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Idées

Quel mode de financement pour le syndicalisme ?

Idées | Débat | publié le : 01.12.2007 |

En janvier prochain, les partenaires sociaux ouvriront une délibération sociale qui abordera notamment la question brûlante du financement syndical. Par qui les syndicats doivent-ils être financés ? Par leurs adhérents ? Par des financements publics ? Par les entreprises ? Les réponses du DRH du groupe Axa qui recourt depuis une dizaine d’années au chèque syndical, d’un chercheur de l’Ires et d’un ancien responsable national de la CFDT.

Serge Morelli DRH d’Axa France

“Le chèque syndical participe à la qualité du dialogue social dans l’entreprise”

En relation avec les partenaires sociaux, Claude Bébéar a créé en 1990 le « bon de financement syndical », un système de participation des entreprises du groupe Axa au financement des organisations syndicales. Les règles régissant sa mise en place sont actuellement fondées sur un accord-cadre collectif du 15 décembre 2006 portant plus largement sur le droit syndical. Cet accord, à durée indéterminée, est décliné dans les 16 entreprises du groupe, chacune ayant la charge d’en préciser les modalités locales. Ce dispositif mis en œuvre annuellement contribue au bon fonctionnement des organisations syndicales et de la représentation du personnel et participe à la qualité du dialogue social dans chaque entreprise. Il permet en effet aux syndicats de disposer des moyens matériels nécessaires à leur action (déplacements des représentants, acquisition de matériels, notamment informatiques, financement des tracts aux salariés) et a pour objet de renforcer l’information et la formation de leurs représentants.

Le principe de transparence est une condition essentielle du dispositif, illustré par l’information des organisations syndicales sur l’utilisation effective des fonds collectés. Concrètement, chaque entreprise adresse aux salariés (21 600 en 2007) une lettre-bon précisant les résultats de la précédente collecte et les modalités d’exercice. Pendant les six semaines que dure la collecte, chaque salarié a la liberté de remettre ou non le bon à l’organisation syndicale de son choix parmi celles qui sont éligibles, donc disposant d’un délégué syndical. Le salarié a aussi la possibilité de remettre le bon de façon anonyme ou d’inscrire ses coordonnées sur un coupon conservé par l’organisation syndicale. Le taux de retour des salariés est de 55 % en moyenne. En 2007, la valeur nominale du bon pour les cadres est de 49,60 euros et de 41,60 euros pour les non-cadres. Le montant global distribué est ainsi de plus de 560 000 euros. Sur les six organisations syndicales présentes dans le groupe Axa (CFDT, CFTC, CFE-CGC, CGT, UDPA-Unsa et CGT-FO), seule cette dernière refuse le dispositif sous couvert d’indépendance.

Pour la direction d’Axa, le bon de financement syndical représente un engagement majeur de la politique sociale du groupe. Concernant un éventuel projet de loi sur le financement syndical, Axa France est favorable à toutes les initiatives qui favoriseront la transparence, point clé d’un bon dialogue dans l’entreprise.

Christian Dufour Directeur adjoint de l’Ires

«Le financement des syndicats incombe un peu partout aux adhésions”

Dans la plupart des pays, le financement des structures syndicales relève essentiellement de la collecte des adhésions. Des structures parentes offrent aussi des aides indirectes. On connaît peu ou pas, hors des frontières françaises, les mises à disposition ou les financements venant de l’État ou de fonctions paraétatiques. Les structures nationales, confédérations ou fédérations, gèrent souvent des caisses de grève (Belgique, Autriche, Allemagne, Espagne). Ces réserves peuvent dégager des ressources propres substantielles, difficiles à estimer dans la part des finances disponibles. Dans les pays de tradition néocorporatiste (Scandinavie, Autriche, Belgique), les syndicats sont, en outre, flanqués de structures sociales : chambres du travail en Autriche, mutuellisme, etc. Elles fournissent des soutiens logistiques (expertise, conseils individuels et collectifs) et soulagent les syndicats de fonctions de services porteuses d’adhésions. En Allemagne, les jetons de présence des syndicalistes dans les conseils d’administration sont mutualisés ; ils financent une fondation de recherche syndicale. En Suède, le gouvernement de droite vient de priver de financement un remarquable centre de recherche qui associait université et syndicats.

Le financement des structures de représentation au sein des entreprises est plus varié. Lorsqu’il existe des comités élus par l’ensemble des salariés, ils disposent souvent de moyens légaux ou conventionnels. Moyens financiers et détachements de salariés se combinent de façon variée. S’il ne s’agit pas à proprement parler de moyens syndicaux, ils sont disponibles pour des élus largement syndiqués. Ils soulagent d’autant les structures proprement syndicales, tout en donnant de l’autonomie aux élus de terrain à l’égard des structures syndicales. En Allemagne ou en Autriche, ces conseils d’établissement disposent de solides moyens, complémentaires des finances syndicales obtenues par les adhésions. En Italie, on trouve aussi des dispositions de ce type. En Grande-Bretagne, en revanche, il n’existe que rarement de telles dispositions au sein des entreprises ; les détachements (time off) y sont devenus rares. Organizing (faire des adhérents) est un alors un leitmotiv vital. Et, dans nombre de pays, la baisse du nombre d’adhérents conduit les structures syndicales à se concentrer, au prix de la perte de permanents. Quant au syndicalisme international (CES, CSI), il souffre lui aussi de l’appauvrissement de ses adhérents nationaux.

Jean-Paul Jacquier Ancien secrétaire national CFDT et responsable du site clesdusocial. com

“Les ressources propres doivent représenter au moins la moitié des moyens des syndicats”

L’idée que le syndicalisme français est pauvre est-elle juste ? Le syndicalisme ne manque pas de moyens. Mais ses ressources sont éparpillées entre un trop grand nombre d’organisations et sont très inégalement réparties entre grandes et petites entreprises, entre secteur public et secteur privé, etc. Enfin, une part de ces ressources alimente des tribus syndicales d’entreprises et d’administrations qui ne mutualisent pas leurs moyens. Comme dans le capitalisme, il y a, dans le syndicalisme, des pauvres et des riches. Augmenter les ressources du syndicalisme sans réforme structurelle serait un non-sens qui perpétuerait la survie d’organisations minoritaires et de bureaucraties non partageuses.

Avant de financer, il faut exiger la vérité sur la situation actuelle : des comptes consolidés certifiés et publics qui calculent l’équivalent financier des mises à disposition de personnel, de locaux, d’équipements…

Avant de financer, il faut poser des principes : des ressources propres (cotisations, ventes aux adhérents, intérêts financiers) qui représentent au moins la moitié des moyens de chaque organisation ; pas de financement extérieur pour celui qui ne peut assurer cette existence de base, condition de son indépendance ; des règles identiques entre secteur public et secteur privé ; une répartition proportionnelle à une double représentativité, calculée à la fois sur les cotisations et les voix aux élections professionnelles. Après cela, et seulement après, on peut chercher des solutions, qui ne peuvent pas être un financement public du même type que celui des partis politiques. Les syndicats ont d’autres fonctions d’intérêt général que l’on doit financer autrement. La fonction négociation, par une cotisation calculée sur la masse salariale des entreprises et administrations, consolidée au niveau de la branche et distribuée aux fédérations professionnelles patronales et syndicales, proportionnellement à la double représentativité (voix et adhésions). L’UPA des artisans a ouvert une voie qui peut être généralisée. La fonction animation des garanties paritaires, par une contribution des organismes en question, négociée dans la transparence, attribuée en fonction de la double représentativité et versée aux organisations syndicales interprofessionnelles, nationales et territoriales. La fonction judiciaire étant prise en charge par l’État, qui financerait aussi la formation qualifiante, la reconversion des militants et la recherche sociale, mais non le fonctionnement syndical.