Les deux principaux organisateurs de séjours pour enfants bénéficient d’un contrat dérogatoire au droit du travail pour leurs animateurs et soignent surtout le recrutement des directeurs de centre.
Les colos, c’est bon pour grandir. » Voici la deuxième année consécutive qu’une grande campagne a été lancée afin de promouvoir les vacances en séjours collectifs auprès des familles. Une initiative destinée à tenter de stopper la lente érosion des départs en colo. De 1,4 million en 1995, le nombre d’enfants accueillis en centres de vacances est tombé à 1,1 million en 2007. Dans le même temps, la durée moyenne des séjours a diminué de trois à deux semaines. Cette tendance à la baisse n’arrange pas les affaires des deux poids lourds du secteur, la Ligue de l’enseignement, plus connue sous sa marque Vacances pour tous, et l’Union française des centres de vacances et de loisirs (UFCV). Longtemps rivales sur fond de luttes intestines entre laïques et cathos, ces deux grandes associations d’éducation populaire sont aujourd’hui confrontées à la même baisse de leur activité et à l’apparition de nouveaux concurrents, associations ou entreprises privées (voir encadré page 50), qui ne s’embarrassent pas d’un projet philosophique et social et visent surtout à répondre au mieux à l’évolution de la demande.
200 000 enfants par an. Avec 22 unions régionales, 102 fédérations départementales et près de 32 000 associations locales affiliées, la « vieille » Ligue de l’enseignement fondée en 1866 accueille chaque année 200 000 enfants en centres de vacances. De son côté, l’UFCV, créée en 1907 par un militant catholique, mais qui s’affiche aujourd’hui laïque, compte 19 délégations régionales, 60 antennes départementales ou locales et quelque 1 520 structures adhérentes (CE, associations ou collectivités locales). Et s’avoue dans l’impossibilité de publier des statistiques nationales sur le nombre de séjours. Mais, selon le Conseil national des employeurs associatifs, elle accueille un nombre d’enfants équivalent à celui de la Ligue. Les deux réseaux organisent également des sessions de formation au brevet d’aptitude aux fonctions d’animation (Bafa), sésame indispensable à tous ceux qui souhaitent encadrer des enfants. L’UFCV revendique un tiers des délivrances annuelles de Bafa et BAFD, son équivalent pour les fonctions de directeur de centre, soit 36 000 diplômes.
Mais le Bafa n’est pas considéré comme un diplôme professionnel. Les 100 000 animateurs qui en sont détenteurs s’accommodent d’un statut juridique et social un peu bancal. Comme tous les organisateurs de séjours pour enfants et adolescents, l’UFCV et la Ligue bénéficient en effet du contrat d’engagement éducatif dérogatoire au Code du travail créé par la loi relative au volontariat associatif et à l’engagement éducatif du 23 mai 2006. « Depuis 1988, l’annexe 2 de la convention collective de l’animation, permettait de régler le cas particulier du statut des animateurs et des directeurs de colonies de vacances. Mais la loi Aubry II a tout remis en question. Les partenaires sociaux étant incapables de s’accorder sur le temps de travail et le niveau de salaire, il a fallu une loi pour assainir la situation », explique Jacques Chauvin, chargé de mission à la Ligue de l’enseignement. Jean-François Lamour, le ministre de tutelle de l’époque, a répondu à l’attente des organisateurs de centres de vacances qui soulignaient leur incapacité à appliquer les 35 heures pour cause de coût. Son contrat d’engagement éducatif est cependant réservé aux animateurs occasionnels travaillant moins de quatre-vingts jours par an. « Ce texte reprend une grande partie de l’annexe 2 de la CCN de l’animation. Mais il était indispensable pour arrêter le harcèlement de quelques inspecteurs du travail trop zélés. Pour le reste, nous laissons nos adhérents libres d’améliorer la rémunération de leur personnel d’encadrement », précise Luc Cazenave, directeur général de l’UFCV.
De fait, les salaires des animateurs de colonies sont très faibles. Un décret du 28 juillet 2006 fixe la rémunération horaire minimale à 2,2 fois le smic, indemnité compensatrice de congés payés non comprise. La journée de travail n’est pas réglementée et les animateurs peuvent travailler jusqu’à douze jours de suite lorsqu’ils sont dans un camp itinérant. Sinon, ils bénéficient de vingt-quatre heures de repos hebdomadaires. Hostiles, pour la plupart, à ce texte, les syndicats de la branche regrettent le maintien de l’animation dans un régime dérogatoire. « Nous demandions l’application du smic horaire normal. Et nous regrettons que la dérogation profite aux structures privées comme aux associations d’éducation populaire », indique Jean Roger, secrétaire général adjoint du Syndicat national des professions artistiques et culturelles CFDT.
Côté salariés, les animateurs ont moins d’états d’âme. « Je préfère travailler avec des enfants plutôt que de retourner des steaks chez McDo », explique Marie Zanoune, étudiante en 3e année d’histoire à Créteil, qui a opté pour un job d’animatrice dans un centre de vacances de l’Association paritaire d’action sociale du bâtiment et des travaux publics (Apas), l’été dernier. Après trois semaines de boulot à raison de quinze à seize heures de travail quotidien, elle a empoché 536 euros, soit un peu moins de 25 euros par jour. Pour autant, elle compte bien repartir l’été prochain avec la même équipe. « L’organisation était excellente et le projet éducatif a été respecté. Sur le plan humain, j’ai aussi noué des relations personnelles très appréciables. »
Ce témoignage n’étonne pas Didier Fabre, chef adjoint du service des vacances jeunes de l’Apas. Ancien animateur, il préside la délégation francilienne de l’UFCV, à laquelle adhère l’association. « Il nous arrive de garder nos animateurs d’une année à l’autre pendant trois ans et plus, indique-t-il. Nous en sommes fiers, car la durée d’activité moyenne d’un moniteur est de quatorze mois, le temps d’encadrer deux séjours. Ensuite, les jeunes passent à autre chose. » Ce taux n’est cependant pas généralisable à l’ensemble des adhérents de l’UFCV. Car l’Apas bénéficie d’une équipe de salariés à temps plein pour gérer ses activités.
Réseaux d’animateurs. Parmi les gros adhérents de la Ligue de l’enseignement, la fédération du Val-de-Marne gère 3 000 départs par an environ. « Nous supervisons la commercialisation de 70 centres de vacances en juillet et de plus de 40 en août. Certains sont directement gérés par nos soins et accueillent 1 800 enfants par an, d’autres sont sous la responsabilité d’associations adhérentes. En moyenne, nous embauchons 300 animateurs sous CEE », indique Vincent Guillemin. Le délégué général adjoint de la Ligue du Val-de-Marne n’a aucune difficulté à trouver des volontaires. « En général, les directeurs ont déjà leur réseau. De plus, nous recevons beaucoup de CV car la qualité des séjours de la Ligue est reconnue. Nous remboursons tous les déplacements et nous prenons en charge l’hébergement pendant les journées de préparation du projet pédagogique, ce qui est très apprécié par les animateurs », ajoute-t-il. Pour sa part, Martine Kolm, directrice du Groupe d’études et de vacances, une association parisienne adhérente à l’UFCV, privilégie les petites annonces sur Internet.
Des organisateurs de colos soignent surtout le recrutement des directeurs, dont dépend la bonne marche des centres, mais aussi la formation pratique des animateurs et leur fidélisation. Directrice de centre de vacances pour la Ligue, Corinne Houdart est professeur d’éducation physique et sportive en collège. Elle revendique une entière liberté dans la constitution de ses équipes. « J’ai l’habitude de travailler avec un noyau de gens expérimentés. À la fin d’un séjour, je discute avec chaque animateur pour établir un bilan personnel. Si j’ai apprécié son comportement, je lui donne rendez-vous pour l’été ou l’hiver suivant. Je complète l’équipe avec des stagiaires en formation. » De son côté, Michel André puise dans les fichiers de l’Apas pour compléter ses équipes. Ce professeur de mathématiques, qui encadre deux colos par an, utilise également le service de recrutement de l’UFCV. Prof de judo, Arnault Berthier est aussi directeur pour l’association Mer et montagne qui envoie 600 enfants en vacances chaque année. Il emploie essentiellement des sportifs diplômés qu’il recrute grâce à son réseau personnel.
Reste que le nombre de volontaires prêts à passer le BAFD diminue, ce qui pousse les salaires des directeurs à la hausse. Si la Ligue du Val-de-Marne s’en tient à 40 euros par jour, certains adhérents de l’UFCV dépassent les 50 euros. La Ligue propose en outre aux animateurs qui s’engagent pour trois ans une formation gratuite au BAFD. C’est à ce prix que les organisateurs de colos feront la différence.
Associations adhérentes : 1 520
Enfants pris en charge : 200 000 environ
Diplômes d’animateur délivrés : 34 112
Associations adhérentes : 32 000
Enfants pris en charge : 200 000 environ
Diplômes d’animateur délivrés : 8 000
Dans le petit monde des organisateurs de colos, il fait partie des nouveaux venus qui bousculent une hiérarchie centenaire. Pour Cédric Javault, tout commence par la création d’Aventure scientifique, en 1993. « Les colos garderies n’ont pas d’avenir. Nos centres de vacances scientifiques ont tout de suite bien marché. » Lancé avec des séjours centrés sur l’astrophysique et les mathématiques, le catalogue comprend aujourd’hui 120 thèmes, dont l’histoire, les arts ou la cuisine. Entre-temps, l’association s’est transformée en SARL. Telligo compte 30 permanents, dont certains sont d’anciens animateurs. Mais les équipes qui encadrent les séjours travaillent toujours sous contrat d’engagement éducatif. Les directeurs reçoivent entre 46 et 50 euros brut par jour. Les animateurs de 20 à 34. « Ils sont surtout intéressés par le projet pédagogique et les conditions de travail. Pas plus de cinq enfants par adulte, matériel de qualité, formation préalable sur quatre week-ends », explique ce P-DG qui sort de Polytechnique. Les animateurs bénéficient aussi d’un entretien et d’une évaluation en fin de séjour. Les résultats sont disponibles sur un site en ligne. Une GRH sophistiquée pour le milieu, secret d’un triplement du chiffre d’affaires aux yeux du P-DG.
Atelier défense police scientifique de Telligo.