Pour son trentième anniversaire, la revue a invité ses auteurs fétiches à remettre à plat quelques-uns des concepts qui ont accompagné sa longue marche vers la maturité. Le chapitre social est signé du sociologue Raymond Boudon qui s’interroge sur le mot égalité. L’auteur défend l’équité contre l’égalité, arguant que la première correspond bien plus à ce que réclame l’opinion publique que la seconde. Pour renforcer la lutte contre l’inégalité des chances, Boudon propose trois pistes : consolider la fonction essentielle de l’école, c’est-à-dire la transmission des savoirs ; renforcer l’évaluation des élèves ainsi que la liaison entre les résultats de l’évaluation et l’orientation ; enfin, défendre l’autonomie des établissements secondaires.
Le dialogue social connaît une évolution en profondeur : c’est un orfèvre qui le dit en la personne de Bernard Brunhes, l’ancien conseiller social à Matignon. L’emploi est en train de céder la place au pouvoir d’achat en tête des préoccupations des salariés. Avec l’accord du 11 janvier 2008 sur la modernisation du marché du travail, un pas a été franchi vers la « flexisécurité », mais l’auteur se méfie des emballements provoqués par ce concept. Il souligne aussi l’importance de la crise de l’UIMM pour l’approche patronale de la question sociale, ajoutant que « les organisations patronales n’échapperont pas à des réformes profondes ». Toujours très proche de l’actualité, la revue revient enfin sur la « nouvelle réforme de l’organisation de l’emploi ».
L’instauration de franchises sur certains remboursements médicaux a provoqué de vives polémiques en France. Le système est accusé d’être inégalitaire. Mais, pour François Ecalle, conseiller référendaire à la Cour des comptes, il serait possible de mettre en place, pour y remédier, un « bouclier sanitaire », tel qu’il se pratique en Belgique ou en Allemagne. Sa création permettrait d’augmenter beaucoup plus fortement les tickets modérateurs et d’abaisser les franchises puisque chacun serait assuré de ne pas avoir à payer pour sa santé plus qu’une fraction raisonnable de ses revenus. Selon l’auteur, ce bouclier « permettrait de respecter les principes de base de l’assurance maladie ».
Affiche brillante pour cette nouvelle revue qui s’offre le luxe de présenter des entretiens avec Tony Blair, Michel Rocard ou Rama Yade. Invité à s’exprimer sur la réforme, Michel Crozier, qui a passé une large partie de sa vie à analyser les organisations, affirme que celles-ci « nuisent à l’évolution de la société » et qu’elles « contribuent même à la bloquer ». Il estime que la France n’est pas vraiment une démocratie pluraliste, mais « une république monarchique » où la technostructure fait la loi. La conclusion est plus optimiste : « Il y a encore et toujours d’immenses terrains de désirs et de besoins à investir pour améliorer le sort des hommes. »