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Les écoles françaises ont la cote à l’étranger

Dossier | publié le : 01.04.2008 | S. G.

Les grandes écoles ont lancé le mouvement. Les universités leur emboîtent le pas : elles ouvrent, elles aussi, des campus à l’étranger. Reconnue dans le monde entier, la formation à la française s’exporte bien.

Aujourd’hui, la véritable richesse n’est pas concrète, elle est abstraite. Elle n’est pas matérielle, elle est immatérielle. La capacité à innover, à créer des concepts et à produire des idées est devenue l’avantage compétitif essentiel. » Les grandes écoles et les universités françaises n’ont pas attendu décembre 2006 et les conclusions du rapport élaboré par la Commission sur l’économie de l’immatériel * pour s’exporter et ouvrir des campus au-delà de nos frontières.

L’ESCP-EAP se présente ainsi depuis des années comme une european business school, avec ses cinq campus, à Paris, Londres, Madrid, Turin et Berlin. L’École centrale de Paris a inauguré, en septembre dernier, son nouveau campus de Beijing. L’EM Lyon a ouvert coup sur coup deux campus à Genève et Shanghai en septembre dernier et s’apprête à s’installer (en septembre 2008) à Dubai. Au total, la Conférence des grandes écoles a recensé une quinzaine d’implantations françaises en Europe, en Afrique du Nord et en Asie. Les universités ne sont pas en reste : l’inauguration de la Sorbonne-Abu Dhabi, en 2006, a déjà fait couler beaucoup d’encre ; l’université Louis-Lumière (Lyon II) s’implantera à la rentrée prochaine, dans le cadre du projet urbain Lyon-Dubai City, aux côtés de l’EM Lyon ; enfin, Paris-Dauphine ouvrira son antenne Dauphine-Tunis à la rentrée 2009.

Après avoir noué des partenariats avec des dizaines d’établissements étrangers, les universités et les grandes écoles ont proposé des doubles diplômes (reconnus par les deux établissements et les deux pays qui les émettent). Elles ont également ouvert des bureaux de représentation à l’étranger pour attirer les meilleurs étudiants, dans leurs MBA notamment, et se sont inscrites dans les principaux réseaux mondiaux d’universités. La création de campus offshore n’est jamais qu’une façon de pousser plus avant cette inexorable logique d’internationalisation. « Ce n’est pas seulement un effet de mode, commente Patrice Houdayer, directeur général délégué de l’EM Lyon. À l’instar de l’économie, les carrières se sont mondialisées : actuellement, près d’un tiers de nos étudiants trouvent leur premier poste à l’étranger. Au cours de leur carrière, ils seront amenés à travailler dans un contexte pluriculturel : ils doivent être capables de s’adapter rapidement. » Ce qui explique pourquoi la plupart des grandes écoles imposent désormais à leurs étudiants de passer au moins un semestre à l’étranger dans le cadre de leur cursus.

Des plates-formes de recrutement. La création ex nihilo d’un campus représente toutefois un investissement bien supérieur à un simple partenariat : « Il s’agit d’opérations infiniment plus lourdes et plus impliquantes que les partenariats classiques, commente Brigitte Porée, chargée de mission pour les relations internationales à la Conférence des grandes écoles. On ne peut donc pas vraiment parler de tendance lourde. » De fait, si l’EM Lyon et l’ESCP-EAP ont véritablement une stratégie « multicampus », la plupart des opérations s’inscrivent dans un contexte géographique ou historique particulier. « L’Anjou a une longue tradition d’échanges commerciaux avec l’Europe centrale en général et la Hongrie en particulier », raconte Catherine Leblanc, directrice générale de l’École supérieure des sciences commerciales d’Angers. Ce qui a conduit l’école de commerce à créer un campus à Budapest dès 1993. « Nous avons limité les investissements grâce à nos partenaires locaux. L’ouverture de notre deuxième campus à Shanghai, en 2006, ne nous a pas coûté trop cher grâce à notre partenaire chinois. Ces deux campus accueillent (durant au moins un semestre) ceux de nos étudiants qui s’intéressent vraiment à ces zones géographiques. Ce sont aussi d’excellentes plates-formes de recrutement d’étudiants étrangers : sur les 200 élèves de Budapest, la moitié n’est pas française. »

Une réplique de la capitale des Gaules. Dans le genre, la genèse de l’implantation à Dubai de deux établissements lyonnais est franchement étonnante : « L’un des plus grands investisseurs des Émirats, qui doit garder un très bon souvenir de ses études à Lyon, a décidé de créer un pôle entièrement consacré à notre ville », explique Patrice Houdayer, de l’EM Lyon. Sur 400 hectares, Lyon-Dubai City sera une miniréplique de la capitale des Gaules, avec ses fleurons culturels : le musée des Tissus, l’institut Louis-Lumière, l’académie Paul Bocuse, l’Olympique lyonnais et, bien entendu, l’EM Lyon et l’université Louis-Lumière. « Dès la rentrée 2008, les étudiants qui souhaitent découvrir les marchés à fort potentiel du golfe Persique pourront passer un semestre sur ce campus, explique Patrice Houdayer. À terme, nous proposerons également un MBA. » L’université Louis-Lumière, quant à elle, mettra à disposition de quelque 300 à 500 étudiants venus du Moyen-Orient, du Golfe ou d’Inde des cursus francophones (licences et masters) dans les domaines de la mode et des études cinématographiques.

Président de la Sorbonne jusqu’à mi-mars, Jean-Robert Pitte ne s’en cache pas : l’inauguration du campus Sorbonne-Abu Dhabi est, pour la vénérable université parisienne, une excellente opération financière : « Abu Dhabi rapporte de l’argent à la Sorbonne mais ne lui coûte rien », explique-t-il bien volontiers. L’université, hébergée dans des locaux provisoires, devrait s’installer à la rentrée 2009 dans de somptueux bâtiments entièrement financés par ses partenaires locaux. Elle facture en revanche ses cursus entièrement en français jusqu’à 20 000 euros pour un master…

Rien à voir avec les campus inaugurés simultanément par l’EM Lyon à Shanghai et à Genève (en septembre 2007) : « Notre implantation à Genève s’inscrit dans une logique territoriale. Vues de Chine, Genève et Lyon sont deux villes voisines qui forment, avec Turin, ce que l’on appelle le “diamant alpin”. Nous y accueillons une soixantaine d’étudiants du monde entier qui viennent à Genève pour suivre un master lié aux grands métiers de cette ville : marketing du luxe, gestion de patrimoine et private banking, sciences du vivant et, enfin, organisations internationales. » Pour attirer les meilleurs étudiants dans ces nouveaux cursus, l’équipe internationale de l’EM Lyon a organisé un véritable roadshow d’une centaine de dates à travers le monde entier ! La création du campus de Shanghai répond à une tout autre logique : « Sur les 600 à 800 étudiants de cette école, au moins 60 % seront des étudiants de l’EM Lyon venus suivre un semestre d’études pour découvrir le management et les techniques de négociations commerciales asiatiques, de Chine, mais aussi du Japon et de l’Inde », poursuit Patrice Houdayer.

Des doubles diplômes dès 1996. Rien à voir, là encore, avec l’histoire de Centrale Pékin : « Convaincus que la Chine s’éveillerait beaucoup plus vite qu’on ne le pensait, nous avons noué des partenariats avec quatre universités locales dès le début des années 90, ce qui nous a permis de proposer des doubles diplômes dès 1996 », se souvient Hervé Biausser, directeur de l’École centrale de Paris et représentant de l’intergroupe des écoles centrales (Lille, Lyon, Marseille et Nantes). Séduits par la qualité des « grandes écoles à la française », les représentants de la prestigieuse université de Beihang ont sollicité Centrale pour créer un véritable campus à Beijing : à ce jour, 120 étudiants chinois suivent un cycle de six ans (trois pour l’équivalent de l’école préparatoire et l’apprentissage du français, puis trois pour le cursus ingénieur entièrement en français). À terme, ils seront un millier par an. « Former 120 étudiants à Beijing coûte dix fois moins cher que de les envoyer en France avec une bourse d’études », explique Hervé Biausser, ajoutant que « ce n’est pas un hasard si les Chinois ont choisi Centrale. La plupart des écoles d’ingénieurs à travers le monde forment d’excellents spécialistes. Mais il faut aussi des ingénieurs polyvalents de très haut niveau, capables de gérer de grands projets multidisciplinaires ». De ce point de vue, le directeur de Centrale Paris ne reçoit que des éloges sur le système français, organisé autour des classes préparatoires et des grandes écoles, « tellement critiqué en France, mais reconnu et apprécié à l’étranger ».

Dans le droit fil du rapport sur l’économie de l’immatériel, le ministère de l’Économie et des Finances commence à entrevoir dans son système éducatif le moyen de dynamiser son commerce extérieur : les écoles de commerce et d’ingénieurs sont désormais éligibles au dispositif d’assurance prospection géré par la Coface. Une façon de sécuriser leurs investissements et d’encourager leur stratégie d’exportation.

Toulouse Business School sur les traces de l’Aéropostale

Alors que les grandes écoles et les universités ne jurent plus que par l’Asie, celle de Toulouse regarde vers le Sud et poursuit sa stratégie d’implantation dans la zone Euro-Méditerranée. Elle ouvre dans les prochains jours un campus flambant neuf dans le cœur historique de Barcelone, à deux pas du Palau de la Musica et de la place de Catalogne.

« Nous sommes présents à Barcelone depuis 1995 grâce à un partenariat avec la chambre de commerce française locale, rappelle Hervé Passeron, le directeur du groupe ESC Toulouse. À l’époque, nous n’étions qu’opérateur pédagogique. Il s’agissait de former des cadres ayant une double culture managériale, française et hispanique. » Aujourd’hui, le campus de Barcelone implose. « Avec près de 200 étudiants, les anciens locaux ne suffisaient plus », indique Olivier Benielli, le directeur du site. Le groupe toulousain a donc investi 1,3 million d’euros pour acquérir et rénover 1 800 mètres carrés d’un ancien commerce de gros de tissus. Le nouveau campus doit accueillir 500 étudiants d’ici à deux ans. La majorité est composée d’étudiants français venus compléter leur formation par un passage à l’étranger. Les autres sont des étudiants recrutés localement ou à l’international. « En Espagne, les étudiants sont très peu et très tardivement préparés à la vie en entreprise. Nous proposons un modèle éducatif alternatif. »

Après l’Espagne, Toulouse vise le Maroc. À la rentrée, l’école ouvrira un bachelor et deux masters spécialisés à Casablanca. Des programmes identiques aux programmes français qui permettront à l’établissement de délivrer son diplôme sur le sol marocain. Une première car, pour le moment, elle est la seule école de commerce à avoir obtenu cette autorisation du ministère de l’Éducation nationale français. « Nous répondons aux besoins croissants de formation sur place. Les Marocains ne veulent plus voir leur élite partir étudier à l’étranger », explique Hervé Passeron. Installé dans un ancien orphelinat, le campus devrait recevoir 250 étudiants marocains d’ici à trois ans.

A.-C. G.

* Rapport Réinventer notre modèle de croissance, de Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet, remis le 6 décembre 2006 à Thierry Breton, ministre de l’Économie et des Finances.

Auteur

  • S. G.

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