention s’obtient dans la durée ».

Prévenir TMS et cancers professionnels. À cet égard, les assureurs et les courtiers des collectivités locales et hospitalières ont pris une longueur d’avance dans la mesure où ils assurent déjà les coûts d’arrêt de travail dès le premier euro. Cet absentéisme coûte en moyenne aux collectivités locales près de 4 000 euros par agent absent et par an, en hausse de 30 % en huit ans, selon les résultats de la dernière enquête Dexia Sofcap d’octobre 2007. « Ces employeurs ont un intérêt immédiat à faire chuter le volume de petits maux d’origine professionnelle, non seulement en en minimisant les conséquences, mais en prévenant le risque », constate Philippe Maximin, de Gras Savoye. En d’autres termes, « ces employeurs nous demandent de travailler sur la prévention des risques professionnels à l’origine des arrêts les plus importants, comme les TMS ou les cancers professionnels », confirme Cyril Dallidet, le responsable de la prévention de ce courtier. Et de citer en exemple l’intervention qu’il vient de conduire en faveur d’« une gestion raisonnée » des 1 000 à 2 000 produits chimiques utilisés dans une municipalité de la région parisienne. A contrario, dans le privé, ce type de démarche est encore « balbutiant, les demandes de nos clients étant récentes », comme le reconnaît Patricia Delaux, chargée de la prévention chez Axa. Il ne tient qu’au gouvernement de changer la donne.