La Grève, Guy Groux et Jean-Marie Pernot. Sciences po (Les Presses), collection « Contester ». 150 pages, 10 euros.
Au moment où l’on commémore Mai 68, la grève fait un peu figure d’espèce en voie de disparition. Certes, comme le signalent Guy Groux et Jean-Marie Pernot, ce moyen d’expression reste populaire en France. Par ailleurs, les conflits du travail, surtout dans la fonction publique, ont tenu ces derniers mois une place importante dans le débat public, notamment à propos du service minimum. Mais cette arme ultime de la contestation sociale semble avoir en partie déserté le secteur privé, où les grandes grèves remontent à la fin des années 70 ou au début des années 80. La législation, en durcissant les modes de prélèvements sur les salaires des grévistes et en encadrant les conditions de recours à l’arrêt de travail, a rendu plus difficiles les vastes mobilisations de fonctionnaires ou de salariés des entreprises publiques qui ont mis à la mode le thème de la « grève par procuration » en 1995 et en 2003.
Dès son origine, la grève fut étroitement liée à l’enjeu des salaires. Mais elle était aussi un mythe ouvrier, porteur de l’ambition d’une transformation radicale de la société capitaliste. Sa reconnaissance n’ira pas de soi, il lui faudra passer par plusieurs âges pour devenir, après la Seconde Guerre mondiale, un droit constitutionnel. Et ce n’est qu’en 1950 que les fonctionnaires ont acquis le même droit que les salariés du privé.
Les deux chercheurs montrent aussi que la grève a apporté beaucoup de droits nouveaux aux travailleurs. Les mouvements de 1936 et de 1968 constituent les exemples les plus spectaculaires, générateurs d’avancées significatives sur les terrains de la démocratie sociale et de la durée du travail pour le Front populaire, sur le droit syndical et les salaires pour Mai 68. Mais, depuis plus de dix ans, notent Pernot et Groux, la défense des acquis en est devenu le principal moteur, ce qui souligne le changement du rapport de force lié à la mondialisation.
Les auteurs pensent que les conflits collectifs ont encore un bel avenir devant eux. La grève traditionnelle recule, mais des mobilisations multiformes compensent cette évolution. Entre 2002 et 2004, 30 % des établissements de plus de 20 salariés ont connu au moins un conflit collectif. C’est plus qu’entre 1996 et 1998, période où la même enquête avait été menée. Ressort historique de la grève, le principe de résistance continue d’animer les mobilisations protestataires.