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Idées

Un dialogue social à l’étrange visage

Idées | Livres | publié le : 01.04.2008 | H. G.

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Un dialogue social à l’étrange visage

Crédit photo H. G.

France, l’introuvable dialogue social, Jean-Paul Jacquier. Presses universitaires de Rennes. 172 pages, 14 euros.

Chacun pressent que le syndicalisme français est arrivé à un tournant de son histoire. Les négociations engagées devraient conduire à une modification des règles déterminant sa représentativité. Les stratégies des confédérations connaissent des évolutions qui devraient dessiner une nouvelle géographie des forces syndicales. Du côté patronal, enfin, la crise de l’UIMM ouvre une vraie période de refondation. Mais le livre de Jean-Paul Jacquier tombe à pic pour rappeler que l’exception française en matière de syndicalisme s’inscrit à ce point dans ses gènes qu’elle n’est pas près de disparaître. Ancien membre de la commission exécutive de la CFDT, il souligne que les règles du jeu social ont toujours pris en compte les données de départ caractérisant les relations entre syndicats et patronat plus qu’elles n’ont réellement cherché à les faire évoluer.

C’est cette longue genèse de la négociation collective que retrace d’abord l’ouvrage. À son origine, le dialogue social repose sur trois armes : le tribunal, la grève, l’Inspection du travail. Il connaît un premier temps fort en 1936, avec la signature de plus de 4 500 conventions collectives en moins de deux ans. Le deuxième « état de grâce social » est celui de l’après-guerre, marqué par le vote de la première loi sur la négociation collective en 1947. Troisième étape, Mai 1968, qui inaugure l’« âge d’or de la négociation collective » en France, clos dix ans plus tard par la montée du chômage de masse.

Les trente dernières années furent marquées par l’intervention croissante et massive de l’État. Le nombre de lois sociales, inférieur à 10 par an au début des années 70, atteint les 40 à partir de 1985. La faiblesse des acteurs syndicaux et patronaux n’y est pas pour rien. L’auteur montre la forte hétérogénéité de la représentation et des pratiques patronales, la coupure existant entre patronat et société civile, et leur « confondante versatilité » en matière de stratégie sociale. Du côté syndical, ce n’est guère plus reluisant, l’« hyperpluralisme » syndical se manifestant sur les plans catégoriel, professionnel et idéologique.

On ne sera pas étonné de trouver la même sévérité dans le chapitre consacré à l’État omniprésent qui accentue la centralisation des enjeux sociaux et la déresponsabilisation des partenaires sociaux. Finalement, Jean-Paul Jacquier dresse un remarquable état des lieux d’une construction de l’histoire qui attend un urgent ravalement.

Auteur

  • H. G.