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Vie des entreprises

Les visiteurs médicaux sous traitement de choc

Vie des entreprises | Match | publié le : 01.09.2007 | Éric Béal

Entre concentrations, concurrence des génériques et réduction des dépenses de santé, Pfizer et Sanofi-Aventis compriment leurs réseaux commerciaux. Législation oblige, les deux labos se plient à l’exercice de la gestion prévisionnelle de l’emploi, mais pas au même rythme.

La potion est amère pour les visiteurs médicaux. Après les années fastes, au cours desquelles les effectifs de ces VRP du médicament ont suivi l’envolée des chiffres d’affaires des labos, voici venu le temps des restructurations. « Rien qu’en 2006, l’industrie pharmaceutique a connu 12 plans sociaux », souligne Dounia Hamet, de la Fédération des industries chimiques CGT. En octobre 2006, Sanofi-Aventis, le numéro quatre mondial du secteur, annonçait la suppression de 500 postes en France, dont 399 chez les visiteurs médicaux. Depuis la fusion de Sanofi-Synthélabo et d’Aventis en 2004, 1 500 postes ont été supprimés, dont plusieurs centaines chez Sanofi-Aventis France, la filiale commerciale qui emploie la plupart des visiteurs médicaux. Bilan aussi lourd chez Pfizer, le leader mondial, où les réductions d’effectifs sont régulières depuis le rachat de Warner-Lambert en 2000 et de Pharmacia en 2002. « Plusieurs milliers de postes ont été supprimés en France », note Thierry Lannes, délégué syndical CFDT et secrétaire du CE. En avril, le groupe a signé avec tous les syndicats, sauf la CGT, un accord de méthode dans le cadre d’une réorganisation de ses réseaux, pour aboutir à la suppression de 240 postes de visiteurs médicaux.

La faute aux génériques. Un remède de choc pour des salariés plutôt gâtés. Des salaires de 3 000 à 4 000 euros brut sont monnaie courante, auxquels s’ajoutent véhicule de fonction, participation et intéressement. « Pour un bac + 1 ou bac + 2, les salaires à l’embauche sont supérieurs à ceux du marché », reconnaît Marie-Christine Staub-Pédroli, déléguée CFE-CGC chez Pfizer. En plus du treizième mois et d’une prime de vacances de 1 300 euros, ils peuvent percevoir jusqu’à 10 000 euros par an de primes sur objectif, 3 000 euros chez Sanofi-Aventis. Seul avantage du laboratoire français, une prime de 1 % par année d’ancienneté, plafonnée à vingt ans, contre quinze chez l’américain.

Il faut dire que les résultats des deux groupes flambent. Pfizer affiche 11,6 milliards d’euros de bénéfices pour 2006 et Sanofi-Aventis a dépassé la barre des 7 milliards d’euros de bénéfice net. Mais la conjoncture oblige les deux poids lourds à anticiper un ralentissement de leur activité. En 2006, Sanofi-Aventis a ainsi vu les ventes du Triatec, un traitement de l’hypertension, chuter de 56 % sous l’effet de la concurrence des génériques. Quant à Pfizer, un tiers de son chiffre d’affaires est réalisé avec des médicaments dont les brevets tomberont dans le domaine public entre 2004 et 2008. L’activité des laboratoires est en outre de plus en plus réglementée. « Dans le cadre de la réforme de l’assurance maladie, les pouvoirs publics ont imposé des restrictions du chiffre d’affaires et du volume de médicaments consommés, souligne Pascal Le Guyader, directeur des affaires sociales, de l’emploi et de la formation du Leem, le syndicat de l’industrie pharmaceutique. Dans une charte de la visite médicale signée fin 2004, la profession s’est engagée à mettre l’accent sur la qualité de l’information et à réduire le nombre de visites aux médecins. » Pas étonnant, dans ces conditions, de voir les laboratoires ajuster leurs réseaux. Selon le Leem, les effectifs des commerciaux pourraient baisser de 23 000 à 16 000 personnes d’ici à 2012.

Dans les deux labos, les salariés de 55 ans et plus peuvent partir en touchant 70 % de leur salaire net

Pour autant, les deux groupes ne se montrent pas chiches sur les conditions de départ. Tous les salariés de Pfizer âgés de 55 ans et plus peuvent quitter l’entreprise en étant assurés de toucher une rente dont le montant brut mensuel est égal à 70 % du salaire de référence. L’accord prévoit également des aides financières et un suivi pour les volontaires au départ dans le cadre d’un projet personnel. La mobilité interne est aussi encouragée. « Grâce à ces mesures, nous serons passés de 13 réseaux de visiteurs médicaux à 8 dès octobre prochain. Nous avons anticipé de cette façon sur les pertes de brevets et nous ne prévoyons pas de réorganisation significative dans les deux ans à venir », assure Yves Grandmontagne, vice-président de Pfizer France, chargé des RH. De leur côté, les syndicats se félicitent d’aboutir à zéro licenciement contraint.

Les modalités des cessations anticipées d’activité sont presque identiques chez Sanofi-Aventis. « Avec 70 % de leur salaire net, les salariés de 55 ans et plus sont heureux de partir », observe Xavier Biondi, délégué syndical CFTC, qui s’attend à des vagues de préretraites. « Nous avons 28 réseaux de visiteurs. Par le passé, la direction a multiplié leur nombre pour augmenter ses ventes. Aujourd’hui, il faut gérer la décroissance. »

Les « mesures d’accompagnement du volontariat », titre de l’accord sur la réduction des effectifs chez Sanofi-Aventis France, comportent également des primes incitatives au départ volontaire et des aides à la mobilité interne, géographique ou professionnelle. « Nous avons anticipé les difficultés depuis longtemps », indique Pierre Chastagnier, DRH France de Sanofi-Aventis. En réorientant, par exemple, certains visiteurs médicaux vers l’information des pharmaciens. Et d’autres vers le métier de délégué pharmaceutique qui, contrairement au visiteur, est un vrai commercial vendant produits et services. Des évolutions menées par l’intermédiaire de passerelles internes et de dispositifs de mobilité qui devraient être formalisés et complétés dans un accord de GPEC, dont la négociation est annoncée pour septembre.

Obligations légales. Car, loi Fillon oblige, les laboratoires redécouvrent l’accord signé en 1994 par la branche et resté lettre morte. Ce qui fait grimacer Jean-Louis Salmon, délégué syndical CFDT chez Sanofi-Aventis. « La profession a multiplié les réductions d’effectifs pour intimider le gouvernement. Maintenant, les directions songent à la GPEC pour remplir leurs obligations légales. Mais nous n’accepterons pas de licenciements secs. Nous exigerons des préretraites en abaissant l’âge de départ. » Jacky Lebrun, de la CGT, est sceptique. « La direction attend d’en avoir terminé avec la gestion des départs prévus par le plan social. Ensuite, elle voudra signer rapidement sur la GPEC pour pouvoir concrétiser ses projets de fusion avec Bristol-Myers Squibb. Or une négociation de GPEC prend au moins dix à douze mois. »

Chez Pfizer, le CE a brandi son droit d’alerte pour forcer le groupe à dévoiler ses intentions

Des passerelles entre filières. Chez Pfizer, la négociation sur la GPEC s’est achevée cet été. Le texte soumis à la signature des syndicats prévoit l’élaboration d’un référentiel des métiers, la mise en œuvre de parcours professionnels et de passerelles entre filières. Chaque collaborateur pourra bénéficier d’un bilan de compétences à compter de son quarante-cinquième anniversaire. Enfin, une bourse de l’emploi sera mise en place sur l’intranet pour dynamiser la mobilité géographique et le marché interne de l’emploi. Mais la rapidité du processus a suscité des critiques. « Nous ne sommes pas allés au fond des choses car les sujets étaient trop nombreux et le temps imparti trop court », explique Isabelle André, de la CGT. Comme si la direction était pressée de se couvrir en cas de nouveau PSE.

Si le dialogue social se déroule pour le moment sans anicroche dans le groupe français grâce à la recherche systématique du consensus, les relations sociales sont plus tendues chez Pfizer, où le CE a brandi son droit d’alerte en février dernier. « La direction française ne veut pas engager de discussions sur l’avenir avec les représentants syndicaux, décrypte Roger Koskas, l’avocat du CE. Elle redoute les futurs objectifs de réduction des coûts que pourrait imposer la direction générale américaine et préfère octroyer de grosses indemnités de préretraite que de se lier les mains avec des engagements à moyen terme. »

Alors que le Leem s’apprête à présenter une étude prospective, les syndicalistes ont quelques certitudes. « Les visiteurs médicaux feront moins de relation commerciale avec les médecins de ville et plus d’information technique pour les médecins hospitaliers ou les usagers », estime Jean-Luc Roy, délégué Unsa de Sanofi-Aventis. Pour Marie-Christine Staub-Pédroli, déléguée CFE-CGC chez Pfizer, « le groupe devra faire un réel effort sur la formation, et la rémunération variable pourrait être intégrée dans le fixe ». De quoi alimenter la négociation au sein du groupe américain et chez son concurrent français.

Pfizer

Chiffre d’affaires :

36

milliards d’euros en 2006 (monde)

Salariés France :

2 750

(monde : 106 000)

Visiteurs médicaux France :

1 150

Sanofi-Aventis

Chiffre d’affaires :

28,4 milliards d’euros en 2006 (monde)

Salariés France :

26 500 (monde : 97 180)

Visiteurs médicaux France :

3 040

Les salariés de Cider sur la paille

Tous les visiteurs médicaux n’ont pas la chance d’être salariés d’un grand laboratoire pharmaceutique.

Le 2 mai dernier, le tribunal de commerce de Nanterre a prononcé la liquidation de Cider Santé, une société spécialisée dans la visite médicale externalisée. « La fermeture était inéluctable étant donné notre situation financière », estime Hubert Graillot, le secrétaire du comité d’entreprise.

Non seulement les salariés de Cider n’ont bénéficié d’aucune mesure de reclassement chez RepscoPharmexx, l’actionnaire de Cider, mais ils n’ont même pas touché leur salaire d’avril. En guise de solde de tout compte, l’AGS, l’association de garantie des salaires, devrait débloquer au maximum une enveloppe de 60 000 euros pour chacun d’entre eux. « Nous avons été victimes d’une faillite organisée. Les actionnaires ont racheté l’entreprise au fondateur et se sont entendus pour réduire le chiffre d’affaires petit à petit afin de se débarrasser d’un concurrent sans avoir à gérer les conséquences sociales de leur mauvaise gestion », accuse Hubert Graillot. À la tête d’une association de défense des salariés de Cider, il compte poursuivre les responsables de la société défunte en justice.

Auteur

  • Éric Béal