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Tableau de bord

Faut-il conditionner les allégements de charges sociales ?

Tableau de bord | publié le : 01.12.2007 |

Xavier Timbeau Directeur du département analyse et prévision de l’OFCE

Plus de 71 branches sur 160 (30 % des salariés couverts) ont une convention collective dont le plancher de la grille salariale est au-dessous du smic. Cela ne veut pas dire que les salariés sont moins payés que le smic. Cela veut dire que, pendant leurs premières années, leur salaire est égal au smic et qu’ils n’ont aucune augmentation assurée par le jeu de la grille. Parce qu’elles n’ont pas été actualisées depuis fort longtemps, ces grilles n’encadrent pas les négociations salariales, et le smic joue le rôle d’une voiture balai aveugle. En calculant les baisses de charges sur les minima des branches, au lieu du smic, on réduirait ces aides sans toucher aux salaires perçus. En effet, les allégements de charges sont d’autant plus faibles que le salaire est supérieur au minimum. Lorsque le calcul est fait en fonction du smic, le taux de charges est minimal sur un salaire au smic. Dans l’alternative, le montant des charges serait au plus bas lorsque le salarié reçoit le minimum de la branche. Si personne n’est au minimum, personne n’aura d’allégement. Voilà une formidable incitation à renégocier chaque année des grilles. Cela éclaircirait les perspectives salariales de tous en réintroduisant un levier pour les entreprises afin d’accroître la motivation.

François Legendre Chercheur au Centre d’études de l’emploi (CEE)

Les allégements de charges sociales patronales sont la conséquence, d’une part, d’un niveau plutôt élevé en France du taux horaire du salaire minimum et, d’autre part, d’un financement de la protection sociale assuré en grande partie par des cotisations sociales. Ces allégements rendent le prélèvement social progressif ; ils permettent de soutenir l’emploi peu qualifié sans que soient remis en cause les droits sociaux des bas salaires. En l’absence de perspectives d’une réforme du financement de la protection sociale, il faut pérenniser ces allégements qui rendent compatibles un niveau (relativement) élevé des bas salaires et un coût (relativement) modéré du travail peu qualifié. La proposition de conditionner les allégements de charges est malvenue puisqu’elle va, inévitablement, faire douter de la pérennité de ce dispositif. C’est le contraire dont nous aurions besoin : stabiliser définitivement le système en lui faisant prendre la forme d’un allégement universel dont le montant, par heure travaillée, serait forfaitaire. C’est bien sous la forme d’une franchise forfaitaire que l’atelier « marché du travail » des travaux préparatoires au XIe Plan avait, en 1993, proposé pour la première fois une franchise de cotisations sociales employeurs.

Arnaud Cheron Professeur de sciences économiques, directeur de recherche à l’Edhec

Le budget consacré aux allégements de charges sur les bas salaires atteint aujourd’hui près de 30 milliards d’euros, le double du coût estimé pour le « paquet fiscal ». Le bilan en matière d’emplois prête peu à contestation : les allégements de charges ont permis sinon de créer de nouveaux emplois, du moins de limiter très significativement les destructions de postes de travail peu qualifié. Le revers de la médaille concerne les salaires : le système, qui prévoie des allégements dégressifs jusqu’à 1,6 smic, s’est véritablement avérer opérant et a conduit les entreprises à privilégier des emplois peu rémunérés à faible productivité. Faut-il pour autant rebrousser chemin et conditionner les exonérations ? Si ce conditionnement porte sur l’engagement à revoir les salaires à la hausse, il est inévitablement à craindre des effets néfastes sur l’emploi. Une alternative consiste à rééquilibrer les allégements de charges (moindre dégressivité des aides), voire à élargir l’intervalle des salaires éligibles, et donc le potentiel d’emplois concernés, quitte à limiter l’ampleur des allégements individuellement proposés. Pour l’heure, aucune mesure concrète n’a finalement été proposée, même si un « cycle de travail » est amorcé.

Pour en savoir plus

COE, Rapport au Premier ministre relatif aux aides publiques, février 2006. www.coe.gouv.fr

CEE, Connaissance de l’emploi n° 25, janvier 2006. www.cee-recherche.fr.

Insee, document de travail Allégements de cotisations patronales et dynamique salariale, 2007. www.insee.fr

Acoss « Stat » n° 46, les exonérations de charges sociales patronales 2005, janv. 2007. www.acoss.fr.

DGTPE, Allégements de cotisations sociales patronales sur les bas salaires, 2005 www.finances.gouv.fr