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Le jackpot à portée de tous ?

Dossier | publié le : 01.02.2000 | S.S.-A.

Réservées à l'origine aux cadres dirigeants et aux salariés des start-up, les stock-options commencent à se généraliser dans les entreprises, qui en ont fait un outil de rémunération et de motivation. Les salariés y prennent vite goût !

Il y a trois ans, coup de fil du directeur général de Pierre, cadre supérieur dans la banque. « Vos résultats de l'an dernier ont été excellents. Nous vous donnons 650 stock-options. » Pierre se trouve aujourd'hui à la tête d'un joli pactole potentiel. « Si le cours de la Bourse se maintient à son niveau actuel, dans deux ans, en levant mes actions, je ferai une plus-value de 500 000 francs. Ça donne à réfléchir, en cas de départ. » Ce qui l'a davantage dérangé, c'est la recommandation de son supérieur de n'en parler à personne, « pas même à sa hiérarchie directe ». « Ce manque de transparence crée un mauvais climat, tous les ans, au moment de la distribution des stock-options. Nous devons être seulement quelques centaines à en bénéficier sur un effectif de 30 000 personnes. »

Ce cas illustre l'ambiguïté qui règne encore en France autour des stock-options. Un système qui reste tabou, élitiste, obscur, conçu essentiellement pour retenir les meilleurs éléments de l'entreprise en augmentant leur rémunération tout en contournant l'imposition. Un effet de levier que la France a découvert avec l'« affaire Jaffré » au cours de l'été dernier. À l'issue de la bataille boursière avec Total dont il est sorti perdant, Philippe Jaffré, patron d'Elf, est parti avec un matelas estimé entre 150 et 180 millions de francs en stock-options. Pour quelques années seulement passées à la tête de l'entreprise…

La démesure du jackpot a suscité une vive émotion dans l'opinion et une réaction immédiate des parlementaires. Ceux de la majorité plurielle ont voulu relever la fiscalité sur les stock-options. Mais il se trouve beaucoup de partisans, y compris au sein du gouvernement, d'une généralisation de ces « options sur achat », comme on les appelle en France, apparues dans les années 50 aux États-Unis. Introduits chez nous par la loi de décembre 70 et développés depuis les années 80, les plans d'option sur achat (POA) ont été conçus à l'origine comme un moyen d'attirer et de retenir des effectifs qualifiés dans de jeunes entreprises en croissance qui proposent des bas salaires, mais offrent des perspectives de plus-values à moyen terme.

Salariés et millionnaires

Exemple : chez Open, SSII créée il y a dix ans (600 millions de chiffre d'affaires en 1999) spécialisée dans l'informatique de gestion d'entreprise, 38 % des 250 salariés bénéficient de stock-options. « Nous menons une politique de distribution très généreuse et régulière. Elle a commencé avec l'introduction en Bourse il y a dix-huit mois. Nous souhaitons lancer des plans deux fois par an », explique Guy Mamou-Mani, directeur général d'Open. Dans cette SSII, la population « éligible » va des cadres dirigeants et ingénieurs aux assistantes « qui auraient particulièrement bien fait leur travail » ou aux commerciaux « atteignant leurs objectifs plusieurs années de suite ».Une récompense au mérite, en quelque sorte. « Les salaires sont assez encadrés. Il n'y a pas beaucoup de marge de manœuvre. Alors qu'avec les stock-options vous avez davantage de liberté », ajoute le directeur général. Formé à l'école américaine, il estime que les POA sont faits pour que « les salariés s'approprient leur entreprise et y restent fidèles ». Mais aussi pour leur enrichissement à terme. « Je veux que mes salariés soient millionnaires. »

Dans les années à venir, les options d'achat devraient se développer et sortir de l'obscurité, à l'instar d'Alcatel et de Vivendi qui viennent de proposer une stock-option à chaque salarié. En mars 1999, la Dares constatait qu'une entreprise cotée sur deux en propose, et une sur trois de façon régulière. Mais, selon une estimation du magazine L'Expansion en septembre 1999, « 28 000 supercadres » profiteraient de POA, soit 1 % seulement des salariés des sociétés du CAC 40. Bien que toujours réservée à des happy few, la distribution s'élargit. Chez TotalFina, par exemple, le nombre de bénéficiaires augmente d'année en année. « Depuis cinq ans nous lançons un plan environ tous les quinze mois », témoigne Pierre Proust, conseiller du Président. « Aujourd'hui, près de 2 200 collaborateurs présents en possèdent. C'est un moyen de les fidéliser et de leur faire partager le risque de l'entreprise. » Selon la Dares, seules 15 % des entreprises qui attribuent des options d'achat le font à l'ensemble de leurs salariés, contre 53 % aux États-Unis. C'est le cas de Genset, leader européen de la génomique, qui, depuis 1999, en offre à tout son personnel. À raison de 100 stock-options au minimum pour un an d'ancienneté et de 200 pour deux ans. « Ça peut aller jusqu'à quelques milliers pour les directeurs ou les chercheurs clés », précise Catherine Faure-Cachard, la DRH. Mais quelle énergie dépensée pour faire comprendre leur fonctionnement au personnel !

Auteur

  • S.S.-A.