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Enquête

L'ETAT-PATRON BAFOUE LES REGLES QU'IL IMPOSE AU PRIVE

Enquête | publié le : 01.02.2000 | Valérie Devillechabrolle, Sandrine Foulon, Frédéric Rey

Temps de travail, retraites, précarité de l'emploi… Si l'État ne cesse de réglementer, il est loin de s'appliquer la même discipline comme employeur. Ce décalage entre discours et réalité n'est pas sans risques. Car, entre secteurs public et privé, la fracture ne peut indéfiniment se développer.

« Qu'il s'agisse d'emplois, d'effectifs, de rémunérations, de mode de gestion des personnels, c'est le règne de la diversité, l'opacité, la complexité, la distorsion permanente entre les textes et la pratique »… Ce piètre employeur, sévèrement épinglé par le premier président de la Cour des comptes, Pierre Joxe, n'est autre que l'État. Ce n'est pas la première fois que la gestion des ressources humaines du premier patron de France est montrée du doigt. Ou que la qualité de son management est remise en cause. Mais jamais la critique n'avait été aussi étayée. Durant trois années, les magistrats de la Rue Cambon ont arpenté les couloirs de cinq grands ministères, constatant bon nombre de pratiques peu orthodoxes. Le résultat est accablant. Comme l'assène le rapport de la Cour des comptes, l'État ne respecte pas ses propres règles. Pis, ainsi que le montre notre enquête, il bafoue allégrement celles qu'il impose aux entreprises privées. Temps de travail, retraites, emploi, hygiène et sécurité… Dans tous ces domaines, l'État légifère, décrète, codifie, ordonne ou interdit. Mais force est de constater qu'il est très loin de s'appliquer la même discipline. « Cela se résume à “faites ce que je dis mais ne faites pas ce que je fais”, s'insurge le directeur des ressources humaines d'une société d'assurances. L'État s'exonère de toute une partie de la réglementation. »

Très sourcilleux sur l'utilisation des contrats précaires dans l'entreprise, l'État-patron se montre fort laxiste dans ses propres administrations. Ferme sur l'application des 35 heures dans le privé, il tergiverse pour les mettre en œuvre dans la fonction publique. Extrêmement rigoureux sur la prévention des risques professionnels dans le secteur concurrentiel, il est d'une grande insouciance pour ses propres agents. Ce décalage entre le discours et la pratique peut s'avérer à double tranchant pour les intéressés. Car, dans ce jeu de dupes, les serviteurs de l'État ne sont pas forcément gagnants. Certes, ils sont pour l'instant miraculeusement épargnés pour ce qui est des retraites : alors que le financement à venir de leurs pensions est au moins aussi compromis que dans le secteur privé, aucune potion amère ne leur a été administrée. Si leurs homologues du privé doivent, depuis 1993, travailler pendant 40 ans pour toucher une retraite à taux plein, eux sont restés à 37,5 années de cotisation. A contrario, les contractuels de l'État ne bénéficient pas de la protection octroyée par le Code du travail aux salariés précaires du privé contre un recours abusif. D'autant que le contrôle de l'Inspection du travail ou du juge prud'homal s'arrête aux portes de l'administration. « Le comportement de l'État est le reflet d'une conception régalienne de sa position au-dessus de tout, où les entreprises sont regardées comme de simples sujets. L'État agit comme s'il était la finalité de toute chose », fulmine un DRH du privé.

Gare à la fracture public-privé !

Car le grand écart persistant entre l'État régalien et l'État employeur finit par exaspérer les dirigeants d'entreprise. « Avec la loi Aubry II, le législateur s'est immiscé dans la vie de l'entreprise jusqu'à réglementer les temps de déshabillage. Il ne faut donc pas s'étonner si, en retour, l'Administration va être particulièrement jugée sur sa capacité à appliquer ses propres décisions dans sa maison », avertit par exemple Paul Schiettecatte, le directeur des ressources humaines du groupe France Télécom. L'État ne pourra indéfiniment se considérer et agir comme un employeur à part. Car il risque alors de creuser encore la fracture existante entre les 15 millions de salariés du privé et les 5 millions d'agents du secteur public. Sans parler du régime à deux vitesses qui s'instaure de plus en plus au sein des administrations entre les fonctionnaires à statut et les laissés-pour-compte, vacataires et autres précaires.

TRAVAIL

Précarité à tous les étages

Haro sur les contrats précaires ! Alors que, dans les entreprises privées, le recours à l'intérim et au CDD est déjà très réglementé, Martine Aubry s'apprête à en remettre une louche. Une loi doit être votée au printemps pour renforcer les droits des salariés concernés et pénaliser les entreprises qui se livreraient à des abus. « Une telle mesure ne manquerait pas de culot, s'emporte le DRH d'un grand groupe de services. L'État est très mal placé pour nous donner des leçons. » Administrations, collectivités locales et entreprises publiques sont en effet loin d'être exemplaires. À côté du noyau dur des fonctionnaires couverts par un statut très protecteur, les uns et les autres emploient une myriade de contractuels, auxiliaires, vacataires, qui, loin de bénéficier des avantages de leurs collègues, travaillent dans des conditions souvent moins enviables que les précaires du privé. Et leur nombre n'est pas négligeable : sur les 5 millions d'agents publics, 1 million ne sont pas fonctionnaires. On les retrouve essentiellement dans les établissements publics (60 % de l'effectif) et les collectivités territoriales (près de 30 %), mais aussi dans la fonction publique d'État, où ils représentent quelque 10 % du personnel. Enfin, un troisième cercle est constitué d'environ 200 000 contrats emploi solidarité (CES).

Des gardiens de musée renouvelés tous les trois mois

L'État s'est pourtant fixé une règle claire : un emploi permanent doit obligatoirement être occupé par un fonctionnaire. Sur le papier, les dérogations sont soumises à trois conditions : l'emploi doit correspondre à un besoin saisonnier ou occasionnel, il doit impliquer un temps incomplet, ou il doit s'agir d'un emploi spécialisé non pourvu par un corps de fonctionnaires. Mais, dans la réalité, ce patron ferme les yeux sur bon nombre de contournements de cette règle. Selon la Cour des comptes, les services préfectoraux, par exemple, comptent 5 % de non-titulaires à des emplois administratifs ou techniques, rémunérés sur le budget de fonctionnement et effectuant des tâches similaires à celles confiées aux fonctionnaires. « Il faut durcir les possibilités de déroger, tant les détournements se multiplient. Nos courriers répétés au ministre n'y font rien », regrette Bernard Lhubert, responsable des fonctionnaires à la CGT. Le cas du ministère de la Culture est significatif de ce développement de la précarité qui prend aujourd'hui différentes formes. Au cours des quinze dernières années, la capitale s'est enrichie de prestigieux établissements : Beaubourg, Orsay, le Grand Louvre, le musée Picasso, la Bibliothèque de France. « Mais les effectifs titulaires n'ont pas suivi cette évolution », souligne Pierre Zinenberg, du syndicat SUD Culture. Pour faire fonctionner ces musées, le ministère fait appel à des non-titulaires non seulement pour des vacations de week-end, mais aussi pour exercer un travail à plein temps. Au début, le ministère renouvelait tous les trois mois les contrats de ce personnel utilisé à la surveillance des œuvres d'art. « En 1994, à la suite d'une grève, une circulaire a décidé d'octroyer des vacations annuelles et non plus trimestrielles à ceux qui avaient plus de dix mois d'ancienneté, raconte Lolita Bouillet, déléguée syndicale de SUD ; le ministère a même inventé à cette occasion le terme de “vacataire permanent”, ce qui est une hérésie pure par rapport au statut de la fonction publique. »

Jacques Toubon, alors aux commandes de la Rue de Valois, lance concomitamment un plan de résorption de la précarité avec l'ouverture de concours réservés afin de ne plus voir se recréer un nouveau stock de vacataires permanents. « L'effet pervers a été immédiat, explique Lolita Bouillet. Toujours à cause du manque d'effectifs, les établissements ont commencé à embaucher de nouveau du personnel occasionnel pour des vacations de trois mois mais, cette fois, non renouvelées. À la fin de cette période, l'agent était remplacé sans droit au chômage. Dix mois plus tard, il était réembauché. » Au printemps 1999, après cinq années de valse des vacataires, une nouvelle grève bloque pendant trois semaines les grands musées parisiens.

Des maîtres auxiliaires remplacés par… des profs vacataires

À l'issue de ce mouvement, un second programme quinquennal a été lancé pour venir à bout du problème. « Le ministère a bricolé un nouveau système pour améliorer la situation de ces vacataires, précise Pierre Zinenberg, mais les ouvertures d'espaces culturels se poursuivent et il n'y a toujours pas assez de créations pures d'emplois publics. » Les efforts de l'État pour réduire le recours aux non-titulaires n'ont jamais atteint leurs objectifs, peut-on lire dans le rapport général de la Commission des finances du Sénat. Si le nombre de ces agents a diminué de 7 % entre 1992 et 1996, il remonte de 4 % en 1997, comblant ainsi plus du tiers du chemin parcouru. Chaque fois que l'État « régularise » des précaires, il crée aussitôt une nouvelle catégorie encore moins bien lotie que la précédente. « La rigidité du statut de la fonction publique et l'absence de courage de l'État font qu'un maximum de contraintes sont supportées par les précaires », constate Jean-Christophe Sciberras, directeur des relations sociales de Renault.

Quelle n'a pas été la surprise de Marc Tourret, professeur d'histoire au lycée d'Évry, de voir à la rentrée arriver des jeunes collègues avec un statut de vacataire ! « Les rectorats n'ont plus la possibilité de faire appel à des maîtres auxiliaires. Alors, pour remplacer les nombreux profs manquants, ils ont inventé les vacataires, souligne cet enseignant. Ces jeunes n'ont le droit de travailler au maximum que deux cents heures dans l'année. Passé ce seuil, ils sont virés. Les plus chanceux pourront éventuellement devenir maîtres auxiliaires non confirmés. » Depuis le mois d'octobre, Antoine remplace ainsi un professeur en congé maladie. Au début du mois de février, il aura atteint son quota fatidique. « Le plus déplorable est que je n'ai toujours pas été payé. Le rectorat ne m'a pour l'instant accordé qu'une avance royale de 4 000 francs. » Mais, pour les contractuels ou les vacataires du secteur public, il n'existe pas d'équivalent de l'Inspection du travail pour régler ce genre de litige. Antoine est à la merci totale de l'administration.

Quitte à être précaire, il vaut encore mieux se trouver dans le privé, où les règles sont plus strictes que dans le public. Le contrat à durée déterminée est au maximum de dix-huit mois dans le privé et de trois ans dans le public. Il ne peut être renouvelé qu'une fois dans le privé, il peut l'être indéfiniment dans le public. Enfin, le salarié du privé perçoit à la fin de son contrat une indemnité de précarité équivalente à 6 % de ses gains bruts, mais rien pour son homologue du public. L'entreprise fraudeuse est susceptible d'être incomparablement sanctionnée par rapport au risque que court l'État employeur. À l'époque où il exerçait la fonction de conseiller administratif au tribunal de Versailles, Jean-Christophe Sciberras avait eu entre les mains le dossier d'une aide-soignante d'un centre hospitalier dans l'Essonne. En trois ans, cette jeune femme avait cumulé plus de 30 CDD. À la suite d'une absence pour cause de maladie, l'hôpital refusa de la réembaucher. Au regard du Code du travail, cette aide-soignante aurait été considérée comme une salariée sous contrat à durée indéterminée. Pas dans le secteur public. Sur les conseils d'un avocat, elle porta l'affaire devant les prud'hommes, lesquels ne sont pourtant pas compétents pour les agents du public. Et ceux-là condamnèrent l'hôpital à lui verser 40 000 francs de dommages et intérêts. Par chance pour le centre hospitalier, l'erreur fut débusquée et l'affaire renvoyée devant le tribunal administratif. Le verdict fut alors sans surprise : aucune faute ne fut reprochée à la direction de l'hôpital. Et la jeune femme perçut en tout et pour tout la somme de 3 000 francs au titre des congés payés. C'est aussi cela le service public.

F. R.

35 HEURES

Plus de deux ans de valse-hésitation

Finie la semaine de 39 heures. Depuis le 1er février, toutes les entreprises de France et de Navarre doivent passer sous la toise des 35 heures légales, hormis les plus petites (celles de moins de 20 salariés) qui ont un répit de deux ans pour s'y préparer. Tout le monde ou presque. Car la réduction du temps de travail, pourtant parée de toutes les vertus par le gouvernement Jospin, n'est toujours pas de mise dans l'Administration. Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'État se fait tirer l'oreille pour engager des négociations avec ses interlocuteurs syndicaux. Depuis le sommet pour l'emploi de 1997, il temporise, tergiverse, bref il joue la montre. Pour finalement promettre l'entrée effective des 35 heures dans l'Administration… au début de l'année 2002, soit deux ans après les entreprises.

« Compte tenu de la grande diversité des situations, l'élaboration de règles transversales aux trois fonctions publiques prend du temps. Le sujet est d'une grande complexité », plaide Gilbert Santel, le directeur général de l'Administration et de la Fonction publique. La réalité est que les pouvoirs publics sont très embarrassés. Même si des gains de productivité sont possibles, les 35 heures contraindront l'État à créer de nouveaux emplois de fonctionnaires, ce qu'il rechigne à faire en raison du niveau actuel des déficits publics et des prélèvements obligatoires. D'où une valse-hésitation qui dure depuis près de deux ans et demi. Au lendemain de la grand-messe pour l'emploi de Matignon, c'était plutôt le flou sur le sort réservé à la fonction publique. « Nous n'avions aucune réponse à nos questions », se souvient Christine Bonnefon, du syndicat Unsa. Seule information distillée à l'époque par le gouvernement : « Les fonctionnaires ne seront pas laissés de côté. » À l'automne 1997, le Conseil supérieur de la fonction publique annonce quelques mesures mais ne pipe mot sur la réduction du temps de travail. Il faudra attendre l'accord salarial conclu en février 1998 pour voir apparaître une clause spécifique stipulant que la fonction publique sera bien concernée par cette mesure, tout comme le secteur privé, mais toujours sans préciser à quelle date.

Pendant que l'État entretient le suspense, les entreprises privées commencent à signer des accords. Après la première loi Aubry adoptée en juin 1998, le ministère de l'Emploi fait pression sur les grands groupes pour venir étoffer le bilan de ses expérimentations. Mais on ne voit toujours rien venir dans le secteur public. Normal, l'État-patron entre à peine dans une phase d'introspection qui va durer un an. C'est d'abord le fameux rapport Roché, remis au Premier ministre en février 1999, qui dresse un état des lieux des pratiques en matière de temps de travail dans le secteur public. Au moins pourrait-on supposer que l'État profite de toute cette longue période pour mijoter un projet permettant d'améliorer le fonctionnement des services publics ? Défendant bec et ongles les 35 heures, Martine Aubry a tellement répété que sa loi serait aussi bénéfique aux entreprises, puisqu'elle leur fournirait l'occasion de remettre à plat l'organisation du travail et de gagner en productivité, qu'on ne voit pas pourquoi ce ne serait pas le cas dans le secteur public. « Nous n'entendons pas nous exonérer de discussions sur notre fonctionnement, sur un décompte annuel du temps de travail ou sur la qualité du service rendu aux usagers », souligne Gilbert Santel, directeur général de l'Administration.

« On peut carrément en douter », rétorque Jean-Christophe Sciberras, responsable des relations sociales de Renault, qui a commencé sa vie professionnelle comme inspecteur du travail. « Face aux pressions syndicales, l'État va finir par lâcher sur quelques ersatz d'organisation, mais il ne faut pas s'attendre que le passage aux 35 heures s'accompagne d'une nette amélioration du service aux usagers. » Même scepticisme chez cet ancien haut fonctionnaire aujourd'hui directeur des ressources humaines d'un grand groupe de services : « Si l'État a savamment retardé le lancement des 35 heures dans sa propre maison c'est parce qu'il est incapable de s'appliquer ce qu'il demande aux entreprises privées. Sa gestion administrative du personnel et son mode d'organisation n'ont globalement pas changé en dépit des incantations à la modernisation de ses services. » Outre des régimes de temps de travail disparates, le rapport Roché a mis en évidence une absence de réflexion sur l'organisation du travail. À la disparité des temps de travail s'ajoute une grande opacité et une complexité extraordinaire de la gestion des agents, comme l'a rappelé le sulfureux rapport de la Cour des comptes.

Contrairement à n'importe quel employeur privé, l'État ne connaît avec précision ni le nombre de ses fonctionnaires ni leur position statutaire. Certes, la gestion d'une machine employant 5 millions d'actifs peut révéler quelques lacunes. Mais même au plus près du terrain les constats sont alarmants. « Je suis incapable de pouvoir dire jour après jour qui travaille dans mon établissement », souligne, quelque peu désabusé, le responsable des ressources humaines d'un centre hospitalo-universitaire employant 4 000 personnes dans les Pays de la Loire. « Notre système kafkaïen veut que nous gérions uniquement la population des absents, mais pas le personnel présent. De plus, poursuit ce cadre, nous n'avons aucune information du ministère, aucune connaissance sur l'organisation des services, sur le temps de travail des médecins et sur l'impact des 35 heures. Cela promet d'être le plus grand bazar. »

Face à la grogne des hôpitaux et aux menaces de grève générale, Martine Aubry a néanmoins été contrainte de déminer la situation, en ouvrant rapidement le chantier de la réduction du temps de travail pour les 850 000 agents hospitaliers.

F. R.

FINS DE CARRIÈRE

L'Etat abuse des mesures d'âge

Prompts à fermer le robinet des préretraites ou à prendre des mesures drastiques pour s'attaquer au déficit du régime général des retraites des salariés, les gouvernements – de droite comme de gauche – tergiversent quand il s'agit de faire boire la même potion à leur propres agents. Édouard Balladur avait ainsi décidé, en 1993, d'allonger progressivement à 40 ans la durée de cotisation d'assurance vieillesse des salariés… tout en laissant inchangée, à 37,5 ans, celle des fonctionnaires. En 1999, rebelote. Alors que le rapport commandé à Jean-Michel Charpin, commissaire au Plan, prônait un allongement à 42 ans de la durée de cotisation des régimes publics et privés (compte tenu des perspectives de déficit comparables à moyen terme, autour de 135 milliards de francs d'ici à 2020, selon les scénarios retenus), le gouvernement de Lionel Jospin est tenté de louvoyer. Le rapport Teulade du Conseil économique et social lui suggère même, plutôt que de demander quelques efforts aux fonctionnaires, de desserrer un peu la rigueur de la réforme Balladur sur les retraites des salariés du privé…

L'État est d'autant plus gêné pour imposer un tour de vis aux fonctionnaires qu'il n'a, pour sa part, jamais cessé de satisfaire leurs diverses revendications catégorielles en matière de retraite anticipée. Dernier exemple en date : les sapeurs-pompiers. Ballottés depuis 1996 par la « départementalisation » de leur filière, en proie à un profond malaise, ils réclamaient depuis l'automne, outre une harmonisation de leur temps de travail et une refonte de leur grille de rémunérations, le classement de leur profession en catégorie « insalubre et dangereuse ». Classement synonyme d'un nouvel abaissement de l'âge de départ en retraite. Au bout de trois mois de conflit et alors que les discussions ont à peine commencé sur leurs deux autres revendications, les pompiers ont déjà obtenu partiellement satisfaction quant à leurs conditions de départ. Grâce à la création d'un nouveau « congé d'inaptitude professionnelle », ils auront – sous réserve d'un avis médical favorable et d'avoir effectué vingt-cinq années de service – la possibilité de cesser leur activité dès l'âge de 50 ans. « Sans pour autant en faire une condition de départ automatique, il fallait reconnaître le fait que l'exercice du métier devenait de plus en plus délicat à partir de cet âge-là », se défend-on au ministère de l'Intérieur.

Près de 50 % des fonctionnaires civils partent avant 60 ans

Assurément, en contrepartie de tous ces départs dérogatoires, il y a toujours une bonne raison… « statutaire », comme on le précise au ministère de la Fonction publique. Qu'il s'agisse de la suppression du droit de grève des uns, de l'éloignement du territoire, de la sujétion des horaires ou encore de la pénibilité du travail des autres. Mais, à force d'avoir généreusement distribué ces avantages aux policiers, aux instituteurs, aux fonctionnaires d'outre-mer, aux agents des centres de tri postal, aux infirmiers ou encore aux gardiens de prison, près de la moitié des fonctionnaires civils de l'État (47,8 % en 1996) en arrivent aujourd'hui à liquider leur retraite avant 60 ans. Quant aux militaires, les deux tiers s'en vont à moins de 50 ans, la moitié à moins de 45 ans, précise encore le rapport Charpin.

Et l'État n'a rien à envier non plus au secteur privé en ce qui concerne les autres dispositifs de départ anticipé. Exemple : les mesures d'âge, concoctées pour gérer à la fois la professionnalisation des armées et la restructuration des industries de défense. Alors que, dans le privé, le bénéfice des préretraites FNE n'est accordé qu'aux salariés licenciés âgés d'au moins 57 ans, le gouvernement Juppé a largement ouvert en 1996 le guichet des départs : dès 55 ans dans les armées et à 52 ans pour les ouvriers du Giat et des arsenaux. « Il fallait faire vite pour accélérer la modernisation des armées au rythme de leurs homologues européennes », expliquait-on à l'époque au ministère de la Défense. Soit ! En attendant, alors que le montant de l'allocation FNE est, pour les préretraités du privé, égal à 65 % de leur ancien salaire, ces mesures d'âge garantissent, pour les ouvriers du public, 100 % de leur ancien traitement.

Enfin, les gouvernements n'ont pas été en reste pour emboîter le pas aux partenaires sociaux, inventeurs en 1995 de l'Arpe, le dispositif de préretraite contre embauche. Bâti sur le même modèle, le congé de fin d'activité (CFA) a en effet vu le jour dès 1996 dans la fonction publique. À une différence près : là où l'Arpe exige 40 années de cotisation de ses futurs bénéficiaires, le CFA se contente de 37,5 ans. De plus, alors que le Medef s'interroge encore sur la reconduction d'un dispositif jugé « coûteux » au-delà du 1er juillet prochain, le gouvernement a déjà prorogé le sien d'un an.

Quelle que soit sa forme, la facture de l'ensemble de ces dispositifs publics de cessation anticipée d'activité est au moins aussi salée que celle du privé. Voire plus. Car, pour permettre à ses fonctionnaires « actifs » de bénéficier d'une pension convenable sans avoir à cotiser 37,5 ans, l'État leur a souvent accordé des bonifications de durée d'assurance, autrement dit des années de cotisation quasi « gratuites » : cinq ans en moyenne. Conséquence, en matière de cotisation, le taux d'effort (largement supporté par l'État) s'élève à plus de 51 % dans la fonction publique, alors qu'il se limite à 27 %, par exemple, pour un salarié affilié au régime général et à l'Arrco. Ensuite, les fondements de ces avantages, coulés dans le marbre du statut et dont certains remontent aux années 50, n'ont jamais été remis à jour. « Sous peine d'ouvrir la boîte de Pandore », assure un syndicaliste.

Prenant conscience des déséquilibres ainsi générés, les pouvoirs publics s'efforcent aujourd'hui de remettre, ici ou là, « un peu de rationalité ». Ainsi, au ministère de l'Éducation nationale, les nouveaux professeurs des écoles ont troqué l'avantage retraite des instituteurs contre une meilleure rémunération d'activité. Autre exemple : dans la police, où les premières générations du baby-boom atteignent désormais l'âge de la retraite. « L'explosion du nombre de départs à 50 ans commençant à poser de sérieux problèmes de recrutement et de formation, la Direction de la police nationale a entamé des discussions avec les syndicats sur les moyens d'inciter les policiers à attendre 55 ans pour partir », explique René Espanol, du syndicat Unsa Police.

Des recrutements à des âges plus avancés pour retarder les départs !

De la même façon, le ministère de la Défense a, depuis un an, restreint les mesures d'âge dans les armées aux seuls établissements encore excédentaires, tandis qu'il s'est engagé à ne pas reconduire le dispositif dans les arsenaux au-delà de l'année 2000. « Nous avons pris conscience de l'effet ravageur de ces départs sur la destruction des compétences et sur la désorganisation de la production de certaines unités », reconnaît-on au cabinet du ministre de la Défense, Alain Richard.

Enfin, on commence aussi à parier sur l'âge de recrutement plus tardif des futures générations de retraités de manière à inciter ces derniers à retarder « naturellement » leur départ. Cela suffira-t-il à garantir la pérennité des retraites des fonctionnaires ? Il ne faut pas rêver…

V. D.

HYGIÈNE ET SÉCURITÉ

Des agents bien peu protégés

Un médecin du travail pour 3 000 salariés du privé, un médecin de prévention pour 17 000 fonctionnaires de l'Éducation nationale. Pas de quoi pavoiser. Alors que les entreprises sont légalement contraintes de faire passer à l'ensemble de leurs salariés au moins une visite médicale par an, cette obligation est élargie à cinq ans pour les agents de l'État. « Un véritable point noir », reconnaît-on au ministère de la Fonction publique. Bon nombre de ministères ne parviennent pas à décrocher les budgets pour recruter des médecins du travail, déjà introuvables. Et peu enclins à travailler pour des administrations bien en peine de les attirer. Les rémunérations proposées affichent près de 50 % de rabais par rapport au privé et le statut n'est guère alléchant : ni fonctionnaires titulaires ni même contractuels avec un CDI, les médecins de prévention sont de simples vacataires. Un statut que le ministère de la Fonction publique voudrait bien voir évoluer. Chargée d'enquêter sur la médecine de prévention, l'Inspection générale des affaires sociales devrait rendre un rapport au printemps.

Un inspecteur pour 10 000 agents

Le dossier de l'hygiène et de la sécurité n'est pas prioritaire. Malgré quelques tentatives louables pour le faire avancer. En 1994, la Direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) signe avec les syndicats un protocole d'accord sur l'hygiène, la sécurité et la médecine de prévention. Cet engagement – transformé en décret l'année suivante – vise surtout à dépoussiérer un décret de 1982 pétri de bonnes intentions, mais resté lettre morte. L'objectif est également de combler le retard sur les entreprises privées qui, depuis les années 70, sont soumises à un bloc législatif et réglementaire largement influencé par le droit communautaire, très soucieux des questions d'hygiène et de sécurité. Rattrapés par Bruxelles, les pouvoirs publics se devaient aussi d'harmoniser les politiques d'un ministère à l'autre. L'Équipement ou la Défense, par nature plus sensibles aux problèmes de sécurité, ont toujours été plus en pointe que l'Éducation nationale ou la Culture…

« Depuis six ans, la mise en place de comités d'hygiène et de sécurité (CHS) dans les services déconcentrés a été systématisée, plaide Michel Delpech, chef du bureau des affaires sociales à la DGAFP. Ces CHS comptent des agents chargés de la mise en œuvre des règles d'hygiène et de sécurité. Les contrôles sur le terrain ont également été renforcés avec la création d'un réseau d'inspecteurs de l'hygiène et de la sécurité (IHS). » Un corps de près de 200 personnes pour plus de 2 millions d'agents de l'État ! L'initiative vient de faire école dans la fonction publique territoriale. À la nuance près que l'influence des IHS risque d'y être encore plus limitée que dans la fonction publique d'État. Sans réel pouvoir de sanction – à la différence des inspecteurs du travail, qui dressent des procès-verbaux aux entreprises privées –, au moins les inspecteurs de l'hygiène et de la sécurité de l'État sont-ils rattachés à l'inspection générale de leur ministère, chargée de répercuter leur rapport et de prendre les mesures ad hoc. Alors que la fonction publique territoriale va s'auto-contrôler. « On voit mal un maire se sanctionner lui-même », observe un inspecteur du travail.

Autre progrès, la création en 1995 d'un Observatoire de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur. Cette instance indépendante rend chaque année un rapport très attendu par le ministère de l'Éducation nationale, mais aussi par le grand public. Ses recommandations ne restent pas sans effet même si, malgré des avis défavorables, 8 % des internats en structure métallique sont toujours en état de fonctionnement. Quant aux établissements Pailleron, sur les 33 encore en activité, 10 n'ont pas été reconstruits. Le rapport ne cesse de pointer les dysfonctionnements : du risque incendie à la mise en conformité des machines-outils et des équipements sportifs jusqu'au désamiantage. Sur ce dernier point, le secteur public est loin de montrer l'exemple. « L'État a une double responsabilité, comme chef d'entreprise et comme régulateur, constate Jean-Paul Teissonnière, avocat de l'Association nationale des victimes de l'amiante (Andeva). À aucun moment il n'a assumé son rôle ni pris les mesures de prévention nécessaires. »

En juillet dernier, l'avocat a obtenu 1 million de francs pour la famille d'un mécanicien de la Marine nationale. Victime d'un cancer de la plèvre, il travaillait sur des bâtiments de guerre truffés d'amiante. Un exemple parmi les 1 000 procédures en cours. « La SNCF, qui compte à elle seule 25 dossiers, ne reconnaît pas les affections liées à l'amiante comme maladies professionnelles. Pourtant, pendant des années, les ouvriers chargés de changer les chaudières devaient, sans aucune protection, casser une croûte d'amiante d'une centaine de kilos localisée dans les “nez” des machines à vapeur », poursuit l'avocat. Autant de carences et de laxisme qui pourraient déboucher, cette année ou en 2001, sur un grand procès de l'amiante, avec un nombre important de prévenus. « Les directeurs d'usine ne seront pas les seuls à être mis en cause, pronostique Jean-Paul Teissonnière. Des ministres, des médecins et des inspecteurs du travail auront également à répondre aux victimes et à leurs familles. » Après le scandale du sang contaminé, celui de l'amiante ?

S. F.

RECRUTEMENT

Pas d'étrangers, même à la SNCF

Pas question pour les entreprises privées de fermer leurs portes aux salariés d'origine étrangère. Le Code du travail interdit toute discrimination à l'embauche. En vertu de l'article L. 122-45, un salarié ne peut être ni sanctionné ni licencié du fait de son origine. Et l'État veille au grain. Dans ses administrations, en revanche, il pratique sans état d'âme la préférence nationale. Les étrangers non communautaires ont interdiction de travailler dans ses services, à l'exception de l'enseignement supérieur et de la recherche. Résultat, selon le rapport « Immigration, emploi et chômage » de l'association Connaissance de l'emploi, des revenus et des coûts (Cerc), les étrangers occupent 1,7 % des emplois de la fonction publique alors qu'ils représentent 5,5 % des salariés. « On peut concevoir que la fonction publique régalienne (comme la police, l'armée, la magistrature, les douanes et les impôts, soit moins de 750 000 fonctionnaires, NDLR) soit exercée par des Français, souligne Danièle Lochak, professeur de droit et présidente du Groupe d'information et de soutien des immigrés (Gisti). En revanche, il est beaucoup plus contestable de refuser aux étrangers un emploi de cheminot à la SNCF ou de gazier chez GDF. »

Payés 40 % de moins que les Français

Grief supplémentaire, lorsqu'ils travaillent dans le public, les étrangers ne sont pas logés à la même enseigne que leurs collègues français. Les 7 000 à 8 000 médecins étrangers qui font tourner les hôpitaux français en savent quelque chose. Ces praticiens non communautaires représentent près du quart des effectifs des médecins hospitaliers. Véritables bouche-trous affectés dans des services désertés par les nationaux, payés 40 % moins cher que leurs confrères français, ils ne peuvent en revanche exercer ailleurs qu'à l'hôpital. Des anciens FFI (faisant fonction d'interne) aux PAC (praticiens adjoints contractuels, apparus en 1995), ils n'ont cessé, depuis près de quinze ans, de voir leur statut évoluer. Pour exercer en France, une loi de 1933 impose deux conditions indispensables : être de nationalité française (ce qu'arrivent à obtenir les médecins étrangers), mais aussi posséder la plénitude d'exercice de la médecine, c'est-à-dire être titulaire d'un diplôme français et être inscrit à l'ordre des médecins. Or c'est là que le bât blesse. « Un État peut se protéger mais pas tenir un double discours », souligne Jamil Amhis, chirurgien pédiatre, Français d'origine algérienne et secrétaire adjoint du Syndicat national des PAC (SNPAC) créé en 1996 pour défendre les droits des praticiens non communautaires. « Aux États-Unis, les médecins étrangers doivent passer un concours. Ensuite, ils sont libres d'exercer où ils veulent. Ici, on fait du mauvais protectionnisme. On multiplie statuts et filières. On ne reconnaît pas nos diplômes mais on nous fait travailler. Nous ne nous sommes jamais placés sur le terrain du racisme mais sur celui des compétences. Si la fonction publique hospitalière ne nous trouve pas à la hauteur, qu'elle ait le courage de nous virer. Ce serait irresponsable de confier la garde d'un service à quelqu'un en qui on n'a pas confiance. »

Souvent interpellé à ce sujet, le gouvernement vient tout de même de réagir. Fin décembre, le SNPAC a obtenu de la secrétaire d'État à la Santé, Dominique Gillot, et de la ministre de l'Emploi, Martine Aubry, un engagement qui permet aux médecins étrangers l'inscription automatique au tableau général de l'ordre des médecins après trois ans en tant que PAC ou six ans d'exercice hospitalier. « Une victoire colossale, s'enthousiasme Jamil Amhis. Ces médecins vont pouvoir passer le concours de praticien hospitalier ou s'installer en libéral en tant que généraliste. Mais le problème se corse pour les spécialistes, qui constituent le gros des troupes. Pour s'installer, ils doivent obtenir une qualification délivrée par l'ordre des médecins. Et là, ça bloque encore. »

Devant les nombreux rapports dénonçant la préférence nationale dans la fonction publique, en particulier celui du conseiller d'État Jean-Michel Belorgey sur les discriminations au travail, commandé par Martine Aubry et rendu public en mars dernier, l'État s'est engagé à passer au crible les pratiques et les règles en vigueur dans ses administrations. Et il est de plus en plus sollicité pour montrer l'exemple. « De 1993 à 1997, pendant les années noires de l'immigration, au plus fort des lois Pasqua, le discours protectionniste notamment véhiculé par le FN a marqué les esprits de tous bords », analyse Serge Slama qui vient de publier La Fin de l'étudiant étranger (éd. L'Harmattan) et qui rédige une thèse sur l'accès des étrangers à la fonction publique. « Aujourd'hui, avec le retour de la croissance, le ton change. La question de l'accès à l'emploi des étrangers revient sur le tapis. Et il est certain qu'une ouverture de l'État aurait valeur d'entraînement pour le secteur privé. » Les bonnes intentions seront-elles suivies d'effet ? « Dans son rapport, Jean-Michel Belorgey préconisait la création d'une autorité administrative indépendante qui pourrait recevoir et instruire des réclamations sur les cas de discrimination et saisir les autorités compétentes. Cette proposition n'a pas été retenue. À la place, un Observatoire des discriminations a vu le jour. Avec une mission limitée aux études, il aura beaucoup moins de poids », note Danièle Lochak. Les adeptes du protectionnisme n'ont pas trop de soucis à se faire.

S. F.

Les fonds de pension ? Oui, mais seulement pour les fonctionnaires

Encore un paradoxe de l'État. Depuis plus de dix ans, les pouvoirs publics tergiversent sur le recours à la capitalisation pour compléter les revenus des retraites de 15 millions de salariés du privé. Pourtant l'État a été en France le pionnier de ces fonds de retraite pour ses fonctionnaires. C'est la Préfon, créée en 1967 sous forme d'association par les syndicats CFDT, CFTC, FO et CGC de la fonction publique. Ce régime facultatif a été institué pour pallier l'inconvénient de l'absence de prise en compte des primes dans le calcul des retraites. Toutes les sommes qui y sont versées sont déductibles du revenu brut imposable avant les abattements de 10 et de 20 %. Pour en bénéficier, il suffit d'avoir travaillé quelques jours dans le public. Mais l'inscription peut aussi s'étendre au conjoint. Au cas où le fonctionnaire quitterait l'Administration pour un poste du privé, il ne perd pas son droit à souscrire à la Préfon. Avec les rémunérations généralement plus alléchantes du privé, l'affaire devient très intéressante. Toutefois, ce système ne profite aujourd'hui qu'à 220 000 fonctionnaires qui disposent de revenus suffisants pour y souscrire.

Mais ce n'est pas la seule catégorie de privilégiés. Il existe d'autres fonds de pension, comme Fonpel et Carel, créés en 1993 et réservés aux élus locaux.

L'insertion des handicapés au bon vouloir de l'État

Depuis une loi de 1987 les entreprises sont assujetties à l'obligation de réserver 6 % de leurs emplois à des personnes handicapées ou, à défaut, de verser une cotisation à l'Agefiph, un fonds de solidarité. Le taux réel dans le privé se stabilise aujourd'hui à 4 %. C'est toujours mieux que l'État, dont le taux d'insertion des handicapés ne dépasse pas en moyenne 3 % dans les trois fonctions publiques. « L'État ne joue pas son rôle de pilote et est bien loin de montrer l'exemple », regrette Bernard Lhubert, responsable de la fonction publique à la CGT. Au nom du principe que l'État ne peut se pénaliser lui-même, il n'existe aucune obligation, mais tout au plus un engagement à appliquer cette mesure. Ainsi, contrairement aux entreprises, il n'est pas du tout obligé de cotiser à l'Agefiph. Conséquence : « Le secteur public n'a que très minoritairement participé à l'effort d'insertion des personnes handicapées, souligne le sociologue Alain Blanc, du Centre des représentations et pratiques culturelles à l'université Pierre-Mendès-France de Grenoble. Ce maigre résultat a créé un effet de ségrégation en rejetant les bénéficiaires vers le privé. » F. R.

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle, Sandrine Foulon, Frédéric Rey