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La fin annoncée des préretraites

Dossier | publié le : 01.12.2007 | Valérie Devillechabrolle

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La fin annoncée des préretraites

Crédit photo Valérie Devillechabrolle

Pour pousser les entreprises à conserver leurs seniors, le gouvernement va taxer plus lourdement les départs anticipés et les mises à la retraite d’office. Des mesures qui risquent de pénaliser les salariés sans pour autant atteindre leur cible.

En avisant, le 18 septembre, du renchérissement du coût des préretraites et des mises à la retraite d’office avant 65 ans, Nicolas Sarkozy a jeté un joli pavé dans la mare ! Doublement annoncé (à hauteur de 50 %) de la contribution sur les préretraites, création d’une cotisation supplémentaire sur les indemnités de mise à la retraite avant 65 ans, alignement du régime fiscal et social de ces dernières sur celui, moins avantageux, des indemnités de départ volontaire à la retraite : la potion concoctée par le gouvernement et reprise dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2008 est amère.

Face à l’alourdissement prévu de la facture, certaines entreprises, telles que la MGEN mais aussi Nestlé ou encore Alcatel, avaient cru pouvoir s’en sortir en signant un plan de préretraite juste avant l’annonce du président de la République. Cela n’a pas empêché le gouvernement de tenter de les rattraper en précisant que les anciennes dispositions ne seraient « applicables qu’aux allocations de préretraite perçues dans le cadre des départs intervenus avant le 10 octobre ». Quant aux mises à la retraite d’office, le PLFSS prévoit de les taxer à titre transitoire à hauteur de 25 %, dès lors que les indemnités auront été versées entre le 10 octobre et le 31 décembre 2008. Si ces dispositions courent le risque d’être censurées, au motif que « leur effet rétroactif pourrait être jugé contraire à la sécurité juridique », comme le rappelait la Caisse nationale d’assurance vieillesse dans son analyse du projet de loi, le gouvernement est, en tout cas, parvenu à semer le trouble dans les entreprises concernées. « Cela signifie-t-il que les nouvelles mesures s’appliqueront non pas en fonction de la date de signature du plan, mais en fonction de celle des départs en préretraite prévus pour s’échelonner jusqu’en 2009 ? » s’interroge ainsi René Brault, délégué CFE-CGC d’Alcatel-Lucent, signataire du dernier plan qui prévoit des départs à 55 ans.

Un taux dissuasif. Si ces sociétés peuvent encore nourrir quelque espoir d’échapper au couperet, les autres sont en train de faire leurs comptes. « Alors que la contribution de 24,15 % instituée par la loi Fillon d’août 2003 correspondait à la somme des cotisations aux régimes obligatoires d’assurance vieillesse, la taxe de 50 % est devenue forfaitaire, sans lien avec les cotisations sociales, observe Benoît Meyer, actuaire associé du cabinet Adding, chargé de l’épargne salariale et de la retraite. Et ce dans un contexte où « le marché de la préretraite avait déjà été divisé par deux entre 2003 et 2007, renchérit Arnaud Sangle-Ferrière, responsable du développement de la retraite et de l’épargne salariale aux AGF. Si 40 % des programmes en cours correspondent en réalité à des prorogations, les nouveaux plans sont concentrés sur certains secteurs comme la pharmacie et la métallurgie et sur quelques entreprises riches en cours de fusion », précise-t-il.

En dépit de la surtaxation, certaines sociétés savent déjà qu’elles ne remettront pas en cause leurs projets de mise à la retraite anticipée. Même si cela devait leur coûter « quelques millions d’euros supplémentaires », ainsi que l’a estimé Alain Hernandez, délégué national aux relations sociales de la MGEN. D’autres ont clairement manifesté leur mauvaise humeur devant leurs représentants du personnel. « Les entreprises nous ont déjà laissé entendre que, si la taxe sur les préretraites doublait, elles arrêteraient ce type de programme », observe Philippe Fraysse, responsable de FO Métaux, chargé des sociétés aéronautiques, farouchement opposé au projet… La plupart de ces employeurs n’ont pas, pour autant, l’intention de renoncer à se séparer des seniors. « Ils pourraient agir différemment », confirme Benoît Meyer, du cabinet Adding, en citant les mises en incapacité et, surtout, les dispenses de recherche d’emploi. « Le risque existe surtout de voir les préretraites se transformer en licenciements de salariés âgés », prévient Arnaud Sangle-Ferrière, des AGF, en observant que « l’essentiel des plans de préretraite en cours a été adopté dans le cadre de plans de sauvegarde de l’emploi ».

Argument en béton des employeurs, la réduction du nombre de préretraites pénaliserait avant tout les salariés, toujours aussi demandeurs. « Les préretraites constituent un palliatif que nous offrons aux salariés qui refuseraient une mobilité dans le cadre de notre plan de réorganisation », indique Alain Hernandez, de la MGEN. Même situation chez IBM : sur chacun des plans de préretraite mis en œuvre depuis huit ans pour faire face à la fin de l’ère manufacturière, « il y a toujours eu plus de candidats que de tickets à distribuer », rappelle Éloïse Verde-Delisle, directrice des relations sociales et de l’emploi. De la même façon, chez Alcatel-Lucent, « 10 % de demandes supplémentaires ont d’ores et déjà été enregistrées par rapport au quota de préretraites prévu dans le dernier programme », souligne René Brault, délégué CFE-CGC. Pour les salariés concernés, les montages restent très attractifs : « Notre plan leur garantit un taux de remplacement minimal équivalent à 85 % de leur dernier trimestre indiciaire », reconnaît Alain Hernandez.

Quant au projet de taxation des indemnités de mise à la retraite d’office, il risque, là encore, de pénaliser davantage les salariés, et en particulier les cadres, qui en bénéficiaient, que les entreprises. Normes IFRS obligent, ces indemnités de fin de carrière sont en effet déjà largement provisionnées par les sociétés… Et même « plutôt en risque de surprovisionnement depuis que la loi Fillon avait annoncé la suppression partielle des mises à la retraite d’office avant 65 ans », indique Arnaud Sangle-Ferrière, des AGF. Si ce matelas de provisions peut en partie amortir le renchérissement de coût proposé, estimé à 45 % par Benoît Meyer, du cabinet Adding, les salariés subiront de plein fouet l’impact social et fiscal de la réforme sur ces indemnités, sachant que ces dernières étaient en moyenne supérieures de 25 % à celles versées lors d’un départ volontaire à la retraite.

Mais les projets du gouvernement risquent aussi d’aller à l’encontre de l’objectif recherché : l’allongement de carrière. Le meilleur exemple est celui de la mise à la retraite d’office. « En instaurant une taxation identique quel que soit l’âge de départ du salarié, l’entreprise aura intérêt à se séparer de son salarié aussi vite que possible », explique Jean-Claude Guéry, directeur des affaires sociales de l’Association française des banques, l’une des 121 branches à avoir conclu un accord dérogatoire à la loi Fillon d’août 2003 visant à maintenir des possibilités de mise à la retraite avant 65 ans. Dans un contexte d’allongement d’activité, « il conviendrait mieux d’instituer une taxation dégressive en fonction de l’âge de départ du salarié », poursuit-il.

Un mixage des dispositifs. Si les projets gouvernementaux viennent changer la donne, beaucoup de dirigeants d’entreprise reconnaissent, à l’instar d’Éloïse Verde-Delisle, d’IBM, que « rompre avec cette dynamique de départ anticipé peut être difficile ». Quant à y mettre fin brutalement, il ne faudra pas y compter. « Nous sommes passés d’un plan de départ à 53 ans en 2005 à un plan de départ à 55 ans en 2007. Peut-être le suivant n’autorisera-t-il les départs qu’à partir de 57 ans ? » s’interroge René Brault, d’Alcatel-Lucent. « À partir du moment où l’accès aux cessations anticipées d’activité sera plus restrictif, nous allons devoir les mixer avec d’autres dispositifs, comme le passage à temps partiel, tout en les adaptant davantage aux profils des salariés », prévient Éloïse Verde-Delisle. Et IBM a engagé, depuis un an, une réflexion sur la remotivation des salariés en fin de carrière… Le début d’une prise de conscience ?

La sévère décrue des préretraites publiques

Entre 1996 et 2005, le nombre de préretraités relevant d’un dispositif public s’est réduit de 45 %. Cette décrue s’explique par la fermeture, en 2003, de l’allocation de remplacement pour l’emploi (créée par l’assurance chômage) et par le durcissement des conditions d’accès aux allocations du Fonds national pour l’emploi. Le nombre de chômeurs dispensés de recherche d’emploi, estimé fin 2005 à 408 000 personnes, s’est accru de près de 50 % sur la même période.

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle