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Les habits neufs de la fonction formation

Dossier | publié le : 01.09.2007 | S. G.

La réforme de 2004 a certes redoré le blason des responsables de formation. Mais ils regrettent la lourdeur de sa mise en œuvre et son caractère normatif.

Si vous connaissez un responsable de formation qui a consommé son stock de DIF, je l’embauche tout de suite ! » soupire Jean-Luc Masset, DRH des hypermarchés Carrefour (78 000 collaborateurs). Les vingt heures annuelles de droit individuel à la formation ont fait figure d’épouvantail après la signature de l’accord interprofessionnel de décembre 2003 et le vote de la loi de mai 2004 sur la formation tout au long de la vie. Elles continuent à cristalliser une bonne part des critiques formulées à son encontre. « Dans une entreprise qui consacre 7,5 % de sa masse salariale à la formation et dont 87 % des salariés bénéficient d’au moins une formation chaque année, je ne vois pas l’intérêt d’un tel dispositif, plaide François-Xavier Lemaire, directeur de la formation d’Axa France. Je comprends qu’il ait semblé nécessaire de donner accès à la formation à des salariés, dans les PME notamment, qui en étaient privés. Mais la réforme me semble beaucoup trop normative compte tenu de l’hétérogénéité des situations. »

Complexité juridique. Autre critique récurrente chez les directeurs de la formation : la lourdeur administrative de la mise en œuvre de la réforme. C’est l’un des messages qu’a souhaité faire passer Monique Benaily, présidente du Groupement des acteurs et responsables de formation (Garf), lors de son audition, en mai dernier, par la mission sénatoriale d’information sur les dispositifs de formation professionnelle. « La réforme a généré un grand nombre de contraintes nouvelles. Il a ainsi fallu créer de nouveaux systèmes d’information pour gérer les plans de formation et les DIF. » À cette lourdeur administrative s’ajoute la complexité juridique : « Avec un cadre réglementaire aussi complexe et mouvant, on a souvent l’impression d’avoir besoin d’un juriste pour s’en sortir », poursuit-elle. Sans parler des contraintes financières : à Carrefour, la mise en œuvre de la réforme s’est traduite par une augmentation d’un point du budget de formation (passé en 2007 de 3 % à 4 % de la masse salariale).

D’une manière générale, « les responsables de la formation ont eu pour consigne de rester à iso-budget », explique Monique Benaily. Solutions possibles : jouer aux vases communicants en reversant les vingt heures annuelles de DIF dans le plan de formation. Ou recourir à toutes les aides possibles (Opca, Fongecif, aides régionales ou européennes…). « La réforme nous a amenés à explorer toutes les dimensions de notre métier : la pédagogie et l’ingénierie de formation, bien sûr, mais aussi l’ingénierie financière, les systèmes d’information, la sécurité juridique… »

Organisation bousculée. Cette nouvelle donne est d’autant plus difficile à gérer qu’elle bouscule l’organisation des entreprises : « La frontière entre les services RH et formation s’est redessinée, poursuit Monique Benaily. Le contrat de professionnalisation en est la meilleure illustration : relève-t-il de la DRH ou de la direction de la formation ? » Déjà largement occupés par le management des talents et l’optimisation des coûts salariaux, les DRH ont eu tendance à faire porter la réforme à leurs responsables de formation. François-Xavier Lemaire, le directeur de la formation d’Axa France, s’en félicite : « La réforme a replacé la formation au cœur de la vie économique et politique. On commence enfin à parler formation lors des comités de direction. » Compte tenu des implications financières de la réforme, « les responsables de formation ont maintenant l’oreille de leur direction générale, confirme Stéphane Diebold, responsable des relations extérieures du Garf. Leur défi est de faire évoluer le rapport des entreprises à la formation et de transformer leur service en centre de profit interne, dont l’impact, en termes de création de valeur, peut être évalué ».

Une véritable gageure pour une fonction très hétérogène : « La réforme a le mérite de tirer notre profession vers le haut, commente Monique Benaily. Le responsable de formation doit désormais se positionner comme l’un des pivots de la stratégie de l’entreprise, en prise avec la politique de l’emploi, la gestion des compétences et, bien entendu, les contraintes budgétaires. » Un défi qui est loin d’effrayer François-Xavier Lemaire : « Axa France est en train d’établir une cartographie de ses métiers d’aujourd’hui et de demain pour affiner sa gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Les objectifs initiaux de la réforme s’inscrivent clairement dans cette stratégie. Tous les désagréments de sa mise en œuvre ne doivent pas nous faire oublier que l’objectif originel est passionnant. Mais, si l’on n’arrive pas à simplifier le dispositif, notamment ses dimensions administratives et comptables, la réforme pourrait virer au désastre… »

Sade : une réforme exigeante

Signataire, dès octobre 2004, d’un des premiers accords de groupe, Veolia a eu une démarche volontariste dans la mise en œuvre de la réforme. Directeur de la formation de Sade (filiale de 7 500 salariés de Veolia Eau, spécialiste de la conception, de la construction et de la maintenance des réseaux), Gérald Lefèvre en dresse un bilan mitigé « mais, finalement, plutôt positif ». Côté avantages : « La réforme place la formation au cœur de la stratégie des entreprises. Les grands enjeux RH de Sade (développement des compétences, gestion du papy-boom, mise en place d’une GPEC pour les ouvriers) ont une dimension formation évidente. Ce qui nous amène à déborder de notre périmètre habituel d’intervention. » Le service formation intervient désormais comme un pôle de consultants internes qui accompagne la DRH, les directions opérationnelles et les salariés dans l’élaboration de parcours professionnels. La difficulté étant d’articuler les gestions collectives et individuelles des carrières. Le DIF a encore du mal à trouver sa place dans ce Meccano : « 60 % des salariés partent en formation chaque année. Nous avons donc très peu de demandes de DIF. Comme la Cour des comptes s’est prononcée contre le provisionnement de ce risque, nous avons peur d’accumuler les retards. » On atteint là les limites de la réforme. « La gestion individualisée des carrières est une excellente chose. Mais elle repose sur la mobilisation de l’encadrement intermédiaire, qui a déjà largement été mis à contribution ces dernières années, dans la mise en œuvre des politiques de qualité et de sécurité notamment. Les managers opérationnels vivent les entretiens individuels comme une charge supplémentaire de travail difficile à gérer et périphérique de leur cœur de métier. Je dois faire beaucoup de pédagogie pour les mobiliser », indique Gérald Lefèvre.

42 % des DRH et des responsables de formation interrogés par la Cegos en mars 2006 jugeaient la réforme de 2004 positive, contre 36 % deux ans plus tôt

Auteur

  • S. G.