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Repères

L'urgence peut être mauvaise conseillère

Repères | Éditorial | publié le : 01.06.2007 | Denis Boissard

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L'urgence peut être mauvaise conseillère

Crédit photo Denis Boissard

Place à l'action. Après le temps des promesses, voici venue l'heure de leur concrétisation. Soucieux de profiter de l'état de grâce suivant son adoubement pour réformer en profondeur, comme il s'y est engagé, le nouveau chef de l'État veut agir vite. Tout le problème va être, dans le domaine social où est annoncé un train de réformes d'une ampleur inégalée depuis 1981, et portant sur des sujets potentiellement explosifs, de ne pas confondre vitesse et précipitation.

Le mérite de Nicolas Sarkozy est d'avoir annoncé clairement la couleur. Au menu du gouvernement Fillon et – en vertu de la loi de modernisation du dialogue social – des partenaires sociaux sont, entre autres, programmés la mise en place d'un service minimum dans les transports publics (la mère de toutes les réformes sociales, dont dépendra la capacité à réformer sans risquer la thrombose) ; l'instauration d'un contrat de travail unique, plus souple que le CDI ; la fusion entre l'Unedic et l'ANPE ; la liberté de candidature au premier tour des élections professionnelles et la généralisation des accords majoritaires. Sans oublier, dès 2008, la remise à plat des régimes spéciaux de retraite. Autant de sujets à manier – afin de ne pas réitérer les déboires du plan Juppé ou du CPE – avec force précautions.

Pour mener ces réformes à bien, l'équipe au pouvoir devra d'abord faire preuve d'un grand sens pédagogique. Si le terrain a été bien préparé par le candidat Sarkozy, il y a loin de la proposition programmatique, au contenu inévitablement sommaire, à sa traduction dans des mesures précises et détaillées. Pour contrecarrer l'obstruction inévitable d'intérêts catégoriels, il faudra expliquer et défendre avec beaucoup de conviction la légitimité des réformes à entreprendre.

Il va falloir aussi laisser du temps et des marges de manœuvre à la négociation entre partenaires sociaux – sans lesquels ces derniers auront vite fait de dénoncer un ersatz de concertation – tout en veillant à ce que la place octroyée à la démocratie sociale n'aboutisse pas à enliser la réforme ou à la détourner de ses buts initiaux. La mission « bons offices » confiée à l'homme de compromis qu'est Raymond Soubie, l'un des deux « bloc-notistes » de ce magazine, est de bon augure.

Sarkozy et Fillon devront enfin convaincre de l'équité de leur action réformatrice. Comment persuader les agents de la SNCF ou de la RATP de baisser la garde sur leur droit de grève ou de revoir à la baisse leurs conditions de départ à la retraite, ou convertir les salariés du privé à un assouplissement du droit du licenciement si, au même moment, est engagée une politique fiscale ressentie, à tort ou à raison, comme profitant en priorité aux ménages les plus aisés ? Dans notre pays au vieux fonds républicain, la faisabilité des réformes dépendra étroitement de la perception – socialement juste ou injuste – qu'en auront ses destinataires. Ce ne sera sans doute pas la difficulté la plus simple à résoudre pour l'équipe en place.

Auteur

  • Denis Boissard